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Fossé tectonique de Gondrecourt : 3. Description

Le fossé d'effondrement de Gondrecourt est orienté NE-SO. Encadré par deux failles rectilignes parallèles (fig.1), il est large de 1 à 3 km et s'étend sur environ 40 km entre Vacon (au NE) et Pautaines-Augéville en Haute-Marne (au SO). À Chassey-Beaupré, le graben, large de 1,5 à 2 kilomètres, affecte les terrains de l'Oxfordien supérieur (ex-Séquanien), du Kimméridgien et du Tithonien (fig.2).

Ce fossé fait partie d'un ensemble de structures similaires contemporaines (fossés de Joinville, de Colombey-les-Belles, de Rémoville) affectant, sans les déformer, les terrains sédimentaires de la Lorraine centrale situés à l'intérieur d'une zone délimitée, au sud, par la faille de Vittel et, au nord, par l'axe du synclinal de Savonnières-en-Perthois (cf. fig.2 - fiche Colombey-les-Belles).

Le graben de Gondrecourt, tout comme ses contemporains, sont attribués à une phase d'extension oligocène synchrone de celle du fossé rhénan (cf. fiche Distension en Alsace). Le rejet des failles du fossé de Gondrecourt peut atteindre une quarantaine de mètres dans sa partie septentrionale (secteur de Gondrecourt - Hilly et Haguenauer, 1979) et plus de 60 mètres dans sa partie méridionale.

Fig.2 : Coupe géologique schématique du fossé de Gondrecourt passant par Chassey-Beaupré

Dans le secteur de Chassey-Beaupré, la partie occidentale du fossé est principalement occupée par les calcaires tithoniens (Calcaires lithographiques du Barrois). Ces calcaires, plus résistants à l'érosion que les terrains marno-calcaires kimméridgiens (Marnes à exogyres), forment des collines boisées qui suplombent de 50 à 60 m la partie la plus orientale et les lèvres du fossé. Paradoxalement, la partie effondrée apparait donc en relief (fig.3). Cette inversion de relief est particulièrement bien visible en observant la bordure nord-ouest du fossé depuis la route D138, à hauteur de la ferme St Éloi, entre Luméville-en-Ornois et Mandres-en-Barrois (fig.4).

Fig.3 : Vue panoramique, depuis le château d'eau de Chassey Beaupré, d'une partie du relief inversé dans le fossé d'effondrement de Gondrecourt le Château (les limites du Tithonien, matérialisé par le Bois du Mont, sont indiquées par des repères rouges).

Fig.4 : Panorama sur le bord nord-ouest du fossé depuis la D138 entre Luméville et Mandres-en-Barrois
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Les terrains formant le centre du fossé peuvent être identifiés près du village de Chassey-Beaupré. Les champs situés de part et d'autre du château d'eau révèlent la présence de blocs marno-calcaires fossilifères avec gastéropodes (genres Cylindobullina, Harpagodes...), bivalves fouisseurs souvent à l'état de moules internes (trigonies, pholadomyoïdes, astartes, mactridés?), bivalves épibiontes représentés par la petite huître appartenant à l'espère Nanogyra (ex-Exogyra) virgula caractéristique des formations marneuses du Kimméridgien supérieur (Marnes à exogyres). Les abords de l'étang jouxtant la scierie du village montrent une belle surface structurale où l'on peut échantillonner facilement : outre Nanogyra virgula très abondante, d'autres bivalves dont Gervillella (fig.5), des brachiopodes (térébratules) et quelques gastéropodes sont également présents. La diversité de la faune indique que l'on se trouve au sein de la formation des Marnes à exogyres supérieures (sommet du Kimméridgien supérieur).

Fig.5 : Vue depuis la berge ouest de l'étang près de la scierie de Chassey-Beaupré
A: affleurement des Marnes à exogyres supérieures formant le substratum du plan d'eau ; B: lumachelle à huîtres avec fragment conique de moule interne de Gervillella ; C: valves gauche (grande) et droite (petite) de Nanogyra virgula ; D: débris d'origine anthropique = laitier d'un ancien haut-fourneau

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Des débris minéraux d'aspect vitreux et/ou vacuolaires (fig. 5D) sont fréquemment mêlés aux fossiles ou aux échantillons de roches sur le site de Chassey-Beaupré. Ces objets, appelés "laitier", sont d'origine anthropique et correspondent à des résidus de fonte provenant de l'activité d'un ancien haut-fourneau durant la deuxième moitié du XIXème siècle, à l'emplacement de l'actuelle scierie du village. Ce haut-fourneau traitait le minerai de fer fort exploité localement (cf. fiche Reffroy) et alimentait la forge d'Abainville près de Gondrecourt, qui, à l'époque, était une des plus importantes de la région (500 ouvriers y travaillaient). Son activité, immortalisée par les oeuvres picturales de François Ignace Bonhommé (entreposées au Musée de l'Histoire du fer de Nancy-Jarville), cessa en 1904. Le site est aujourd'hui devenu le siège d'une graniterie.

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Dans la stratigraphie régionale, les Calcaires lithographiques du Barrois, d'âge Tithonien, font suite aux Marnes à exogyres supérieures (fig.6).

Fig.6 : Position stratigrapique des terrains rencontrés (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

Les Calcaires lithographiques tithoniens sont des calcaires micritiques de couleur beige, très durs et quasiment azoïques. Ils peuvent être confondus avec d'autres calcaires de ce type recontrés dans la formation des Calcaires à astartes plus ancienne puisque tardi-oxfordienne. Dans la formation tithonienne, les bancs de calcaires lithographiques alternent avec des bancs marneux lumachelliques à Nanogyra virgula, ce qui permet de les distinguer des Calcaires à astartes où ces niveaux font défaut. A l'entrée du Bois du Mont sur le territoire de la commune de Luméville-en-Ornois, se situait une ancienne carrière, aujourd'hui enfouie sous la végétation forestière. Il subsiste toutefois encore quelques tranchées et tas d'éboulis (fig.7) dans lesquels il est possible d'échantillonner les Calcaires lithographiques tithoniens. Un morceau de phragmocône d'ammonite de grande taille, empli de sédiment riche en coquilles de Nanogyra virgula, y a été récolté.

Fig.7: Tas d'éboulis et faciès des calcaires lithographiques tithoniens dans l'ancienne carrière du Bois du Mont à Luméville

En résumé, à Chassey-Beaupré, le centre du graben de Gondrecourt est donc occupé par deux formations géologiques principales : les Marnes à exogyres supérieures du Kimméridgien terminal affleurant près de l'étang de la scierie, d'une part, et directement au-dessus, formant des collines boisées, les Calcaires lithographiques du Barrois, d'âge Tithonien, d'autre part.

La mise en évidence des failles bordant le fossé et la détermination du mouvement relatif des compartiments de part et d'autre sont possibles en identifiant les terrains situés à l'extérieur du graben et au contact de ceux situés au centre de celui-ci. Si le manque d'affleurements rend ce travail difficile sur le flanc nord-ouest de la structure, d'anciennes carrières situées à Horville-en-Ornois et sur la route de Dainville à la sortie de Chassey-Beaupré le permettent sur la bordure côté sud-est.

La carrière de la route de Dainville (D138) se situe à l'orée du Bois de la Chalaître du côté nord de la chaussée. Il s'agit d'un site dont l'entrée est fermée par une barrière empêchant un accès aux véhicules mais pas cellui des piétons (demander une autorisation en mairie). Y sont entreposés des granulats et graviers appartenant à la commune de Chassey-Beaupré. Un ancien front de taille de dimensions modestes (2 mètres de hauteur) permet de repérer deux faciès de roches distincts: à la base des calcaires lithographiques comparables à ceux du Tithonien, et au-dessus, quelques niveaux de calcaire graveleux et oolitique à texture grainstone (fig.8). Des alternances de bancs micritiques et oolitiques sont connus à la base des Calcaires à astartes ou dans la formation sous-jacente de l'Oolithe de Lamothe (Lefort, 2012). Il s'agirait donc de calcaires d'âge Oxfordien supérieur (notés j7c-b sur la carte géologique).

Fig.8 : Ancienne carrière de la route de Dainville et faciès grossier oolitique dans les Calcaires à astartes

À quelques kilomètres plus au nord, à l'est de la commune d'Horville-en-Ornois (fig.1), se trouve une ancienne carrière de taille plus importante que la précédente avec un front de taille encore "frais", long d'une centaine de mètres sur 4 à 5 mètres de hauteur (fig.9). On accède à cette carrière depuis le centre du bourg: en venant de Chaussey-Beaupré par la D32, prendre à droite la rue du village qui fait face à la route menant à Tourailles-s./-Bois. Suivre, sur un peu plus d'un kilomètre, le chemin carrossable qui traverse les champs et l'ancienne voie ferrée (remblais) jusqu'à hauteur d'un rucher visible sur la droite. La carrière se situe derrière les talus qui jouxtent le chemin sur la droite.

Fig.9: Ancienne carrière d'Horville-en-Ornois et faciès des Calcaires à astartes (encadré)

Le plancher de la carrière présente une surface structurale encore bien visible. Les bancs du front de taille sont organisés en strates horizontales de calcaires lithographiques à cassure esquilleuse (fig.9). Ces roches sont généralement dépourvues de fossiles  ; des traces de terriers constituent souvent les seuls témoins d'une activité biologique animale. Quelques bancs présentent une surface perforée et des joints stylolitiques affectent certains autres. Il faut rechercher dans les blocs provenant des niveaux inférieurs, dans lesquels la bioturbation est dense (terriers de type Rhizocorallium - fig.10), la présence de fossiles. Des astartes (genre Nicaniella) et un spécimen de bivalve hémi-endobionte du genre Pinna ont notamment été récoltés. Ces niveaux correspondent au faciès de la formation des Calcaires à astartes datée de l'Oxfordien supérieur.

Fig.10 : Terrier en U de type Rhizocorallium résultant de l'activité d'un crustacé fouisseur (Calcaires à astartes d'Horville-en-Ornois)

Dans le secteur au sud de Chassey-Beaupré, la juxtaposition des Calcaires à astartes et des Marnes à exogyres supérieures laisse supposer une lacune de terrains correspondant aux formations intermédiaires entre ces deux termes. Il manquerait ainsi la série depuis les Calcaires à ptérocères (Kimméridgien inf.) jusqu'aux aux Calcaires blancs supérieurs (Kimméridgien sup.), soit une épaisseur de 60 mètres au minimum. Compte-tenu de la quasi horizontalité des strates observée dans les anciennes carrières, une telle lacune ne peut s'expliquer que par l'occurrence d'une faille à cet endroit. Considérant l'âge des formations affectées, les mouvements relatifs de part et d'autre de cette faille se seraient produits ainsi : affaissement du compartiment (terrains les plus récents) situé au nord de la faille et élévation du compartiment positionné au sud (fig.2). De ce côté méridional du fossé, le rejet atteindrait au moins 60 m, hauteur correspondant à l'épaisseur des terrains "manquants" à cet endroit. Sur la bordure nord, le rejet est moindre (environ 50 m) puisque, d'après la carte géologique, au niveau de la faille, la base des Marnes à exogyres supérieures (45 m d'épaisseur) surélevée vient au contact des Calcaires lithographiques tithoniens affaissés.

 

Bibliographie

CLERMONTÉ J. (1966) - Etude géologique et hydrogéologique de la région du fossé tectonique de Gondrecourt-le-Château (Meuse). Mémoire de diplôme d'études supérieures de l’université de Nancy, 98 pages.

HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guides Géologiques Régionaux - Lorraine Champagne. Masson éd.

LATHUILIÈRE B., CARPENTIER C., ANDRÉ G., DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. et NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. Livret guide excursion Groupe français d’études du Jurassique, Nancy, 142 p.

LEFORT A. (2012) - La limite Oxfordien-Kimméridgien: stratigraphie et paléoenvironnements dans les domaines téthysien (est et sud du Bassin de Paris, France) et boréal (Ile de Skye, Ecosse). Thèse de doctorat - Université Henri Poincaré, Nancy, 306 p.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 05/05/2013 - Dernière modification : 26/08/2013

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