Le marais-friche de Baerenthal : 3. Description
Dans cette partie, l'accent est mis sur le marais-friche. Les autres milieux et unités paysagères sont traités en Annexe 1.
1. Le point de vue sur la vallée depuis le Ramstein
Depuis le sommet (sécurisé) de la ruine du Ramstein , la vue s'étend vers le sud, sur le village de Baerenthal et la vallée de la Zinsel du nord qui forment une véritable mosaïque paysagère (accès à un format plus grand par clic sur le document). L'érosion a entaillé le plateau gréseux du Buntsandstein occupé par une forêt mixte en un réseau de vallons étroits aménagés en clairières (prairies). Dans les zones de confluence, les bas de pente, également convertis en terrains agricoles à l'origine, se raccordent au fond plat constitué d'alluvions sableuses. A présent, ces domaines sont gagnés par les zones d'habitat en extension et des terrains arborés. Le cours des ruisseaux est lui-même souligné par un filet d'arbres et celui de la Zinsel est marqué par la présence de plans d'eau (au centre : la plage de la base de loisirs, à droite : l'étang de pêche). Une friche est visible à droite, au pied de la butte du château, une autre située à l'arrière de la plage forme le marais-friche de Baerenthal.
2. A l'origine de la friche, les prairies à dos
Dès le XVIIe siècle, un début d'industrialisation basée sur le travail du fer va provoquer l'essor de la haute vallée de la Zinsel. Deux sites seront concernés : Baerenthal et Mouterhouse. Le choix de la métallurgie repose sur la présence de la rivière (énergie hydraulique), la présence des forêts (charbon de bois) et la présence supposée de minerai de fer. Ce pari s'avèrera bien vite perdu, les concrétions ferrugineuses au sein du grès vosgien sont trop rares dans le secteur. C'est donc une industrie de transformation à minerai ou fonte importés qui se met en place et perdurera jusqu'au début du XXe siècle. Par étapes, des travaux sont entrepris dans le fond de vallée : création d'étangs dont le grand étang de Baerenthal (Schmalenthalweiher) avec son canal de dérivation utilisé pour actionner les installations des forges, travaux de drainage du fond de vallée marécageux et réputé malsain (fièvre des marais). Parallèlement, la main-d'oeuvre constituée d'ouvriers-paysans va chercher à améliorer ses conditions d'existence grâce à un revenu agricole (élevage d'une vache...). Cette pratique aboutit au développement des prairies gagnées sur l'aulnaie alluviale.
Un des rares systèmes de prairies à dos encore en activité (partie amont de l'étang de pêche / point 216 ). La surface en pente très douce est traversée par un réseau régulier de rigoles orientées perpendiculairement au cours de la rivière. La majorité des rigoles font office de canaux de drainage, mais certaines situées dans la partie haute servent à l'irrigation en période sèche. La fauche manuelle répétée permettait 3 voire 4 récoltes d'herbe par an. A l'arrière-plan, le terrain est occupé par une prairie abandonnée en voie de passer au stade de friche. Une plantation d'aulnes vise à restaurer la ripisylve le long de la Zinsel.
Détail d'une rigole de drainage. Une des tâches importantes consiste à entretenir les fossés d'écoulement par un curage régulier. Les boues entassées sur le bord de la rigole sont riches en matière organique (sols hydromorphes). Parmi les herbacées présentes, on note des carex (souches traçantes visibles à droite).
Le milieu du siècle dernier constitue un tournant. La fin progressive de la métallurgie, le développement d'une agriculture mécanisée vont signer la fin des prairies à dos. Ainsi, cette vaste étendue de prairies de fauche va se transformer progressivement en friche humide à hautes herbes recolonisée dans un second temps par la forêt naturelle : l'aulnaie alluviale.
3. La friche actuelle du Neuweiher
Depuis le chemin qui méne à la digue de l'étang de pêche de Baerenthal. Au premier plan, une prairie de fauche exploitée mécaniquement. La faible pente permet un drainage naturel, complété par des rigoles espacées. Dans le bas, une zone à carex souligne une dépression due à un ancien méandre de la Zinsel. Au-delà de la barrière installée en limite de ruisseau, s'étend le marais-friche. On y devine des formations herbacées et diverses espèces ligneuses à l'état clairsemé : saule, aulne, bouleau. A l'arrière-plan, un bosquet d'aulnes masque le bas de pente des collines gréseuses.
Depuis le chemin bordant le canal de dérivation. Le canal perché domine le marais-friche d'une hauteur d'environ 3 mètres. Au premier plan, le comblement partiel des anciennes rigoles et des infiltrations d'eau sont à l'origine d'une zone marécageuse. Dans l'ancien système d'exploitation des prairies à dos, cet apport d'eau constituait une possibilité d'irrigation en période sèche. On distingue encore les prés à dos bombé occupés à présent par une cariçaie et envahis en partie par des aulnes.
Depuis le chemin bordant le canal, vue vers l'est. Le haut du village apparait à travers un rideau d'arbres (à comparer avec d'anciennes cartes postales présentes sur le web). Dans ce secteur, la friche est occupée par des touffes de joncs et des espaces herbeux. On devine une action de prélèvement dont les acteurs peuvent être aperçus au gré de leurs déplacements.
Deux individus du troupeau de Highland cattle à l'extrémité est du marais-friche (à proximité de la rue du Ramstein). On remarquera la préférence de ces herbivores rustiques pour certains végétaux. Les genêts, cirses et joncs sont délaissés au profit d'autres espèces. Cependant, l'absence de stades arbustifs est à mettre à leur compte.
Pour enrayer la fermeture du paysage par la forêt déjà omniprésente sur les hauteurs, une solution non mécanique est testée au début des années 1990 : le pâturage par des bovins adaptés à ce genre de milieu. Le choix se porte sur une race écossaise. Des études montrent que le broutage bien géré permet le maintien d'une certaine forme de lande.
Remerciements
L'auteur remercie le propriétaire des prairies à dos pour lui avoir permis l'accès à ses terrains et pour les renseignements qu'il lui a fournis.