ARCHES DE GRES à Sturzelbronn et Baerenthal

1) Une arche emblématique à l’accès (très) limité : l’Erbsenfelsen près de l’étang de Hanau

L’Erbsenfelsen (le rocher aux pois : traduction littérale du toponyme en allemand) jouxte l’Erbsenthal. Ce nom fait vraisemblablement allusion aux lits de petits galets dont sont pétris certains bancs de grès.

Fig1. L'Erbsenfelsen depuis le col du Dunkeltal au nord de Baerenthal.
(Image traitée pour limiter les effets de brume).

La barre rocheuse de l’Erbsenfelsen, également visible depuis l’étang de Hanau, domine la forêt et atteint 450 mètres de long pour une hauteur d’une trentaine de mètres. Elle est interrompue par deux échancrures qui portent des lames gréseuses et un rocher-piton. Les éboulements anciens qui ont provoqué ces ouvertures sont visibles sous forme de gros blocs dans le versant nord-ouest. Fait remarquable, l'Erbsenfelsen comporte une arche spectaculaire, en fenêtre.

Fig2 . Arche vue depuis le chemin forestier qui la contourne, côté nord-ouest. Elle atteint 12 m de long sur 6 m de haut.

L’arche est visible en contre-plongée depuis le chemin forestier bien que le couvert végétal limite le champ visuel. en période de végétation. Un déplacement vers le pied de la paroi restreint encore davantage l’angle de vision et l’accès à l'ouverture de l’arche située en hauteur est impossible sans escalade, sans intérêt, sinon dangereux. Ce secteur fait partie d’une aire protégée (avifaune) et l’accès n’est pas autorisé entre le 1er février et début juillet (Arrêté de biotope). On pourra observer la structure sur ses deux faces, depuis le chemin forestier qui la contourne. Elle présente des montants irréguliérement découpés. Le sommet du portique est constitué par un banc de conglomérat. A proximité, une autre ouverture plus modeste se situe sur le tracé d'une fissure.

Fig 2. Arcades de l'Erbsenfelsen

À proximité de l’épingle à cheveux que fait le chemin forestier à son extrémité nord-est, la paroi présente une configuration en arcades métriques. L'accès est signalé comme dangereux par un panneau. Des piliers en forme de cônes sculptés au sein d’un banc de grès moins cohérent ménagent des ouvertures. Ces dernières se situent dans l’axe d’une fissure verticale.

La surface des piliers est couverte d’un « enduit » ou patine grise à blanchâtre qui se détache en croûte vers le bas. Voici en résumé ce qu'écrit au sujet d'une telle croûte, l’auteur d’un article sur Planet-terre* : cette croûte est composée d’oxydes et hydroxydes de fer et de manganèse, de silice et d’argile. On pourrait penser qu’elle s'est simplement formée par précipitation des solutés issus des eaux infiltrées dans la roche. Des études ont montré l’importance que revêtent les poussières atmosphériques (vent, pluie) fixées par l’activité biochimique (films bactériens) et qui se concentrent dans les zones de ruissellement temporaire. La durée de formation longue de ces patines nécessite des parois extrêmement résistantes à l’érosion.

*In Matthias Schultz, Les déplacements du fer dans les grès Navajo, plateau du Colorado (États-Unis d'Amérique), site Planet-Terre, le 10/03/2019

La barre de l'Erbsenfelsen constitue une butte-témoin des Couches de Rehberg et repose à sa base sur les grès des Couches de Trifels (subdivisions du Grès vosgien dans ce secteur proche du Palatinat). La paroi présente par endroits des traces (trous) de forage. Il s’agit de prélèvements ayant servi à une étude sédimentologique**.

** F. Ghienne, M. Deynoux, D. Jeannette, Structures sédimentaires, discontinuités et caractères pétrophysiques des grès du Buntsandstein des Vosges du Nord, Trias de l'Est de la France, J. CR. Acad. Sci. Paris, t.319- II (1994).

2) Le Speckfelsen et le Lattenfelsen-Est à Baerenthal

L’arche du Speckfelsen

Le Speckfelsen (traduction rocher du lard) dont le nom fait allusion au Speckfest, une tradition encore vivante qui consiste à déguster des tranches de lard grillées au feu de bois), se situe à l’extrémité d’une petite échine de grès sur le flanc du Hollaenderthal.

Fig 3a. La proue du Speckfelsen

L’extrémité de cette crête est une lèvre de fracture et révèle la stratification oblique des bancs de grès lenticulaires. Les marques d’une érosion différentielle sont visibles à la base des bancs et aux joints de stratification.

Fig 3b. Vue de l’arche (un grand format s'affiche par un clic sur l'image)

De belles dimensions, cette arche permet d'analyser les conditions de sédimentation en comparant les coupes de bancs dans les trois dimensions. Néanmoins, elle constitue une zone à risque. Il importe de relever les indices au sol (qui peuvent être enlevés dans un souci de « propreté ») ou les marques sur le rocher. Sur la photo prise à la fin de l’hiver quelques blocs tombés de la voûte ainsi que leurs points de rupture sont visibles. La comparaison avec un document plus ancien montre la progression de ce type d’érosion qui modifie l'allure de l’arche. Par ailleurs, l’eau suinte de la paroi amont attestant l’existence d’un aquifère au sein de l’arête rocheuse. Le parterre est en continuité avec un replat vraisemblablement aménagé pour le passage du chemin.

L’ensemble appartient à l’assise des Couches de Trifels qui constituent l'unité inférieure du Buntsandtein moyen dans le Palatinat et les Basses vosges gréseuses du nord.

Les fenêtres de l’arête rocheuse du Lattenberg-est.

Le Lattenberg ( : mont aux arbres à bois de brin). Cette barre rocheuse étroite est située entre la D36 et l’amorce d’un chemin forestier, au milieu d’un taillis. La base est entourée aux endroits des ouvertures dans le rocher d’un talus d’éboulis.

Fig 4. Les arches du Lattenberg

Deux fenêtres de dimensions modestes sont visibles le long de cette arête. La première est située en hauteur et présente des contours irréguliers soulignés par le passage de deux diaclases au niveau de l’encadrement. La face nord-ouest du rocher offre un aspect « écaillé » montrant un plan de décollement oblique à tracé en baïonnette avec facettes grises et aspérités dues aux ruptures des lamines gréseuses. La seconde fenêtre en forme de demi-lentille s’ouvre au sommet d’un banc de grès à stratification horizontale, partiellement friable.

La formation fait également partie des Couches de Trifels.

Une page consacrée à la géologie des arches de grès existe sur ce site dans la rubrique Circuits géologiques.