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Effondrement LR50-51 : 3. Description

Le site décrit ici concernait un effondrement en lien avec une exploitation du sel du sous-sol par dissolution, du même type que celui etudié dans la fiche décrivant les "cratères" d’Haraucourt.

L'exploitation par dissolution (ou lixiviation) met en oeuvre une ligne de sondages. Les puits de sondage qui étaient espacés de 100 mètres sur le site LR50-51, au cours des années 2000, ne le sont plus que de 50 dans les lignes de pompage actuelles (fig.3) ; ce choix permet un meilleur contrôle des effondrements.

Chaque puits est foré jusqu'au niveau des couches de sel (soit entre 150 et 200 m sous le niveau du sol, dans le secteur autour de la vallée de la Meurthe près de Nancy). Il se verra équipé d'un système avec 2 tubes concentriques munis de vannes. Un tube externe cimenté et court, est installé de la suface au toit de la zone salifère à dissoudre. Il sert à injecter l'eau douce (peu dense) lors de la mise en production du site. Un second tube métallique, plus long que le premier, est installé à l'intérieur du premier tube. Ce tube de production permet d'aller chercher par pompage la saumure de plus forte densité qui occupe la base de la cavité (fig.2) (2).

Fig.2 : Schéma d'un système de tube à double paroi permettant d'injecter de l'eau douce et de pomper la saumure dense obtenue après dissolution. (© E. Boidin 2007) (2)

Pour initier le fonctionnement de la ligne de pompage, de l'eau douce est injectée dans tous les tubes de production (tubes longs intérieurs qui serviront ultérieurement au pompage) des différents puits de la ligne afin de créer, par dissolution, de petites cavités à la base de la couche de sel. Ensuite, par injection d'air comprimé, l'extension radiale de la dissolution permet l'interconnexion des différentes cavités entre-elles et l'établissement d'un futur réseau collecteur de saumures (2). Le système est prêt à être mis en production.

Pour exploiter le système, de l'eau douce sera à nouveau injectée mais maintenant dans le tube externe du sondage en tête de ligne. Celle-ci dissout du sel jusqu'à atteindre une concentration de 200 g/L environ et crée ainsi une "poche" dans le sel, remplie de saumure.

Si cette eau salée n'est pas pompée, la dissolution se poursuivra jusqu'à ce que la saumure soit totalement saturée en sel (360 g/L en théorie pour le sel gemme NaCl) puis cessera. La couche de saumure isolera alors le gisement et empêchera toute dissolution supplémentaire. Même si de l'eau douce arrivait de la surface, elle stagnerait au sommet de la nappe d'eau salée à cause de la forte différence de densité entre les eaux douce (peu dense) et salée (très dense) ; les eaux seraient comme stratifiées.

Par contre, si la saumure est pompée au niveau du dernier sondage de la ligne, un système dynamique se met en place : par son pouvoir de dissolution renouvelé, l'eau douce apportée vient en permanence dissoudre du sel et entretenir la production de saumure.

Lorsque le sondage de tête (n°1) ne produit plus de saumure, le sondage suivant (n°2) sert de puits d'injection et ainsi de suite jusqu'à épuisement de la ligne de sondages (fig.3 et 4)

Fig. 3: Méthode d'exploitation d'un gisement de sel par pistes de sondages. (© E. Boidin 2007) (2)

Sur le plateau dominant Art-sur-Meurthe, une cheminée d'effondrement quasi verticale, évoluant vers un "cratère" en forme de cône par éboulement des parois, s'est progressivement formée et s'est aggrandie, allant jusqu'à engloutir les puits des sondages LR50 et LR51 pourtant espacés de 100 mètres. Cet effondrement (ou fontis) a été provoqué et maîtrisé par l'exploitant, la Société Novacarb, qui exploite la soudière de la Madeleine à Laneuveville-devant-Nancy afin de prévenir la formation d'une trop grande cavité lors d'un effondrement qui serait alors difficilement contrôlable (1).

La cavité souterraine remplie de liquide a ainsi été vidée de sa saumure par pompage (sans réinjection d'eau douce). La vidange a créé un vide et une baisse de pression qui ont entrainé l'effondrement progressif (écaille par écaille) du toit de la cavité qui n'était plus soutenu (fig. 3 et 4).

Fig. 4: Technique utilisée dans une exploitation de sel par dissolution contrôlée à Cerville-Buissoncourt (sondage SCT22 Société Solvay), avec la méthode des lignes de sondages. (© Solvay) (1)

L'effondrement s'est réalisé progressivement en 6 mois environ (entre la fin 2004 et l'été 2005). Le cratère initial avait un diamètre inférieur à celui de la cavité souterraine dont la taille était connue avec précision par des mesures de diagraphies. Le cratère a progressivement atteint sa taille maximale équivalente à celle de la cavité au fur et à mesure du détachement d'écailles successives de plus en plus larges (fig.5) (1).

Fig. 5: Evolution de la taille de la cheminée pendant la période active d'effondrement. L'espacement entre les têtes des sondages LR 50 (La Rape 50) et LR 51 est de 100 mètres. (© Rhodia-CIM) (1)

Cet effondrement a affecté en surface (dépression observable) les terrains de la base du Lias (Calcaires à gryphées) et de la partie sommitale du Keuper (Argiles rouges de Levallois) et plus profondément, toute une partie de la colonne stratigraphique au toit des couches du gisement salifère (Marnes irisées inférieures, Grès à Roseaux, Marnes irisées moyennes, Dolomie de Beaumont, Argiles de Chanville, Marnes irisées supérieures et Grès rhétiens - fig. 6).

Fig. 6: Colonne Stratigraphique locale. Double flèche = cône visible en 2006 affectant les terrains en surface. Double flèche discontinue = partie invisible affectant les terrains au toit du gisement de sel en profondeur (chiffres à gauche = âge en millions d'années - illustration © BRGM).

Jusqu'en 2009, les parois sommitales de l'immense cône de presque 200 mètres de diamètre et plus de 10 mètres de profondeur, laissaient paraître les formations des Calcaires à gryphées (Jurassique / Lias / Hettangien-Sinémurien) et des Argiles rouges de Levallois (Trias / Keuper supérieur / Rhétien terminal) sous-jacentes (fig.7 et 8). De l'eau stagnait au fond du "cratère".

Fig. 7: Vue du "cratère" formé par l'effondrement (cliché pris par le BRGM en 2009 au début de la phase de remblaiement). Au fond, en brun, la formation des Argiles rouges de Levallois, surmontée par la formation des Calcaires à Gryphées de couleur ocre et gris foncé (cliché © BRGM 2009).

Le "cratère" a  progressivement été comblé par des apports extérieurs de remblais (fig.7 et 8) afin de sécuriser le site et de remettre le terrain de la concession dans son état initial.

Fig. 8: Le cône a progressivement été remblayé avec des matériaux rapportés d'autres sites (remblais "progradants" à droite) - (cliché © BRGM 2009).

En 2024, plus aucune trace de l'effondrement n'est visible sur le site et sa visite rendue de fait inutile. En revanche, une intéressante reconstitution historique de son évolution peut être conduite sur 25 ans à partir du site IGN Remonter le Temps (fig.9).

Fig. 9a : Cliché pris entre 2000 et 2005 - Le site est en exploitation avec deux lignes de puits bien visibles. Aucun effondrement n'est observé. (© IGN-Remonter le temps)

Fig. 9b : Carte topographique établie entre 2006 et 2010 - localisation des différents sondages. Remarquer la petite dépression en cuvette sur la topographie et l'interruption de la ligne de sondages (sondages engloutis) - (© IGN-Remonter le temps).

Fig. 9c : Cliché pris entre 2006 et 2010 - L'effondrement provoqué a entraîne la formation d'un cratère de 180 m de diamètre. Remarquer qu'une partie du petit bois a été engloutie et que l'eau stagne au fond du cône (© IGN-Remonter le temps).

Fig. 9d : cliché pris entre 2011 et 2015 - Le comblement progressif du "cratère" est mené afin de remettre le site dans son état d'origine (© IGN-Remonter le temps).

Fig. 9e : Cliché 2024 - état actuel ; le site est clos et réhabilité (pépinière) - (© IGN-Remonter le temps).

Fig. 9: Suite de documents historiques retraçant l'évolution du site LR 50-51 entre 2000 et 2024 (© IGN-Remonter le temps)

Aujourd'hui, seuls subsistent quelques tuyaux et vestiges des têtes d'injection ou de pompage. La zone est clôturée et en friche. Elle a été en partie transformée en pépinière avec la plantation de pins.

L'usine Novacarb qui utilise le sel dissous dans son process de fabrication de soude est installée à proximité des voies de communication dans la proche vallée de la Meurthe.

 

Bibliographie et sitographie:

(1) FEUGA Bernard (2009) - Les effondrements dus à l’exploitation du sel. Géosciences, 2009, 9, pp.86-95 : https://brgm.hal.science/hal-01059632/document

(2) BOIDIN Élie (2007) - Interactions roches/saumures en contexte d'abandon d'exploitations souterraines de sel. Thèse de doctorat - INPL de Lorraine - ENSG Nancy : http://docnum.univ-lorraine.fr/public/INPL/2007_BOIDIN_E.pdf


Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 10/03/2024 - Dernière modification : 22/05/2024

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)