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Côte des Bars : 3. Description

Relief - géomorphologie - stratigraphie

Le paysage des territoires du département de la Meuse est un paysage typique de côtes ou de cuestas (fig.3), c'est-à-dire constitué d'une succession de ligne de reliefs, dans laquelle les côtes, telles des marches d'escalier, sont séparées par de vastes étendues planes déprimées, les plaines. Ces composantes orographiques s'orientent selon une direction N-S : les fronts de cuestas font face à l'est et les plateaux de revers de côte descendent en pente douce, en direction de l'ouest, laissant progressivement place à la plaine. Parfois, des buttes isolées précèdent la côte et témoignent de l'extension de cette dernière avant que l'érosion ne sépare ces deux éléments cogénétiques.

Fig.3 : La Côte des Bars dans le relief de côte de l'Est du Bassin parisien (d'après Hilly et Haguenauer, 1979)

1 : Rebord oriental du Grès vosgien (Trias inf.) ; 2 : Côte de Lorraine (Trias moy.) ; 3 : Côte de l'Infralias (Jurassqiue inf.) ; 4 : Côte de Moselle (Jurassique moy.) ; 5 : Côte de Meuse (Jurassique sup.) ; 6 : Côte des Bars (Jurassique terminal) ; 7 : Côte d'Argonne (Crétacé inf.) ; 8 : Côte de Champagne (Crétacé sup.) ; 9 : Côte d'Île de France (Tertiaire inf.) - cliquer sur la carte pour l'agrandir

Cette disposition tient d'une part à la lithologie du sous-sol et, d'autre part, à l'action différentielle de l'érosion selon la nature des roches rencontrées.

En effet, la géologie du département de la Meuse s'intègre dans celle de la bordure orientale du Bassin parisien : la lithologie du sous-sol meusien est constituée d'un substratum stratifié sédimentaire d'âge mésozoïque, essentiellement représenté par le Jurassique et le Crétacé inférieur.

Les couches des terrains sédimentaires se relèvent vers l'est, plongeant vers l'ouest : il en résulte une structure monoclinale (coupe fig.4), dans laquelle les terrains les plus anciens du département se trouvent au nord-est (marno-calcaires de l'Hettangien du Pays de Montmédy) et ceux les plus récents, à l'ouest (gaize de l'Albien supérieur en Argonne - voir les fiches de Vauquois ou de Passavant-en-Argonne).

À l'empilement des unités sédimentaires se surimpose également une alternance de formations calcaires et de formations argileuses. Cette succession répétée de roches dures (calcaires) et de roches tendres (argiles, marnes), couplée à une structure monoclinale, ont ainsi déterminé des contrastes de résistance et une érosion différentielle sur ces binômes lithologiques, à l'origine du relief de côte de la région. Au total, un ensemble de 4 cuestas (Argonne comprise) et de plaines intermédiaires (ex. : la Woëvre), parcourt le territoire meusien (fig.3 et 4).

Fig.4 : Carte et coupe géologiques synthétiques du département de la Meuse (© BRGM 2007)

Depuis Heippes et la butte-témoin de la Côte Moulin, la vue porte sur la branche septentrionale de la Côte des Bars (voir aussi la fiche de Montfaucon-d'Argonne) et la plaine argileuse oxfordo-kimméridgienne qui s'étend au pied (fig.5).

Fig.5: Vue vers l'ouest et sur la Côte des Bars depuis la Côte Moulin à Heippes - cliquer sur l'image pour l'agrandir et obtenir une lecture du paysage

L'ossature de la Côte des Bars est constitutée par une barre robuste de calcaires compacts d'âge tithonien (fin du Jurassique sup.), surtout bien développée au sud de la vallée de l'Aire. Dans le périmètre géographique étudié, situé au nord de l'Aire, les calcaires tithoniens deviennent plus finement stratifiés et à composante argileuse plus marquée. La récolte de pierres volantes dans les champs du plateau alentours permet de caractériser localement, pour partie, la lithologie de cet ensemble sédimentaire hétérogène : le plus souvent, les échantillons s'assimilent à un faciès carbonaté micritique de type mudstone, dépourvu de macrofossiles ou de figures sédimentaires (anciens calcaires lithographiques - fig.6) ; un autre faciès (fig.6) correspond à un calcaire packstone voire rudstone coquillier (ou lumachelle) à exogyres (valves désarticulées de l'espèce Nanogyra virgula), une petite huître commune dans les niveaux du Kimméridgien sous-jacents (formations des Marnes à exogyres - voir par exemple les fiches de Chassey-Beaupré (55), de Méligny-le-Grand (55) ou de Chanteraine (55)). Ces indices pétrographiques identifient la formation des Calcaires cryptocristallins ou Calcaires lithographiques (j9a) des cartes géologiques locales, unité basale des Calcaires du Barrois et rattachée au Kimméridgien terminal et au Tithonien inférieur. Dans l'ordre stratigraphique, une formation d'argiles noires à exogyres, la Pierre châline, puis les Calcaires argileux à débris (i.e. de lamellibranches et de foraminifères), l'Oolithe de Bure (voir les fiches de Givrauval et de Reffroy) et les Calcaires cariés, tachetés ou tubuleux (voir la fiche de Reffroy) complètent la série des Calcaires du Barrois (Tithonien inférieur et moyen), épaisse d'une soixantaine de mètres (voir la colonne stratigraphique locale ICI). Ces dépôts carbonatés se sont mis en place dans une mer épicontinentale peu profonde, en milieu calme, sporadiquement perturbé par des tempêtes (origine des lumachelles), dans un contexte de régression-exondation généralisé à l'ensemble du Bassin parisien, à la fin du Jurassique.

Fig.6 : Échantillons de calcaire micritique (bas) et de calcaire coquillier présentant des caractéristiques de tempestite (haut) - Calcaires cryptocristallins (Tithonien inf.) - St.-André-en-Barrois - barres d'échelle = 1 cm

En jetant le regard vers l'ouest, le point de vue de la Côte Moulin permet de suivre le front et le tracé de la ligne de côte tithonienne filant vers le sud, au-delà de la ligne ferroviaire à grande vitesse (gare Meuse TGV), jusqu'au plateau de la Vau Marie, reconnaissable à son champ d'éoliennes, dominant la vallée de l'Aire (fig.7a). La couverture boisée qui drape le relief de la côte se poursuit et se perd au nord (fig.7b). La butte-témoin de Heippes, positionnée en avant du front de côte, n'en est pas totalement détachée car un cordon et un col la relient encore à la Côte de Dahaie sur la cuesta.

Fig.7a : Panorama sud sur le relief de côte et les entonnoirs de percée cataclinale de la Côte des Bars depuis la Côte Moulin (les étoiles de couleur permettent de se repérer d'une photo à l'autre) - cliquer sur l'image pour l'agrandir

Fig.7b : Panorama nord sur la Côte des Bars depuis la Côte Moulin (les étoiles de couleur permettent de se repérer d'une photo à l'autre) - cliquer sur l'image pour l'agrandir

Le belvédère du Mont d'Osches, construit en 2014, à quelques kilomètres plus au nord, près de Souilly, peut avantageusement se prêter à un détour et compléter la lecture du paysage (fig.8) : les premiers contreforts du massif de gaize de l'Argonne s'offrent à la vue, tout comme l'effacement progressif de la Côte des Bars, dû à une surface d'érosion infracrétacée (voir la fig.11 de la fiche de Montfaucon-d'Argonne). Le panorama vers l'est, en direction de Verdun, voit le revers de la Côte de Meuse oxfordienne barrer l'horizon. Sur la plate-forme du belvédère, des panneaux illustrés aident à s'orienter, renseignent sur l'architecture des villages meusiens (et celui d'Osches en particulier) ou commémorent les événements historiques de la Première Guerre mondiale dans la région (batailles de la Marne et de Verdun).

Fig.8 : Vue sur le sud du Massif d'Argonne et la Côte des Bars depuis le belvédère du Mont d'Osches

 

Réseau hydrographique

Comme partout en Lorraine, le réseau hydrographique a largement retouché le dispositif de cuestas et participé au modelé du paysage (fig.9).

Certains cours d'eau peuvent emprunter un cours orthoclinal (ou subséquent) parallèle aux lignes de côtes, perpendiculairement au pendage des couches : c'est le cas de la Meuse traversant le plateau calcaire de la Côte de Meuse, depuis le sud vers le nord (fig.3).

D'autres peuvent adopter un tracé plutôt perpendiculaire aux lignes de relief, accompagné de larges percées en entonnoir, mises en place selon deux modalités géodynamiques : 

  • par percée d'un front de côte, dans le sens du pendage des couches ; on parle alors de cours cataclinal (ou conséquent) comme celui de l'Ornain qui traverse la Côte des Bars à Gondrecourt-le-Château (fig.3) ;
  • par incision d'un revers de côte, dans le sens opposé au pendage des terrains ; on parle cette fois de cours anaclinal (ou obséquent) comme celui de la Meuse, coupant le plateau de la Côte de Moselle, à hauteur de Mouzon (Ardennes) près de Montmédy ou celui de la Côte de Meuse, au sud de Stenay (fig.3).

Fig.9 : Disposition du réseau hydrographique sur le relief de côtes (d'ap. Chardonnay, 1955)

Dans le secteur étudié, la Côte des Bars, qui s'étend ici au nord de l'Aire, est à plusieurs reprises incisée par les affluents de cette rivière ou par une autre, la Cousance. Chacun de ces cours d'eau franchit le front de la côte tithonienne, à la faveur d'une percée cataclinale et du creusement d'un entonnoir remarquable (fig.7a et b). Ceux réalisés par les ruisseaux Bunet et de Deuxnouds (emprunté par la ligne TGV), au sud-ouest de Heippes, sont particulièrement bien visbles depuis la Côte Moulin (fig.7a).

Par ailleurs, Heippes se trouve sur la ligne de partage des eaux entre les bassins versants de l'Aire à l'ouest et celui de la Meuse à l'est. Les affluents de cette dernière, comme le ruisseau de Récourt passant près de Benoîte-Vaux, rejoignent le fleuve en traversant la Côte de Meuse selon un tracé anaclinal. 

Bibliographie

CHARDONNET J. (1955) - Traité de Morphologie. Institut Géographique National édit., Paris, Publications techniques, 340 pages.

DONSIMONI M. (2007) - Carte géologique harmonisée du département de la Meuse. BRGM/RP-55513-FR, 106 pages, 7 fig., 3 tab., 4 pl. hors-texte.

HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Lorraine, Champagne. Collection "Guides Géologiques Régionaux". Masson, Paris édit., 216 pages.


Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 25/04/2023 - Dernière modification : 19/07/2023

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)