Panorama du Hohneck : 3. Description
Avec ses 1363m d’altitude le Hohneck est le point culminant de la ligne de crêtes qui marque dans les Vosges la limite entre la Lorraine et l’Alsace. C’est le troisième sommet du massif vosgien.
Zone de passage entre Gérardmer et Munster le Hohneck a aussi été un lieu de combats et notamment durant les deux guerres mondiales. Deux monuments commémorent la bataille du Hohneck de décembre 1944. La Crête constituait la frontière entre l'Allemagne et la France pendant l’annexion de l’Alsace-Moselle entre 1871 et 1918.
Le Hohneck a été et est toujours une attraction touristique. Un tramway électrique amenait les touristes depuis Gérardmer jusqu’au col de la Schlucht et au Hohneck de 1897 à 1939. Côté alsacien, un tramway à crémaillère a fonctionné de 1907 à 1914 à partir de Munster.
Le massif du Hohneck est inclus dans le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, dont l'une des missions est de protéger et mettre en valeur le patrimoine. Le sommet très dégradé à cause de la forte fréquentatioin touristique, fait l'objet d'une restauration, avec notamment l'aménagement des sentiers.
Tour d’horizon rapide
Les Crêtes
Le granite
Soulèvement du massif et distension
Limite socle/couverture sédimentaire et pénéplaine anté-triasique
Le paysage glaciaire
Depuis le sommet, se remarque immédiatement le relief caractéristique du massif à formes arrondies, couvertes de prairies et de lande : le Hohneck lui-même, le Petit Hohneck, le Rainkopf, le Kastelberg, et plus au sud le Schnepfenried, le Markstein, le Grand Ballon. Ce dernier est l'un des cinq sommets vosgiens à porter le nom de "Ballon"*. Les pentes relativement douces du versant ouest, contrastent avec les pentes souvent raides côté alsacien.
Au-delà le regard se porte vers l’est, sur les vallées profondes qui découpent le massif en convergeant vers Munster (vallée de la Fecht qui aboutit à Colmar), et au-delà, les collines sous-vosgiennes, la plaine d’Alsace et enfin, à l’horizon à 80km du Hohneck, la Forêt Noire (en Allemagne).
Vers le sud, loin à l’horizon et par temps très clair les Alpes sont visibles, à environ 200km, et peut être le Mont Blanc distant de 240km. C’est souvent en hiver que les meilleures conditions sont réunies pour bénéficier de cette vue.
A l’ouest, le relief est entaillé par la vallée de la Vologne, et descend doucement vers le plateau lorrain, bordure orientale du Bassin parisien.
Une table d’orientation située au point culminant permet de se repérer et d’identifier les principaux sommets.
* En réalité le toponyme le plus fréquent pour les sommets vosgiens n'est pas construit avec le mot « ballon », qui n'est utilisé que pour cinq sommets, mais avec les appellatifs toponymiques -kopf ou -berg, qui désignent en langue romane respectivement "tête" et "mont ".
L'origine de l'appellation "Ballon" (ou "Bölchen" côté allemand) est controversée. Selon linguistes et historiens, elle ne serait pas due à la forme arrondie de ces reliefs, mais le nom désignerait plutôt un lieu de culte celtique dédié à Belenos, dieu du soleil. (d'après Wikipedia - Toponymie - Les Ballons).
Le climat est rude sur les crêtes : vent, pluies abondantes, neige, brouillards givrants conditionnent le développement de la flore. La végétation donne au paysage sa typicité : au-dessus de 1200 à 1250m la hêtraie d’altitude (hêtres, érables, sorbiers, épicéas et pins) fait place à une lande (à myrtilles, callune, airelles…) parsemée d’arbres tortueux et rabougris avec souvent un port "en drapeau", et aux prairies d’altitude, qu’on nomme ici les Hautes Chaumes. Ce paysage est plus ou moins façonné par l’Homme qui a défriché pour agrandir les surfaces de pâturage.
L'hiver sur le Hohneck : à noter, les sommets arrondis, la neige soufflée par le vent sur la crête, accumulée sur le versant est à l'abri du vent, et formant des plaques à vent.
Le Hohneck vu du Haut de Falimont (janvier2019)
Le Kastelberg en hiver vu depuis le sommet du Hohneck (2016).
Après une tempête de neige (2016)
Le sommet du Hohneck (janvier2019)
Le rebord oriental des crêtes : accumulation de neige soufflée par le vent
En été, les Hautes Chaumes accueillent des troupeaux de bovins, dont la Vosgienne, une race adaptée à la montagne, menacée au cours du siècle dernier et qui a aujourd’hui repris toute sa place dans le massif. Les prairies ont régressé depuis le 19ème siècle évoluant, vers la lande à Ericacées et la forêt. Leur préservation permet de maintenir une flore remarquable dont plusieurs espèces reliques de la période glaciaire.
Quelques espèces végétales caractéristiques : grande gentiane, arnica, pulsatille blanche, pensée des Vosges, aconit napel.
Quelques espèces animales des Hautes Chaumes : Lièvre brun, Pipit spioncelle, Traquet motteux, Cicindèle champêtre (Coléoptère vert). Et il n’est pas rare d’y observer des chamois.
Chamois près du sommet sur le versant est (avril 2016)
L’érosion sur les Crêtes est ralentie par la présence d’une couverture végétale qui protège le sol. Ses effets sont cependant visibles au niveau des sentiers creusés par les randonneurs et soumis au ruissellement.
⇒Les Crêtes sont un milieu fragile. Il est donc impératif de rester sur les sentiers balisés afin de ne pas altérer cette fragile couverture.
C'est un granite gris, porphyroïde, composé de feldspaths potassiques, quartz, plagioclase et biotite (par ordre décroissant d'abondance). Les feldspaths potassiques forment de grands phénocristaux centimétriques, que l'érosion différentielle met en relief.
Le granite forme des falaises côté est, là où l'érosion a été vive (certaines de ces falaises sont des sites d'escalade). Ailleurs, autour du sommet, il est enveloppé d'un manteau d'arène et montre des formes arrondies parfois en boules.
Une boule de granite près du sommet
♦ Soulèvement du massif et distension
Vers l’est, le relief s’abaisse peu à peu, vers un paysage de collines, les Collines sous-vosgiennes. Au-delà s’étend la plaine d’Alsace à une altitude inférieure à 200m. Soit un dénivelé de près de 1200m. Symétriquement, vers l’est s’élève la Forêt Noire.
Coupe géologique schématique ouest-est des Vosges à la Forêt Noire (d'après Sittler C. dans La géologie du massif vosgien et du fossé rhénan)
La Plaine d'Alsace est un bassin d'effondrement ou graben entre deux reliefs ou horsts, Vosges et Forêt Noire. Il y a ici un rift orienté nord-sud. La région a d'abord subi un bombement à la fin du Crétacé (phase pré-rift) qui a soulevé l'ensemble des terrains des Vosges à la Forêt Noire. Puis à partir de l'Eocène, elle a été soumise à une distension avec amincissement de la croûte, et effondrement dans l'axe du bombement, donnant naissance à ce qui est aujourd'hui la Plaine d'Alsace. Le rift n'a pas atteint le stade océanisation.
Les compartiments géologiques sont limités par des failles normales dont les rejets sont importants et oscillent entre 200 et 1800m. Vosges et Forêt Noire sont constituées de terrains cristallins du socle (granitoïdes, migmatites, roches métamorphiques) coiffés ou non de leur couverture sédimentaire. Le fossé rhénan est en grande partie comblé par 5000 m de dépôts sédimentaires. L'érosion intense de la couverture sédimentaire des Vosges et de la Forêt Noire a fourni en grande partie les matériaux accumulés dans le bassin.
Sur ce thème, voir le circuit Distension en Alsace et l'histoire géologique du fossé alsacien dans la fiche Sigolsheim.
♦ Limite socle/couverture sédimentaire et pénéplaine anté-triasique
L'observation attentive du paysage révèle à l’observateur que les sommets et crêtes des reliefs visibles depuis le Hohneck s'alignent globalement selon un plan légèrement incliné de l'est vers l'ouest, interrompu ici et là par des reliefs de forme trapézoïdale couverts de forêts. La carte géologique montre que ceux-ci sont formés de grès vosgien couronnés d’un entablement de conglomérat principal (cf log stratigraphique de la Lorraine) qui reposent sur des granites ou des roches métamorphiques appartenant au socle hercynien.
Ces reliefs sont des buttes témoins de la couverture sédimentaire triasique qui reposent sur les terrains granitiques et métamorphiques paléozoïques. La surface plus ou moins plane qui sépare les deux ensembles socle / couverture correspond en gros à la pénéplaine post-hercynienne, ou antétriasique, qui existait à la fin du Paléozoïque après érosion des reliefs hercyniens, et sur laquelle se sont faits les premiers déports du Trias. Cette surface a été relevée, légèrement basculée et déformée au Tertiaire (cf paragraphe précédent).
Panorama vers l'ouest, depuis le Hohneck. Les sommets et crêtes dessinent globalement la pénéplaine antétriasique. Au premier plan la Vallée des Lacs, ancienne vallée glaciaire, entaille profondément cette ancienne pénéplaine. A l'horizon se devine la côte de Moselle.
Un relief en trapèze à l'ouest (interprétation cliquer sur la photo)
Panorama vers l'est, depuis le Hohneck. La pénéplaine antétriasique entaillée par l'érosion. Remarquer les buttes témoins plus ou moins trapézoïdales de la couverture triasique. A l'arrière plan la plaine d'Alsace et la forêt Noire à l'horizon
Avant le soulèvement régional des Vosges et de la Forêt Noire, et l’effondrement de la plaine d’Alsace au cours du Paléogène, l’ensemble de la région était recouvert de sédiments triasiques et jurassiques, dans le prolongement de ceux du bassin parisien. Dans la plaine d’Alsace ces sédiments sont en grande partie disparus sous les dépôts effectués dans le bassin effondré. Ils ne sont plus visibles à l’affleurement que sur la marge du bassin, dans les collines sous vosgiennes. Sur les reliefs vosgiens, ils ont été soumis à une érosion intense qui les a fait disparaitre en grande partie, ne laissant subsister que quelques buttes témoins de grès et conglomérats du Buntsandstein.
Vers l’ouest, cette couverture sédimentaire secondaire constitue le relief de côtes caractéristique de l’est du Bassin Parisien, dû à une alternance de terrains résistants et de terrains plus tendres, tous légèrement basculés vers l’ouest. Ces côtes (ou cuestas) plus ou moins marquées sont visibles dans le paysage par temps clair : rebord oriental du grès vosgien, côte du Muschelkalk, côte infraliasique, et côte de Moselle à l’horizon.
Le site du Hohneck est fortement marqué par l'activité des glaciers au cours du Quaternaire. Les formes molles des sommets portent les marques d'une importante érosion glaciaire. La couverture de glace permanente était vraisemblablement peu épaisse et discontinue. La crête est entaillée par des cirques glaciaires au coeur desquels la neige s'accumulait, évoluait en glace et alimentait les glaciers des vallées. Les cirques glaciaires sont bien visibles sur les deux versants : côté ouest, le cirque de Retournemer point de départ du glacier de la Vologne (fiche Panorama de la Roche du Diable), côté nord-est celui de Frankenthal à l'extrémité de la vallée de la Petite Fecht, et au sud-est les cirques du Wormspel et des Schwalbennest séparés par la crête du Spitzkoepfe, dont la confluence forme la Wormsa. Au bas des pentes les blocs accumulés lors de la dernière phase de déglaciation forment des éboulis. Les vallées qu'ont empruntées ces glaciers gardent un profil caractéristique (en U) à fond plat et à versants redressés. Des dépôts morainiques tapissent les vallées. En amont des verrous se sont formés des lacs, qui évoluent plus ou moins en tourbière : lac de Retournemer, tourbière de Frankenthal, lac de Schiessrothried, lac de Fischboedle.
La dissymétrie des reliefs liée à l'effondrement du fossé rhénan conduit à des différences de morphologie entre les deux versants des Vosges. Sur le côté occidental, la pente plus faible donne naissance à des glaciers plus longs et débordant souvent de la vallée. Le glacier de la Vologne à l'ouest s'étirait sur près de cinquante kilomètres à son maximum, alors que celui de la Wormsa sur le versant est ne dépassait pas 4 km.
- Versant est
Carte de la vallée de la Wormsa au SE du Hohneck (C.Ktitlé dans Géologie du massif vosgien et du fossé rhénan PNR Ballons des Vosges)
Vallée glaciaire de la Wormsa. Au coeur du cirque glaciaire, le Lac de Schiessrothried derrière un verrou réhaussé par une digue ; plus loin, la vallée glaciaire en U.
Lac de Schiessrothried. En arrière l'ancien cirque glaciaire sous le sommet
- Versant ouest
La Vallée des Lacs, vallée glaciaire de la Haute Vologne au profil en U (vue depuis le point de vue de la route de crêtes).
Au pied du cirque glaciaire, le Lac de Retournemer, en amont d'un verrou ; plus loin, le lac de Longemer en amont d'une moraine frontale.
Les roches induisent également des différences géomorphologiques. Vers le sud, on remarque notamment la différence de forme entre le Rothenbachkopf, à relief vigoureux, et le Hohneck ou le Kastelberg illustrant la forme typique arrondie des sommest vosgiens.
Le premier est constitué de grauwackes dévono-viséennes. Les autres sommets de cette partie de la crête sont formés par les granites. La différence morphologique est liée à la sensibilité différente de ces deux types de roches face aux conditions climatiques : la grauwacke est fortement gélive et l'arête étroite du sommet s'est façonnée pendant les périodes glaciaires et périglaciaires froides, alors que les granites sont plus sensibles à l'altération chimique des périodes chaudes et humides interglaciaires, conduisant à la formation d'un épais manteau d'altérites (granite altéré et arène).
Datations.
Les diverses datations sont basées sur les analyses polliniques des tourbières des Vosges et plus récemment sur les analyses par isotopes cosmogéniques au 10Be de roches moutonnées et blocs erratiques associés aux dépôts morainiques.
Le dernier maximum glaciaire (époque du würm alpin), la période la plus froide, se situerait entre 25 et 15ka* le retrait glaciaire débutant vers 15ka. Des glaciers de cirque auraient subsisté jusqu’au Dryas récent (10 à 11ka). Dans le bassin de la Grande Fecht, sur le versant alsacien, la déglaciation serait plus tardive et s’étalerait de 11,5 à 8,3ka +/-1ka. La déglaciation des cirques aurait été définitive il y a seulement 5 à 6ka (période Atlantique). (dans « La dernière phase glaciaire du haut bassin de la Fecht » - R.Andréoli et al, 2006)
* ka = kilo année = 1000 ans
Sur le même thème consulter la fiche Ligne des crêtes du Gazon du Faing continuation vers le nord des Crêtes du Hohneck, au delà du col de la Schlucht.
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Bibliographie sommaire
La géologie du massif vosgien et du fossé rhénan (2007) Parc naturel régional des Ballons des Vosges,104p.
Notice de la carte géologique Feuille Munster n° 377 (1976), BRGM Ed., 72 p.
Sur le glaciaire :
Andréoli R., Rosique T., Schmidt M. et Carozza J.M. (2006) - " La dernière phase glaciaire du haut bassin de la Fecht (Vosges, France): dynamique de l'englacement et chronologie relative de la déglaciation", Géomorphologie: relief, processus, environnement, 1/2006, 23-36.
http://journals.openedition.org/geomorphologie/455
Flageollet J.C. (2002) - "Sur la trace des glaciers vosgiens" CNRS Ed., 212 p.