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Grès de La Petite Goule : 3. Description

Les Grès du Rhétien ou Grès infraliasiques (Keuper Supérieur - Trias Supérieur - fig.2) peuvent être observés en place dans des carrières abandonnées. Les fronts de taille d'une dizaine de mètres sont en partie recolonisés voire masqués par la végétation et certains sont arrosés par des sources. L'accès aux affleurements peut alors nécessiter le port de bottes étanches.

 

Fig.2  : Place des Grès rhétiens dans la série stratigraphique lorraine (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

Les grès sont très friables, mal cimentés ou même sans ciment apparent. Lorsqu'il est présent ce liant est généralement de nature calcaire (1). Les grains sont constitués de quartz et leur granulométrie moyenne est inframillimétrique. La couleur de ces grès varie du blanc à l'ocre. Il existe également des niveaux conglomératiques appartenant à cette formation mais ceux-ci n'ont pas été observés sur ce site.

Les bancs ont des épaisseurs variables de quelques centimètres jusqu'à 50 cm.

Fig.3 : Un ancien front de taille dans les Grès rhétiens de La Neuveville-sous-Châtenois

Ils sont séparés par des niveaux argileux sombres qui soulignent la stratification (fig.4). Ces lits argileux sont riches en petites inclusions charbonneuses (débris végétaux).

Fig.4 : Bancs de grès fins à litages obliques ou horizontaux et interbancs argileux (flèches sur le cliché)

Par endroits, les bancs de grès présentent des litages obliques, témoins de l'influence des courants lors de la mise en place du sédiment (fig.4). La base de certains bancs gréseux montre également des figures sédimentaires globulaires irrégulières, sans orientation préférentielle, de taille centimétrique qui peuvent s'apparenter à des figures de charge ou load casts. Celles-ci s'observent lorsque, avant compaction, sous la pression, un sédiment sableux s'enfonce dans un banc argileux plastique sous-jacent (fig.5). D'autres structures sédimentaires telles que des stratifications entrecroisées en épi (= herring-bone), indicatrices de courants de marée, sont également mentionnées par les auteurs (2).

Fig.5 : Figures sédimentaires (load casts ?) observées sous la surface basale d'un banc de grès

Des niveaux fossilifères (= bone-beds - fig.6) de faunes marines ou continentales, riches en dents et débris de squelettes de poissons osseux, de requins et d'amphibiens sont également décrits dans la littérature (3) dans d'autres sites de même âge. Des restes de mammifères primitifs (dents) peuvent être localement présents (gisements de St-Nicolas-de-Port et Varangéville au sud-est de Nancy) mais restent rarissimes (4). Un fragment de ce qui s'apparentait à une dent de dinosaure (une écaille de poisson en réalité) avait par ailleurs été trouvé dans le gisement de Vaubexy (88) et rapporté dans un article par des élèves de l'école Brahy de Mirecourt (5) ; à l'occasion d'une autre récolte sur le même site, M. Chenal, professeur des écoles à Mirecourt, indique toutefois la découverte d'une dent attribuée à un animal s'apparentant à un petit théropode (= dinosaure) terrestre. Le matériel paléontologique récolté (notamment les dents) présente généralement un bon état de conservation, ce qui témoigne d'un transport relativement modéré et donc de la relative autochtonie des organismes correspondants.

Fig.6: Fossiles d'un bone-bed rhétien de la region nancéenne (54) - A, dents et débris osseux divers après tamisage et tri; B, dents de requin (genre Hybodus?); C, dent de mammifère (genre Morganucodon ?); D, dent de poisson osseux actinoptérygien - sur les clichés la hauteur ou longueur maximales des dents varient de 1,5 à 0,5 mm (clichés © S. Vitzthum)

Sur un autre site, près de Gironcourt-sur-Vraine (fig.1), le sommet des Grès rhétiens est recouvert d'une couche d'argile noire (= black shales) dont les microfossiles indiquent une origine marine (6). Le niveau repère des Argiles rouges de Levallois, non affleurantes ici, sont des dépôts d'origine continentale qui recouvrent cet ensemble et achèvent la stratigraphie des terrains rattachés au Trias en Lorraine.

Les Grès rhétiens sont considérés comme des dépôts sableux marins littoraux soumis épisodiquement à des influences de mer ouverte (voir aussi fiche Coyviller ou Vigy). Il s'agit en fait de la première manifestation d'une transgression qui envahira au Jurassique, depuis l'est vers l'ouest, le Bassin de Paris. La genèse de ce bassin en tant que tel remonte à cette époque. Si durant le Trias, jusqu'au Keuper, les incursions marines dans la région se font depuis le nord-est et la mer Germanique, à partir du Rhétien et pendant le Jurassique, les communications se réalisent durablement avec le domaine océanique téthysien situés au sud-est (7 et 8). C'est la raison pour laquelle, certains auteurs justifieraient le rattachement du Rhétien au système Jurassique plutôt qu'au Trias (9).

Les Grès du Rhétien correspondent également à l'étape finale d'apports détritiques issus du démantèlement de la chaîne hercynienne (8).

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Remerciements

Un grand merci à Stéphane Vitzthum pour les photographies de dents du bone-bed et à Emmanuel Chenal pour ses remarques constructives sur les fossiles du Rhétien.

 

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Bibliographie

(1) Pautrot C. (2011) - Fossiles et roches de Lorraine. Serpenoise éd.

(2) Al Khatib R. (1976) - Le Rhétien de la bordure orientale du Bassin de Paris et le "Calcaire à gryphée" de la région de Nancy. Etude pétrographique et sédimentologique. Thèse de l'Univ. Nancy I, 278 p., non publiée.

(3) Delsate D. (2009) - Microrestes de Poissons du Lias et du Rhétien de Moselle et de Meurthe et Moselle, Bull. S.H.N.M., 51, pages 19 à 33.

(4) Godefroit P. (1997) - Reptilian and mammalian teeth from the Late Triassic of Varangeville (Northeastern France). Bulletin de l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique - Sciences de la Terre, 67; p.83-102.

(5) http://www4.ac-nancy-metz.fr/junior-actu-88/junior_actu_16/mobile/articles.php?lng=fr&pg=198

(6) Rauscher R., Hilly J., Hanzo M. et Marchal C. (1995) - Palynologie des couches de passage du Trias supérieur au Lias dans l'Est du Bassin parisien. Problèmes de datation du "Rhétien" de Lorraine. Sciences Géologiques, Bull., Strasbourg, 48, 1-3, p. 159-185.

(7) Bourquin S. et Durand M. (2006) - Pan-European correlation of the epicontinental Triassic International Field Workshop on ‘The Triassic of eastern France’ - Livret d'excursion - Géosciences Rennes, UMR 6118 du CNRS Université de Rennes.

(8) Gall J.-C., Haguenauer B., Hilly J. et Perriaux J. (1975) - Environnements continentaux et marins du Trias et du Jurassique de l'Est du Bassin de Paris. IXe Congr. int. de Sédimentologie, Nice 1975, excursion 18.

(9) Pautrot C. et Hanzo M. (2006) - La mer épicontinentale au Lias in Lexa-Chomard A. et Pautrot C. - Géologie et géographie de la Lorraine. Serpenoise éd.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 02/11/2013 - Dernière modification : 17/01/2015

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