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Paquets calcaires glissés : 3. Description

Description des affleurements

Le sentier situé en contre-bas du chemin de randonnée balisé longe le relief à flanc de côteau et conduit vers les "Rochers de la Fraze" en se dirigeant vers le nord (fig.1 et 4).

Fig.4: Localisation des principaux blocs éboulés et affleurements (fond de carte © IGN - Geoportail)

Un premier bloc de roches erratique (marques de peinture - lettre "F") apparaît sur le bord du sentier après 500 m environ. Il s'agit d'un bloc de calcaire d'environ 1m50 de côté, recouvert de mousses et de lierre. Sur la face peinte du rocher, on reconnaît un litage horizontal bien dégagé par l'érosion (fig.5A et 5C). Au-dessus, en équilibre, repose une masse rocheuse tabulaire de calcaire d'aspect grumeleux contenant des fossiles de polypiers. Derrière ce bloc, au bas de la pente qui descend du plateau, s'est accumulé un volume conséquent d'éboulis. Il s'agit de fragments de calcaires de faciès variés : calcaire dur cristallin ocres et/ou gris sombre, calcaire à polypiers en boule, calcaire spathique à entroques, calcaire coquillier... Ces faciès correspondent à ceux décrits dans la notice de la carte géologique (Chambley-Bussières) pour la formation des Calcaires à Polypiers du Bajocien inférieur appartenant au Jurassique moyen (fig.6).

Fig.5: Blocs erratiques (A et C); litages dégagés par l'érosion (B)

Fig.6: Position stratigraphique des terrains rencontrés

Un peu plus loin apparaît comme une colonne dressée, un autre bloc éboulé d'une hauteur de 2 à 3 mètres (fig.5C). La végétation a très largement envahi cet ensemble. On peut cependant y reconnaître deux types de calcaires : les trois-quarts supérieurs du bloc sont formés d'un calcaire construit à polypiers dont les fossiles donnent un aspect irrégulier à la surface du banc, alors que la roche de la base, moins résistante et plus érodée, est un calcaire oolithique. Généralement, les polypiers fossilisés sont récristallisés et la structure du squelette est, par conséquent, souvent effacée, empêchant l'identification de l'espèce présente (fig.7).

Fig.7: Calcaires à polypiers - roche en place (sommet de la falaise)
à gauche ; colonie corallienne en boule recristallisée à droite

Le parcours se poursuit jusqu'à l'emplacement d'une grotte qui s'ouvre au pied de la falaise qu'il est possible d'approcher avec précaution à cet endroit. Cette grotte est devenue célèbre après la découverte d'une sépulture datant du Néolithique par Alfred Thomashausen et André Bellard en 1925 (voir la page web consacrée à ce sujet sur le site de l'école de Novéant-sur-Moselle). L'entrée est étroite et correspond à une diaclase élargie (fig.8).

Fig.8: L'entrée de la grotte

Sur la gauche de l'entrée de la grotte, il est possible de remonter par un sentier étroit vers le sommet de la corniche. Le front de la falaise est majoritairement formé de calcaires bien stratifiés dans lesquels alternent différents faciès : calcaire oolithique, calcaire ocre sablo-micacé, calcaire cristallin à entroques, etc. Régulièrement la surface des bancs est soulignée par la présence de litages obliques ou horizontaux (fig.9), les mêmes que l'on retrouve sur les blocs erratiques le long du chemin en contre-bas. Le sommet du plateau est difficlement accessible car la pente devient abrupte et la terre rend glissante voire dangereuse son approche. Il est toutefois possible de se rendre à cet endroit par le haut depuis le chemin de randonnée balisé. Les bancs qui surplombent le sommet de la corniche sont des calcaires à polypiers (fig.7 et 10). Cette succession calcaires stratifiés et lités puis calcaires à polypiers permet de confirmer l'origine des blocs erratiques qui se sont donc désolidarisés du sommet de la falaise à une hauteur de 15 mètres environ. La fracturation qui affecte les formations rocheuses de la paroi de la falaise est par ailleurs soulignée par la présence de nombreuses fissures et diaclases dont certaines sont en partie colmatées par des limons terreux.

Fig.9: Litages (entrecroisés à gauche) observés sur les parois de la falaise

Fig.10: Les calcaires à polypiers en place au sommet de la falaise (une diaclase sépare deux ensembles)

À partir de l'emplacement de la grotte, le sentier principal continue vers le nord en arpentant un panneau rocheux long de 200 mètres environ et haut de 5 à 6 mètres, orienté parallèlement à la paroi de la falaise dont il est séparé par un couloir étroit. La circulation dans ce couloir est malaisée en raison de l'accumulation d'éboulis qui le comblent ; d'autre part, la proximité de la falaise et le risque d'éboulement en font un endroit à éviter.

Le panneau sur lequel on se déplace est constitué des mêmes roches que celles formant les blocs erratiques : calcaires à polypiers au-dessus (environ 3 mètres) et calcaires stratifiés lités en-dessous (environ 3 mètres également). L'inclinaison des strates vers l'est (env. 10°) est bien visible (fig.11) lorsque l'on regarde le panneau par la tranche ; des relevés de pendage à plusieurs endroits indiquent toutefois que les couches présentent leur plus forte pente vers le sud.

Fig.11: Panneau écroulé en aval de la falaise (partie nord du sentier) et faciès rencontrés

Les faciès observés à la même altitude sur la paroi de la falaise sont ceux des calcaires stratifiés à litages. Les calcaires à polypiers étant beaucoup plus hauts au sommet de la corniche, l'inclinaison et la position plus basse de ces mêmes calcaires sur le panneau traversé permettent d'affirmer que :

1°. les roches qui constituent cette unité ne sont pas en place et ont donc subi un déplacement ;

2°. en l'absence de faille reconnue affectant les terrains à cet endroit, la présence de ce panneau est à mettre en relation avec un écroulement d'un pan du sommet de la falaise, soit une chute d'une vingtaine de mètres environ (fig.12).

Le panneau s'est donc détaché de la corniche en basculant vers l'est (direction de la pente) ; l'extrémité sud du panneau étant davantage affaissée que son extrémité nord explique le pendage apparent des couches orienté vers le sud. Fonctionnant comme un tapis roulant, les éboulis ont pu ensuite faire glisser les blocs en les éloignant du front de la falaise.

Fig.12: Coupe schématique est-ouest passant par le panneau écroulé (d'après BRGM modifiée)

NB: d'après la carte géologique, l'Aalénien et l'Oolithe ferrugineuse (= minette)
ne semblent pas présents dans le secteur des Rochers de la Fraze

La fin du parcours s'opère en montée pour rejoindre le sommet de la falaise. Au cours de ce trajet, la transition calcaires stratifiés lités - calcaire à polypiers peut être observée sur la paroi rocheuse verticale à proximité du sentier (fig.4 et 13). Le retour à Novéant par le chemin balisé permet, comme indiqué précédemment, de profiter d'une vue sur la vallée de la Moselle et du relief de côte (cuesta) pour une lecture de paysage, depuis la plate-forme d'un belvédère (fig.3).

Fig.13: Transition "calcaires stratifiés lités - calcaire à polypiers" le long du sentier à l'extrémité nord de la falaise

 

Mouvements de terrain et risques naturels

Le site des Rochers de la Fraze fait partie des zones à risques naturels recensées, en relation avec des mouvements de terrain (cf. site internet dédié du BRGM). À ce titre, ce secteur avait fait l'objet d'une étude de terrain et d'un rapport par le BRGM en 1986, qu'il est possible de se procurer en téléchargement libre (lien InfoTerre). Les informations rapportées ci-après sont en grande partie tirées de ce document.

On distingue différentes catégories de mouvements de terrain (glissement, écroulements, éboulements, etc.) dont on peut retrouver la typologie et la description détaillées dans un ouvrage pédagogique ("Les mouvements de terrain - collection Prévention des risques naturels" - édité en 2012) en libre téléchargement depuis le site du Ministère du Développement Durable.

Les Rochers de la Fraze sont répertoriés dans les zones à risque inhérent aux mouvements de terrain de type "éboulements et chute de pierres et de blocs". Ces événements sont la conséquence d'une évolution naturelle des falaises et des versants rocheux.

Dans la partie supérieure de la falaise, les calcaires à polypiers plus résistants à l'érosion que leur base (i.e. calcaires lités) se retrouvent en surplomb. Par ailleurs, ce massif rocheux présente une fracturation verticale importante, marquée par la présence de diaclases qui s'ouvrent verticalement sous l'action de plusieurs facteurs:

- l'infiltration d'eau générant un début de karstification (comme en témoigne l'origine de la grotte) ;

- l'alternance gel-dégel ;

- le fluage (= déformation visco-élastique) des marnes et argiles (Toarcien) sur lesquelles repose le massif calcaire.

Lorsque les fissures sont sufffisamment élargies, le bloc en surplomb détaché bascule sous l'action de son propre poids, entraînant sa chute (fig.14). Dans certains cas, il peut également glisser verticalement le long de la paroi.

Fig.14: Origine d'un éboulement ou d'un glissement suite à la création d'un surplomb (d'après BRGM modifié)

Ces mouvements sont brutaux et impliquent des blocs pesant parfois plusieurs tonnes et pouvant atteindre de grandes dimensions (cas du panneau écroulé au nord de la falaise). C'est pour cette raison qu'ils représentent un risque pour la sécurité des biens et des personnes.

Dans son étude sur l'évaluation de l'aléa géologique, le BRGM a effectué un relevé des blocs instables au niveau de la falaise et du panneau écroulé (côté aval) qui pourraient présenter un éventuel danger pour les résidences secondaires attenantes aux vergers et situées au pied de la côte. Actuellement, aucune observation ne justifie la mise en place d'actions visant à parer à un risque majeur imminent.

Les mesures de prévention préconisées par le BRGM visent, d'une part, "à maintenir le boisement en place car il concourt à fixer les éboulis sur place" et, d'autre part, "à fixer les limites de l'extension des activités humaines (jardins, résidences temporaires...) à 40 mètres en amont du chemin rural (ndlr - celui situé à la cote 250 - fig.4)".

À noter également que le panneau écroulé en aval et à l'extrémité nord de la falaise, constitue un rempart naturel, fonctionnant comme un merlon, contre les chutes de pierres et de blocs en amont (fig.15).

Fig.15: Principe du fonctionnement d'un merlon et analogie avec le panneau écroulé des Rochers de la Fraze (illustration d'après "Les mouvements de terrain" © Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie)

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Références bibliographiques

LEBON Patrick (1986) - Plan d'Exposition aux Risques Naturels Prévisibles - Commune de Novéant-sur-Moselle - Elaboration d'une carte d'aléas de mouvements de terrain - Note de présentation - DDE de Moselle et BRGM, document public réf. 86 SGN 328 LOR.

Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie (2012) - Les mouvements de terrain - coll. Prévention des risques naturels - 28 p.


Auteur : Didier ZANY - Date de création : 24/08/2014 - Dernière modification : 20/11/2018

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