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Carrière de Froidmont : 3. Description

Exploitation :

La carrière de Bouxières-sous-Froidmont a été ouverte en 2004 pour répondre à la demande d'importantes quantités de granulats nécessaires à la réalisation de la LGV. Plus d'un million de tonnes issus de l'exploitation ont ainsi été utilisées pour la réalisation des assainissements, des masques drainants et des remblais généraux du chantier de la LGV Est situé à moins d'un kilomètre de la carrière (1).

Voir aussi la fiche Lorry-Mardigny (57)

Seule la partie droite (au nord-est) de la carrière est encore en exploitation (Fig.2) en août 2015 ; la zone située plus à gauche (au sud-ouest) ayant soit déjà été complétement refermée, soit étant en passe d'être remblayée. Les zones de stockage des différentes classes de granulats sont situées en contrebas de la zone d'exploitation.

Plan de la carrière Bouxières sous Froidmont

Fig. 2 : Plan de la carrière de Bouxières sous Froidmont (ZR = Zone en passe d'être Remblayée ; 20/40 = granulats dont la taille est comprise entre 20 et 40 mm ; ...)

La carrière exploite les calcaires (fig.3) du Bajocien Inférieur (Jurassique moyen)(2)(3).

Fig. 3 : Place des calcaires sableux et des calcaires à entroques dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

La carrière ne fonctionne plus que 3 à 4 mois tous les deux ans afin de produire, grâce à une petite unité de concassage, un stock de granulats qui sera progressivement utilisé par la Société Lingenheld elle-même. L'exploitation cessera en 2017 à la fin de la concession et la carrière sera totalement refermée.

Les fronts de taille montrent une alternance de bancs calcaires et de bancs argileux (fig.4) avec occurrences de passées sablo-silteuses à la base (fig.5).

Fig.4 : Front de taille montrant des bancs calcaires à surface ondulante qui alternent avec des niveaux argileux ou silteux. (Remarquer aussi les nombreuses diaclases).

Fig. 5 : Passées gréseuses dans les faciès de la base du Bajocien Inférieur

La carrière est exploitée en paliers de 10 à 15 mètres de hauteur maximum (fig.6 et fig.7). Les roches sont fortement diaclasées (fig.4) ce qui facilite l'exploitation sans utilisation d'explosifs mais ce qui rend aussi les fronts de taille extrémement instables.

Fig. 6 : Fronts de taille en paliers (la différence de couleur indique la limite entre les deux paliers supérieurs ; un niveau inférieur qui est aussi le niveau de base de la carrière est accessible par le chemin qui descend à gauche du dumper).

Fig. 7 : Vue d'ensemble de la découverte en cours d'exploitation et de sa station de concassage installée sur le niveau de base de la carrière. Afin d'organiser le travail d'exploitation "au sec", le plancher de la carrière se situe juste au dessus du niveau marneux et imperméable sous-jacent constituant le faciès des Marnes micacées : un trou d'eau stagnante est d'ailleurs visible au centre de la photo.

La roche calcaire diaclasée est exploitée à la pelle mécanique. Le tout-venant est déversé dans un trieur/concasseur. L'importante fraction argileuse et stérile est séparée puis évacuée au fur et à mesure par des dumpers. Elle sert au comblement des anciennes découvertes qui sont ensuite progressivement enherbées (fig.8).

Fig. 8 : Remise en état du site après exploitation (à gauche, état final = carrière refermée et enherbée ; à droite, travail de remblaiement en cours = accumulations des fractions argileuses extraites mais inutilisées avant nivellement).

Les granulats produits par concassage sont conduits par des dumpers et stockés par classes de taille, en tas, dans les parties basses de la carrière (fig.9).

Le stockage dans ces parties basses vise à diminuer les coûts de transport : les dumpers descendant en charge et remontant à vide.

Fig. 9 : Stockage des granulats

 

Pétrographie et sédimentologie :

Fig. 10 : Un faciès calcaire à entroques

Le Calcaire à entroques (2)(3) désigne à la fois le nom de la formation du Bajocien inférieur (fig.3) et celui de la roche qui la constitue : une biocalcarénite à texture grainstone contenant des débris d'échinodermes, échinides ou crinoïdes (fig.10). Les entroques se présentent sous la forme de cristaux clivés ou de monocristaux de calcite issus de pièces de crinoïdes ou de radioles d'oursins réguliers. Les éléments de section pentagonale, communément appelés "étoiles de Sion" dans la région, sont fréquents et proviennent des articles de tiges de crinoïdes des genres Pentacrinus et surtout Isocrinus. À la mort de l'animal, sous l'action des courants, ces débris ont été dispersés, triés et déposés sur le fond marin. La faible usure des bioclastes témoigne d'un transport relativement court. L'absence de boue calcaire et la granulométrie grossière du sédiment indiquent un milieu agité à l'énergie assez élevée. Des figures sédimentaires telles que laminations, litages entrecroisés et mamelonnés (= hummocky cross-stratification),  gouttières et semelles de bancs ondulantes et ravinantes, etc., observables dans cette même formation, sur d'autres sites proches (Lorry-Mardigny, Liverdun), plaident en faveur d'un milieu soumis périodiquement à  la houle des tempêtes (= offshore supérieur) (3).

Les faciès carbonatés sableux (fig.5) correspondent aux niveaux rattachés à la formation des Calcaires sableux de Haye (fig.3), venant directement sous le Calcaire à entroques. La roche est très friable et formée de grains de quartz agglomérés dans une matrice carbonatée: un test à l'acide (fig.11) montre un dégagement gazeux au niveau du liant seulement. Quelques paillettes de mica noir complètent l'assemblage minéralogique de la roche. Au microscope ou à la loupe, les grains de quartz présentent un aspect émoussé luisant (fig.11), caractéristique d'un transport en milieu aquatique. La classe granulométrique dominante correspond à l'intervalle 0,250 - 0,125 mm, ce qui fait de cette roche un grès fin. Aucun fossile ou microfossile identifiable n'a été observé dans ces niveaux siliceux. Cette série gréseuse alterne avec des épisodes argileux ou carbonatés (marnes et calcaires) bioturbés et plus riches en faune (bivalves, bélemnites, entroques notamment).

Fig.11 : Test à l'acide sur échantillon de grès (à gauche) et grains de quartz (fraction 0,125 mm) d'un banc gréseux (à droite) - microscope optique - faible grossissement

La présence de ces niveaux détritiques (3) (fig.4 et fig.5) laisse penser à la proximité d'un domaine continental en voie d'altération et d'érosion et qui alimente le bassin en silicates et en ions fer. En effet, quelques faciès plus oxydés présents dans la carrière ne sont pas sans rappeler les niveaux ferrifères de l'Aalénien sous-jacent (faciès de la Minette de Lorraine).

Ce calcaire est fortement bioturbé (fig.12) et fossilifère avec de nombreux articles de crinoïdes (fig.10), des bivalves (fig.11), des rostres de belemnites ...

Fig. 10 : Articles de crinoïdes à l'origine des entroques

Fig. 11 : Fossile de bivalve marin du genre Trichites sp.

Fig. 12 : Traces de bioturbation (= terriers de crustacés probablement)

Le milieu de dépôt est un milieu marin ouvert caractéristique de plateforme continentale (rampe carbonatée), de type offshore supérieur (Calcaires sableux et Calcaire à entroques) évoluant progressivement vers un type shoreface ou avant-plage (3) puisque les faciès (Oolithe blanche puis Calcaires à polypiers) situés au dessus du Calcaire à entroques sont de plus en plus riches en oolithes et indiquent un milieu de plus en plus agité subissant l'influence des courants de marées et des vagues de beau temps (voir aussi  l'annexe scientifique : "Roches et environnements sédimentaires" sur ce site).

 

Nous remercions la Société Lingenheld et en particulier Mr Pierre-Jean Hantz, Chef de carrière, pour son accueil sur le site et sa disponibilité.

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Bibliographie :

(1) http://www.lingenheld.fr/industrie/index.php?page=bouxieres.php

(2) HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guide Géologique Régionaux - Lorraine Champagne - Masson éd.

(3) LATHUILIERE  B. et al. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine - Livret Guide d'excursion - arrêt 1.2 Carrière de Viterne - Pages 22-32.

 


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 19/08/2015 - Dernière modification : 19/02/2016

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)