Les deux grandes carrières d'entroquite exploitées en paliers, sont aujourd'hui presque totalement recolonisées par la végétation (fig.3) et les fronts de taille, altérés ou enfouis sous les éboulis (cf. fig.2 - §. Localisation). Il subsiste toutefois, le long des sentiers autorisés, quelques affleurements sporadiques de strates d'entroquite ou des pans de fronts de taille (limités en surface) et des blocs équarris encore accessibles. Un front de taille vertical, haut de 4 à 5 mètres, épargné par la végétation, mais à l'intérieur d'une propriété privée, reste un des rares vestiges intact de l'exploitation passée de la carrière de Vieillaimnes (fig.3).

On y extrayait une entroquite massive. La couche recherchée était interrompue par deux niveaux construits à polypiers massifs, d'épaisseur métrique : l'un à une dizaine de mètres de haut dans le front de taille, l'autre au sommet (Hilly et Haguenauer, 1979). L'état de la carrière aujourd'hui ne permet plus de repérer distinctement ces niveaux. La surface des fronts de taille porte parfois des traces obliques de pics laissés par les carriers, illustrant les premières méthodes d'extraction de la roche (voir fiche Pierre de Savonnières pour la technique), avant le recours à l'électricité qui intervient, au plus tôt, lors de la première décennie du XX^ème siècle.

Fig.3 : Deux anciens fronts de taille (sur terrain privé) de la carrière des Vieillaimnes (flèche = traces de coups de pics)

Comme en témoignent l'évolution et l'état du couvert végétal sur les vues aériennes anciennes, la cessation de l'activité de la carrière de Vieillaimnes semble intervenir au cours de l'intervalle 1950-1960 ; celle de la carrière voisine, avant les années 1930.

Ces deux exploitations, comme beaucoup d'autres de la vallée de la Meuse (Euville, Dugny, Lérouville, Pagny-sur-Meuse ...), étaient implantées dans les calcaires oxfordiens du Jurassique supérieur qui forment l'ossature de la Côte de Meuse, une ligne de relief correspondant à l'une des cuestas de la partie orientale du Bassin Parisien (fig.4).

Fig.4 : Géomorphologie, réseau hydrographique et régions naturelles de la partie orientale du Bassin Parisien (carte in Hilly et Haguenauer, 1979)

À l'œil nu, le matériau extrait s'apparente à une calcarénite grossière à entroques dominants (articles de tiges ou de cirrhes de crinoïdes et fragments de radioles ou de test d'oursins réguliers) et grains à cortex de type ooïdes (= oolites) ou oncoïdes (encroûtements algaires ou à nubéculaires). Des bioclastes (fragments de coquilles de bivalves notamment) complètent l'inventaire des éléments principaux de la roche. Le liant est un ciment de nature sparitique, conférant une texture grainstone à cette entroquite (fig.5).

Fig.5 : Échantillons pétrographiques d'entroquite (carrière de Vieillaimnes) - cliquer sur l'image pour zoomer sur les éléments de la roche

D'après Carpentier et al. (2010), le faciès de cette roche de construction autrefois prisée, bien connue ailleurs dans la région (Pierre d'Euville-Lérouville), traduit un environnement de dépôt agité, relativement peu profond. À plus grande échelle, la géométrie lenticulaire des corps sédimentaires et l'occurence de litages obliques ou de stratifications entrecroisées (non visibles dans les anciennes carrières dioises*) permettent d'assimiler ces dépôts à des barres tidales (= mises en place sous l'action des courants de marées).

Les autres niveaux du site de Vieillaimnes, formant les calcaires récifaux, livrent des fossiles de coraux coloniaux correspondant à des genres et à des morphologies variés. Il est possible de récolter des spécimens venant du niveau supérieur sommital, dans les éboulis ou, en période de labours, dans le champ situé au-dessus de la carrière :

• formes branchues du genre Thamnasteria ;
• formes plocoïdes du genre Heliocoenia ;
• formes cérioïdes massives (en boule) du genre Isastrea ...

Dans la stratigraphie régionale de l'Oxfordien (redéfinie par Carpentier en 2004), l'entroquite de Dieue et les calcaires récifaux appartiennent respectivement aux formations de la Pierre d'Euville-Lérouville (Carpentier, 2004) = Entroquite d'Euville (fig.6) et aux Calcaires coralliens de la Mésangère (Carpentier, 2004) = Complexe récifal supérieur (ou Calcaires coralliens supérieurs - fig.6). Toutes ces formations sont d'âge Oxfordien moyen d'après Carpentier (2004).

Fig.6 : Position de l'entroquite et des calcaires récifaux de Dieue dans la série stratigraphique régionale (illustration © BRGM)

Ces deux formations illustrent des épisodes de l'histoire du développement de la plate-forme carbonatée qui s'installe en Lorraine et dans l'est du Bassin Parisien durant l'Oxfordien moyen. Cette période se caractérise par une importante production carbonatée, favorisée à la fois par des facteurs climatiques (climat chaud et sec) et tectoniques (mouvements distensifs et rejeu de failles hercyniennes) contrôlant la subsidence et la sédimentation (voir fiches de Pagny-sur-Meuse et de Champneuville).

* Deux autres anciennes carrières situées à l'entrée sud de Dieue, mais non visitables car sises dans des propriétés privées (pavillons et entreprise de BTP) du quartier de la Coupelle, montrent des fronts de taille traversant les niveaux d'entroquite de la Pierre d'Euville-Lérouville et les Calcaires coralliens de la Mésangère. Des pendages sédimentaires sont observables (de loin) dans l'entroquite (Carpentier, 2004).

Bibliographie

CARPENTIER C. (2004) - Géométries et environnements de dépôt de l’Oxfordien de l’Est du Bassin de Paris. Thèse de doctorat, Université Henri Poincaré, Nancy, 470 pp.

CARPENTIER C., LATHUILIÈRE B. & FERRY S. (2010) - Sequential and climatic framework of the growth and demise of a carbonate platform: implications for the peritidal cycles (Late Jurassic, North-eastern France). Sedimentology, vol.57, p.985-1020.

HILLY J. & HAGUENAUER B. (1979) - Guides géologiques régionaux. Lorraine Champagne. Masson éd., 218 p.

Remerciements à Bernard Lathuilière, professeur à l'Université de Lorraine, pour la détermination des coraux fossiles.