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Galerie de la Paix : 3. Description

Le site de pompage de Knutange illustre une composante de la gestion de l'après-mine, celle des eaux souterraines et de surface, dans le bassin ferrifère lorrain.

La galerie de la Paix est une ancienne galerie d'accès aux mines de Fontoy-Havange du Bassin ferrifère lorrain qui ont été ennoyées fin 2005, bien après la fin de leur activité, au début des années 1950 pour la mine de Fontoy (voir une carte d'état-major de l'époque ICI et des concessions minières ICI) et 1983 pour celle de Havange. On peut observer sur le site, l’ancienne station d’exhaure, c'est-à-dire d'évacuation des eaux souterraines (via la galerie de la Paix), et un canal d'écoulement extérieur en maçonnerie qui servaient à empêcher l’ennoyage des galeries pendant l'exploitation (fig.3). Actuellement, ces installations servent à évacuer le trop-plein depuis l'ennoyage des cavités minières abandonnées.

Fig.3a : La station de pompage de la galerie de la Paix (cliché © BRGM 2009)

Fig.3b : L'entrée de la galerie de la Paix de la mine de Fontoy-Havange en 2023

Activité minière et contexte géologique

La production de la mine de Fontoy qui extrayait le minerai de fer aalénien ou "minette" (fig.4 - voir aussi l'annexe sur le fer en Lorraine ou les fiches de Neuves-Maisons, de Neufchef, de Hussigny-Godbrange ou d'Aumetz), s'est déroulée durant une soixantaine d'années, entre 1890 et 1952 (fig.5 - voir aussi les photographies des vestiges de la Mine de Fontoy et le site très documenté de Roland Sebben). Le minerai était traité sur place, selon le procédé Thomas, dans les unités sidérurgiques à hauts fourneaux de Knutange (usine de la Paix) et de Fontoy. Pendant la période d'occupation de la Seconde Guerre Mondiale, les Allemands utilisèrent temporairement la mine de Fontoy comme usine souterraine d'assemblage des missiles de croisière V1.

Fig.4 : Position des formations géologiques du Bassin ferrifère autour de Fontoy dans la série stratigraphique régionale (illustration © BRGM) - cliquer sur l'image pour voir une coupe géologique du Bassin ferrifère

Fig.5 : L'entrée de la galerie de la Paix - mine de Fontoy ou de Havange - en activité (cliché historique © https://www.industrie.lu/fr/).

Impacts de l'activité minière sur les ressources en eau

La gestion des eaux d'ennoyage de la Galerie de la Paix à Fontoy illustre localement les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière sur les ressources en eau et le réseau hydrographique, à l'échelle du Bassin ferrifère lorrain, un territoire regroupant 258 communes et occupant une superficie de 2418 km2.

Ces impacts, l'évaluation et la prise en charge du risque sont décrits en détail dans les divers documents et rapports régulièrement produits et mis à jour depuis 1994 (voir bibliographie), par le Système d’information pour la gestion des eaux souterraines du bassin Rhin-Meuse (SIGES-BRGM) ou la Commission Locale de l’Eau (CLE) dans le cadre du Schéma d'Aménagement et de Gestion Durable (SAGE) - Bassin ferrifère. De larges extraits de cette documentation sont repris ci-après.

Impacts durant l'exploitation

Les venues d’eau d’infiltration ont toujours été un problème pour l’exploitation minière, puisqu’il fallait sortir de 5 à 20 m³ d’eau pour une tonne de minerai extrait.

En effet, avant l’exploitation minière, la formation ferrifère constituait un aquifère indépendant, isolé de la nappe des calcaires du Dogger sus-jacente par la formation imperméable des Marnes micacées de Charennes et des autres nappes plus profondes par les unités marneuses du Toarcien (fig.6 et 8).

Lors de la période d’exploitation minière, la méthode employée le plus souvent était la méthode dite de traçage et dépilage (= abattage des piliers de soutènement après avoir exploité une galerie). Les foudroyages (= affaissement) des terrains qui s'en sont suivis, ont provoqué la rupture de l’écran imperméable des marnes micacées qui supportait la nappe des calcaires du Dogger. L’eau de l'aquifère s’est alors infiltrée en grande quantité dans les galeries minières, obligeant les exploitants miniers à mettre en place des systèmes de collecte, de stockage (= les albraques) et de pompage des eaux d’infiltration : c’était l’exhaure minière (fig.6 et 7). Pour la mine de Fontoy, l'exhaure se faisait via le réseau de la galerie de la Paix (fig.3).

Fig.6 : Principe de l'exhaure minière (d'après un document de C. Blaise - Académie Nancy-Metz 2000)

L’exhaure moyenne annuelle du Bassin ferrifère lorrain est évaluée à 179 millions de m³ d’eau par an pour la période 1946-1993. Elle ne fut pas sans conséquences sur l'équilibre hydrogéologique du bassin (tarissement de la nappe du Dogger et des nappes superficielles, assèchement de certains cours d'eau et disparition des zones humides - fig.8).

L’eau d'exhaure était en partie utilisée pour l’eau potable et les usines sidérurgiques. Le surplus était déversé dans les cours d’eau. Ce régime hydrographique bouleversé et l'exploitation des ressources en eau contribuaient au nouvel équilibre d'un système largement artificialisé auquel s'était adaptée la population.

Impacts après arrêt de l'exploitation

Après l'exploitation du minerai de fer et l’arrêt des exhaures, l’eau d’ennoyage a rempli les vides artificiels laissés par l’activité minière. Ces volumes peuvent être maintenus ennoyés, partiellement ennoyés ou non ennoyés (comme ce fut le cas pour la mine de Fontoy jusqu'en 2005). Du fait de l'ennoyage, l'exploitation minière est ainsi à l’origine de la création d’aquifères artificiels, les réservoirs miniers (fig.7 et 8).

Fig.7 : Galerie de mine ennoyée (cliché © P. Heckler - Journal Le Républicain Lorrain)

11 réservoirs miniers sont identifiés dans le bassin ferrifère dont 3 grands réservoirs de taille supérieure à 97 km2 (Sud, Centre et Nord auquel appartient la mine de Fontoy - voir une carte ICI) et 8 petits réservoirs de taille inférieure à 20 km2.
La surface totale de l’ensemble des travaux miniers du Bassin ferrifère est d'environ 430 km2, représentant un volume d’eau supérieur à 450 millions de m3.

Fig.8: Schéma conceptuel de fonctionnement hydrogéologique d'un réservoir minier du Bassin ferrifère lorrain avant et après ennoyage (exemple du réservoir Sud - coupe SO-NE) - source : BRGM 2007

Dans le Bassin ferrifère, l‘arrêt progressif de l’exploitation minière et des exhaures, suivi de l'ennoyage des réservoirs miniers, durant les décennies 1980-2000 (voir la chronologie ICI), ont conduit à de nouvelles modifications importantes du régime des eaux souterraines et superficielles (variation des conditions d’alimentation et du débit des cours d’eau), ainsi qu’à l’altération de leur qualité ; il en résulte des impacts ou aléas forts vis-à-vis des principaux enjeux locaux : les usages et ressources en eau (alimentation en eau potable = AEP - voir fig.9) ainsi que les milieux naturels, cours d'eau et zones humides à forte valeur écologique partrimoniale.

Concernant les ressources et l'AEP, contrairement aux eaux d'exhaure autrefois propices à un usage direct d’AEP, l’eau d'ennoyage contenue dans les réservoirs miniers, actuellement trop riche en sulfates (voir ci-après), nécessite des traitements ou des mélanges coûteux pour la rendre potable. Toutefois, avec le temps, quand le renouvellement des réservoirs aura été suffisant, l’énorme réserve contenue dans les réservoirs miniers pourra à terme être exploitée directement pour l’AEP ou pour d’autres usages, notamment d’alimentation en eau industrielle ou de production d’énergie géothermique comme c'est déjà le cas pour la ville de Fontoy (voir plus loin).

Par ailleurs, les autres aquifères souterrains ressources du Bassin ferrifère (principalement karst et calcaires fracturés - voir leur position dans la série stratigraphique locale ICI) ne sont pas en bon état. S'ils ne subissent globalement pas de pressions quantitatives, ceux-ci sont plutôt exposés à des pressions diffuses qui altèrent leur qualité : pollutions d'origine agricole (teneurs en nitrates et en phytosanitaires) et aussi, peut-être, pollutions inhérentes à l’ancienne activité minière et industrielle (site et sol pollués) dans certains secteurs.

Le volume d’eau prélevé pour l’alimentation en eau potable de la population du Bassin ferrifère est de 38,5 millions de m3 par an en moyenne. Les réservoirs miniers fournissent la majorité de l’eau prélevée (58%), viennent ensuite les calcaires du Bajocien inférieur et moyen (19%), puis 9 autres ressources moins importantes.

Fig.9 : Exemple de carte de vulnérabilité des ressources en eau et AEP du Bassin ferrifère face aux aléas d'altération qualitative (pollution, salinité) - source : SAGE 2015 - cliquer sur la carte pour l'agrandir

Ce constat a conduit les pouvoirs publics à initier dès 1994, l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et d'un plan d'aménagement et de gestion durable (PAGD), approuvé par arrêté interpréfectoral le 27 mars 2015, visant à limiter les impacts de l'après-mine sur l'environnement et les ressources en eau (voir bibliographie).

 

Surveillance et protection des ressources en eau et milieux aquatiques

Depuis les années 1990, des réseaux de surveillance, confiés au BRGM, ont été constitués en vue d’assurer le suivi des phases d’ennoyage des différents réservoirs miniers (Centre, Nord et Sud). Le développement et la performance de ces réseaux ont été accrus par la création de nouveaux piézomètres en vue d’améliorer la compréhension du fonctionnement hydrogéologique du bassin, nécessaire à la mise en place d'une protection efficace des enjeux locaux (ressources en eau - AEP et cours d'eau).

Fig.10 : Évolution du niveau piézométrique d'ennoyage du réservoir Nord entre décembre 2005 et décembre 2009 (source : SIGES - BRGM 2018)

Ainsi, le suivi de l'ennoyage du réservoir Nord (amorcé le 1er décembre 2005), a permis de déterminer à la cote de 207,57 mètres, le niveau piézométrique seuil de débordement (survenu en mars 2008) du réservoir de la galerie des eaux de la Paix (fig.10). Depuis cette date (mars 2008), l'évacuation des eaux de débordement s’effectue directement dans la Fensch, à Knutange, via l'exutoire principal de la galerie des eaux, en période de basses eaux ou simultanément par cet exutoire et le canal extérieur de débordement de la galerie de la Paix (exutoire secondaire), en période de moyennes eaux (fig.11). Néanmoins, le fonctionnement hydrologique de ce réservoir minier n'est pas encore totalement stabilisé (contrairement à celui des réservoirs Centre et Sud) et des incertitudes demeurent quant aux risques d'inondation pour les périodes de très hautes eaux dans la vallée de la Fensch.

Fig.11 : Fonctionnement du dispositif de débordement du réservoir Nord à la galerie de la Paix (source SIGES-BRGM 2019) - cliquer sur l'image pour l'agrandir

Les eaux circulant dans les réservoirs miniers sont également très minéralisées (des minéraux oxydés sont dissous au moment de l’ennoyage). En particulier, les concentrations en sulfate, magnésium et sodium dépassent très souvent les concentrations maximales admissibles pour la potabilité de l'eau. Cette situation est évolutive, mais peut durer quelques dizaines d’années. Par exemple, la teneur en sulfates de l'eau à la galerie de la Paix en septembre 2010 était de 1600 mg/L (pour une référence de qualité / potabilité fixée à 250 mg/L par le code de la santé publique) ; sa tendance est à la baisse depuis mais les concentrations en sulfates restent aujourd'hui (début de la décennie 2020) encore élevées, proches de 500 mg/L (fig.12). Par ailleurs, l’échéance d’atteinte du bon état des nappes d’eau souterraines (i.e. hors réservoirs miniers) est estimée à 2027 pour toutes les masses d’eau actuellement en mauvais état.

Fig.12 : Évolution (période 2006-2019) des concentrations en sulfates des eaux issues du réservoir Nord - galerie de la Paix = courbe bleu ciel (source : SIGES-BRGM 2019)

Au final, les données issues des études d'impact collectées sur l'ensemble du Bassin ferrifère ont permis de définir un Plan d'Aménagement et de Gestion Durable (PAGD) et une dizaine d'objectifs de protection pérenne des ressources en eau fragilisées suite à l'activité minière et à son abandon (fig.13).

Fig.13 : Les objectifs et enjeux du Plan d'Aménagement et de Gestion Durable (source : SAGE 2015)

En complément de ces actions de protection de la ressource en eau, en 2015, la ville de Fontoy a fait le choix d'exploiter, via un réseau urbain alimenté par une pompe à chaleur géothermique, les calories des eaux de mines présentes sur son territoire pour chauffer plusieurs de ses bâtiments municipaux (sources : geothermies.fr / ADEME).

 

Bibliographie / documents consultés :

"L'exploitation de la Minette de fer en Lorraine et ses conséquences" (SIEGLER Eva et DICK Sébastien - 2000) - ancien site internet SVT Lorraine : http://www4.ac-nancy-metz.fr/svt/enseign/svt/eleve/prodelev/minefer/g1/BLAISE/problem_eau.htm

Schéma d'Aménagement et Gestion des Eaux (SAGE) - Bassin ferrifère - accès à l'ensemble des documents de référence : https://sagebassinferrifere.grandest.fr/

Système d’information pour la gestion des eaux souterraines (SIGES-BRGM) du bassin Rhin-Meuse - documents sur le Bassin ferrifère lorrain : https://sigesrm.brgm.fr/spip.php?page=recherche&recherche=bassin+ferrif%C3%A8re&x=0&y=0

Rapport de gestion de l’observatoire des eaux souterraines du bassin ferrifère lorrain en 2018 - Rapport final - BRGM/RP-69049-FR - Septembre 2019 : lien de consultation / téléchargement

Chronique d’information semestrielle du Bassin Ferrifère Lorrain pour la période « Basses eaux 2019 » (PDF, 5.6 Mo)

Wikipedia : pages dédiées aux usines sidérurgiques de Knutange et Fontoy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_sid%C3%A9rurgique_de_Knutange

Site web / blog "Exxplore" - pages dédiées aux mines de fer de Lorraine et photos de l'intérieur de la mine de Fontoy : https://www.exxplore.fr/pages/Mines-Fer-Lorraine.php

Site web "industrie.lu" - pages consacrées aux mines de Fontoy et de Havange : https://www.industrie.lu/minefontoy.html

 


Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 23/02/2023 - Dernière modification : 08/03/2024

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