SVT Lorraine > Géologie Lorraine > Carrière d'Ottange - Rumelange >

Carrière d'Ottange - Rumelange : 3. Description

L'entreprise luxembourgeoise Cimalux produit du ciment et du clinker (= ciment compact issu de la cuisson) dans une cimenterie installée à Esch-sur-Alzette au Luxembourg. À cette fin, dans sa carrière d'Ottange, elle exploite les calcaires et les marnes rouges et grises du Bajocien qui forment l'assise de la Côte de Moselle.

1. Présentation des affleurements

L'exploitation s'organise autour de 5 fronts de taille qui recoupent la série stratigraphique locale du Bajocien inférieur sur une cinquantaine de mètres d'épaisseur (fig.3 et 4).

Fig.3 : Coupe stratigraphique schématique des formations exploitées
dans la carrière d'Ottange (d'après un document ENCEM, 2004)

 

Fig.4 : Place des fronts de taille de la carrière dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

D'après une étude géologique réalisée en 2004 par un bureau d'études (ENCEM) pour la société Cimalux, on observe de haut en bas (fig.3) :

- une épaisseur moyenne d'environ 1m50 de terre végétale ;

- un horizon marneux (équivalent latéral de l'Oolithe cannabine) qui comprend deux ensembles :

* les Marnes brunes ou rouges (4,40 m d'épaisseur) constituent le gradin supérieur de la carrière;
il s'agit de calcaires marneux détritiques fossilifères à intercalations de marnes sableuses ou silteuses et parfois désignés sous le nom de Calcaires de Nondkeil dans la littérature (fig.5) ;

Fig.5 : Rostre de bélemnite (A) et faciès (B) des Marnes d'Audun

Au sommet de ces marnes, on trouve également la trace d'une ancienne surface d'altération marquée par la présence de nodules de fer fort mêlés à un encaissant argileux rougeâtre correspondant à une saprolite (horizon d'altération riche en argiles) (fig.6). Ces dépôts remplissent des cavités ou des fissures creusées dans le substratum marneux. Ces structures qui affectent les masssifs calcaires du Jurassique moyen de la région sont interprétées comme résultant d'une karstification ancienne (Quesnel et al., 2006). Les blocs de fer fort constituent en effet les reliques d'une ancienne cuirasse latéritique mise en place durant le Crétacé inférieur, en domaine continental sous climat paratropical. Des pans de cette cuirasse encore en place sont observables sur le site de la Borne de fer, tout proche, à l'ouest de la carrière (voir fiche Borne de fer).

Fig.6 : Nodules de fer fort (B et C) et remplissage saprolitique (A) au sommet des Marnes rouges

* les Marnes grises d'Audun (8 m) forment le deuxième gradin ; ce sont des calcaires marneux bioturbés et fossilifères (ammonites et bivalves) comparables aux précédents qui s'en distinguent surtout par leur couleur, ocre (sommet) à gris-bleu (base) ;

- les Calcaires coralliens d'Audun (équivalent latéral du Calcaire à Polypiers inférieur) occupent les troisième et quatrième gradins (23 m env.) ; il s'agit de calcaires jaunâtres à passées argileuses au sein desquels peuvent s'observer des biohermes à coraux et leur faune récifale associée (fig.7) ; la toit de cette formation est marqué par une surface perforée traduisant un arrêt de sédimentation;

Fig.7 : Bioherme corallien en coupole (A) et quelques fossiles caractéristiques
de la formation des calcaires coralliens
(B : corail du genre Isastrea ;
C : gastéropode
Bourguetia saemanni ; D : Rhynchonelle genre Cymatorhynchia (?) ; E : Bivalve genre Entolium)

- les Calcaires de Haut-Pont sont des calcaires à entroques bruns ocreux, à stratifications obliques (= dunes hydrauliques), exploités épisodiquement par les carriers, qui apparaisssent dès la base du quatrième gradin et qui forment le cinquième et dernier. Ils surmontent la formation des Calcaires d'Ottange (bancs de calcaires roux à surfaces ondulées) dont seule la partie supérieure aflleure par endroits.

Ces niveaux du Jurassique moyen sont caractéristiques d'un environnement de plate-forme carbonatée peu profonde, à haute énergie hydrodynamique (Calcaires de Haut-Pont) puis favorable à l'établissement de récifs coralliens (Calcaire à Polypiers inférieur) sous climat sub-tropical (Lathuilière et al., 2003). Les Marnes d'Audun et leur faune de céphalopodes fossiles (ammonites et bélemnites) constituent le dépôt le plus profond (Fayard et al., 2005). Une description détaillée des équivalents de ces terrains du Bajocien inférieur dans la région de Nancy est donnée dans les fiches Viterne, Liverdun, Maizières, etc. auxquelles on pourra se référer. Fossiles et minéraux de la carrière d'Ottange ont également fait l'objet d'une publication franco-luxembourgeoise très détaillée par les associations Géolor et AGMP.

 

2. Présentation de l'exploitation

Les formations de la partie supérieure de la carrière (Marnes d'Audun et Calcaires coralliens) sont celles qui sont les plus sollicitées pour l'extraction car elles fournissent les matières premières (marnes et calcaires) nécessaires à la production de ciment (fig.8).

Fig.8 : Vues des trois principales terrasses d'exploitation de la partie supérieure de la carrière

Les fronts de taille sont abattus à l'explosif (nitrate-fioul). Un chargeur effectue ensuite le remplissage des bennes de dumpers qui acheminent et déchargent les matériaux dans un premier concasseur. Les blocs de roches bruts de 1 à 1m50 de diamètre sont alors réduits en blocs plus petits de 30 cm de diamètre. Une bande de transport conduit les matériaux concassés jusqu'à la cimenterie située à un peu plus d'un kilomètre sur le territoire luxembourgeois.

Un deuxième concassage des blocs de marnes et de calcaires coralliens s'effectue alors jusqu'à ce qu'ils aient atteint la taille d'un poing. Des dosages calcaire-marne sont réalisés et contrôlés avant que le mélange ne passe dans un broyeur à galets où ils sera réduit en poudre. Celle-ci subit une fusion partielle dans un four rotatif alimenté au charbon et chauffé à haute température (1450°C). Le produit obtenu constitue un clinker de ciment. Ce dernier doit être mélangé avec de l'anhydrite dans un autre broyeur à galets pour être transformé en ciment (illustrations sur la fabrication du ciment : voir fiche Xeuilley).

La carrière produit 7000 à 8000 tonnes de matériaux par jour soit une production moyenne annuelle de 1,3 à 1,5 millions de tonnes (le maximum autorisé étant de 2 millions de tonnes par an).

La concession pour l'exploitation, qui a débuté en 1976, a été renouvelée pour une durée de 30 ans en 2006.

Lorsque l'exploitation de certains fronts de taille de la carrière est terminée, ceux-ci sont remblayés pour recréer un talus en terre végétale puis engazonnés et reboisés (fig.9).

Fig.9 : Remise en l'état des anciens fronts de taille (extrémité sud de la carrière)

 

Remerciements

Nous tenons à remercier M. Kubiak, chef de carrière, pour son accueil et sa disponibilité lors de notre visite à la carrière Intermoselle-Cimalux d'Ottange-Rumelange.

Bibliographie

FAYARD J.-P., GROSS N., LAJOURNADE J.-B., LATHUILIÈRE B., VAILLY G. et WEISS R. - coordinateurs - (2005) - Fossiles et minéraux de la carrière d'Ottange-Rumelange. Géolor et AGMP éd., 152 p.

LATHUILIERE B., CARPENTIER C., ANDRE G., DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. et NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. 20-21-22 septembre; livret de terrain excursion - G2R/CG54/Groupe Français d'Etude du Jurassique.

QUESNEL F., YANS J., DUPUIS C., WYNS R., THEVENIAUT H. et DEMOULIN A. (2006) - Paléoalterations mésozoïques et cénozoïques en Ardenne et ses bordures : caractérisation, datation et reconstitution géométrique des paléosurfaces associées et analyse de leurs déformations successives. Géologie de la France, n°1 et 2.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 01/11/2014 - Dernière modification : 17/01/2015

Suite Retourner à l'accueil Géologie de la Lorraine Suite Suite de la fiche Ottange (57) : 4. Activités réalisables

Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)