Ressoures régionales

Les environnements coralliens de l'oxfordien de Lorraine
(retour APBG Lorraine 1994)
  Auteurs
Bernard LATHUILIERE- Jörn GEISTER - Roger CHALOT
  Dates
14 juillet 1994

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PLAN DU DOCUMENT

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GENERALITES

LES GRANDS TRAITS DE LA STRATIGRAPHIE DU JURASSIQUE DANS LE NORD-EST DU BASSIN PARISIEN

LES FORMATIONS OXFORDIENNES

ÉCOLOGIE DES RÉCIFS ET PEUPLEMENTS

SÉQUENCE DES ENVIRONNEMENTS BENTHIQUES

SUR LE TERRAIN

ARRET N° 1 : Tranchée de la N4 au sud-ouest de FOUG.

ARRET N° 2 : Les carrières d'EUVILLE.

ARRET N°3 : Les Roches de Saint Mihiel.

ARRET N°4 : La carrière de DOMPCEVRIN.

ARRET N° 5 : Echangeur de l'autoroute A4 à HAUDAINVILLE.

BIBLIOGRAPHIE



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LES GRANDS TRAITS DE LA STRATIGRAPHIE DU JURASSIQUE DANS LE NORD-EST DU BASSIN PARISIEN
Les dépôts jurassiques du Nord-Est du Bassin Parisien représentent un mégacycle sédimentaire complet. Après une période de sédimentation continentale à la fin du Trias, la région a été immergée à la suite de la transgression liasique. Cette submersion par la mer liasique est enregistrée sous forme d'épais dépôts de sédiments marins à dominante argileuse et contenant des ammonites. Ceux-ci sont recouverts par l'oolite ferrugineuse de l'Aalénien déposée dans un environnement marin peu profond. Ses couches supérieures constituent la "Minette", le minerai de fer lorrain intensément exploité dans le passé.

La période sédimentaire suivante est caractérisée par le développement d'une vaste plate-forme carbonatée. Principalement d'âge Bajocien en Lorraine, cette plate-forme a été noyée sous une épaisse série argileuse. La plate-forme carbonatée se réinstalle à l'Oxfordien moyen. Sur ces plates-formes se sont développés des récifs coralliens.

Une tendance à la diminution de profondeur persiste pendant tout le jurassique moyen et supérieur. L'émersion finale à la fin du Portlandien conclut le cycle sédimentaire jurassique.

Un léger pendage des strates vers l'ouest et l'érosion différentielle des faciès alternativement calcaires et argileux contribuent à former un remarquable relief de côtes successives subparallèles. (figure 1)

Notre excursion, de Toul à Verdun en suivant la côte de Meuse, montrera les récifs de l'Oxfordien et leur riche faune corallienne. (figure 2)


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LES FORMATIONS OXFORDIENNES

En Lorraine, l'Oxfordien commence au sommet des Argiles de la Woëvre. Cette formation argileuse s'enrichit progressivement vers le haut d'intercalations calcaires passant ainsi au Terrain à Chailles. Celui-ci se termine par une surface durcie à grandes coquilles d'huîtres perforées ou par une oolite ferrugineuse. Le Terrain à Chailles est surmonté par la Formation récifale de Lorraine formée de deux complexes récifaux superposés.

Les complexes récifaux inférieur et supérieur.

La Formation récifale de Lorraine s'est déposée au cours de plusieurs épisodes successifs de construction qui se traduisent dans la formation par la superposition d'un complexe récifal inférieur et un complexe récifal supérieur.

Le complexe récifal inférieur est caractérisé par d'abondants coraux microsolénidés lamellaires, bivalves et échinides. Son épaisseur varie de 5 à 35 m. Au sud de la région de Commercy, c'est un calcaire à oncoïdes qui sépare les deux parties construites. Au Nord c'est un calcaire à crinoïdes ("Pierre d'Euville") qui se trouve dans cette position.

Le complexe récifal supérieur débute par 10 à 20 m de calcaires en partie constitués de calcaires construits. Les récifs sont construits par une faune corallienne diversifiée dont les colonies sont enveloppées par une matrice crayeuse blanche. Une boue crayeuse pure les a recouverts : la partie supérieure du complexe récifal, pratiquement dépourvue de coraux est représentée par 40 à 80 m de calcaires plus ou moins crayeux.

La coupe dessinée par Humbert (1971) présente clairement les relations entre les différentes unités sédimentaires qui constituent la Formation récifale de Lorraine (figure 3, pages centrales)

Cette Formation récifale de Lorraine peut être considérée d'âge Oxfordien moyen, d'après les données biochronologiques fournies par les ammonites et les brachiopodes (Enay et Boullier 1981).

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ÉCOLOGIE DES RÉCIFS ET PEUPLEMENTS

Le développement de la plate-forme.

Le complexe récifal oxfordien de Lorraine montre une disposition nette en ceintures de faciès. A la limite sud de la plate-forme se situe l'avant-récif alors que la crête récifale se trouve au niveau de la vallée de la Marne. La zone d'arrière-récif est localisée dans la partie nord de la plate-forme, entre la vallée de la Marne et le massif des Ardennes. (figure 4)


L'environnement.

Si l'on considère le complexe récifal globalement, le schéma général d'évolution des environnements peut s' expliquer assez facilement par une tendance persistante à la diminution de la bathymétrie. Deux exemples montreront que cette tendance a généré les divers biotopes qui peuvent être observés dans les affleurements.

La zone construite inférieure au Sud de Commercy correspond à un environnement faiblement éclairé, comme le montrent les affleurements de Foug. Les arguments principaux en faveur d'une faible luminosité sont la morphologie lamellaire fine des colonies de coraux et l'absence totale d'algues rouges. Les deux phénomènes s'expliquent par une bathymétrie relativement profonde, probablement dans la zone infralittorale. Cependant, ce faible niveau de lumière pourrait aussi être attribué moins probablement à un environnement turbide de faible profondeur (peut-être moins de 20m). De plus, les textures de dépôt et l'abondance de la micrite indiquent un milieu de basse énergie. Une situation sous le niveau de base des vagues ne peut être exclue. Pendant les premiers stades de croissance du récif Oxfordien, seuls des construction de petite taille se sont développées dans la région.

Les constructions du complexe récifal supérieur sont illustrées par les affleurements d'Euville et d'Haudainville. Ils indiquent un environnement assez différent. La présence de l'algue rouge Solenopora et la croissance en forme de dôme et à taux assez élevé des colonies coralliennes massives, suggèrent des eaux peu profondes bien éclairées, temporairement agitées par des tempêtes et privées de tout apport argileux. Selon les affleurements, le cachet plus ou moins abrité et lagunaire est perceptible par la nature plus ou moins fine du sédiment et la composition de la faune corallienne.

Un autre facteur environnemental doit être pris en considération : le taux de sédimentation. Comme l'indiquent les anneaux de croissance rythmique des scléractiniaires branchus poussant verticalement, le taux de sédimentation était très élevé et a finalement dépassé le taux de croissance maximum des coraux (de l'ordre de 14 mm/an).

La faune corallienne.

Comparée à d'autres récifs du Mésozoïque, les constructions récifales oxfordiennes ont été édifiées par une faune très diversifiée de scléractiniaires constructeurs, au moins deux fois plus diversifiée que celle du Bajocien.

Quelques observations supplémentaires doivent être signalées :

- la diversité de la morphologie des colonies, lamellaires, dendroïdes, phacéloïdes, en dôme;

- la diversité de la structure des colonies incluant des colonies phacéloïdes, céroïdes, thamnastérioïdes , mais aussi plocoïdes et méandroïdes;

- l'abondance de coraux à septes perforés;

- la grande diversité des genres dans le complexe récifal supérieur, comparé au complexe récifal inférieur dominé par des microsolénidés lamellaires.

Les organismes accompagnateurs.

Le complexe récifal inférieur montre un faciès "glypticien" caractérisé par la présence de nombreux échinides (dont Glypticus hieroglyphicus) et pélécypodes. Les coraux plats (surtout des microsolénidés) procuraient un support approprié à une faune cryptique diverse et à des algues bleues encroûtantes, montrant une photopolarité. Les deux fournissaient probablement une nourriture abondante à une faune d'échinides brouteurs (Vadet 1987)

Dans le complexe récifal supérieur, l'algue rouge Solenopora est un important constructeur secondaire. Les algues bleues sont probablement aussi importantes ici et jouaient un rôle majeur dans la genèse des sédiments interrécifaux. Le rudiste Diceras et des nérinées sont localement abondants et caractérisent certains faciès interrécifaux. A noter la présence de nombreux autres mollusques.

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SÉQUENCE DES ENVIRONNEMENTS BENTHIQUES

La succession des terrains sédimentaires oxfordiens est contrôlée par des paléoenvironnements changeant dans l'espace et le temps, en partie dus à des fluctuations eustatiques du niveau marin. Dans l'ensemble, la succession correspond à une séquence bathydécroissante. Les Argiles de la Woëvre et le Terrain à Chailles sont caractérisés par des sédiments à ammonites déposés dans un environnement calme, la faune benthique étant celle de la zone circalittorale. L'enrichissement progressif en carbonate et l'augmentation de la biomasse, spécialement de la faune épibenthique adaptée à des substrats durs confirme la tendance à la diminution de profondeur. Le passage du Terrain à Chailles à la Formation récifale de Lorraine devrait correspondre à la limite photique qui sépare la zone circalittorale de la zone infralittorale.

Cette évolution des environnements sédimentaires est attestée par les observations suivantes :

- La présence d'abondantes colonies lamellaires fines à la base du complexe récifal inférieur, suggérant un faible éclairement c'est-à-dire une eau probablement plus profonde.

- Une faune corallienne plus diversifiée incluant des coraux massifs en dôme dans le complexe récifal supérieur suggère un environnement moins profond, bien éclairé.

- L'émersion finale du sommet du complexe récifal supérieur. Cette émersion a été prouvée par des fentes de dessiccation et des ciments asymétriques (Humbert 1971).

Cette séquence bathydécroissante des environnements de dépôt peut se résumer par les étapes successives suivantes : circalittoral ---> infralittoral ---> médiolittoral

Paradoxalement, cette évolution coïncide globalement avec une remontée eustatique du niveau marin. L'étude de la géométrie des unités sédimentaires, décrite par Humbert (1971) confirme cette conclusion. Les Argiles de la Woëvre se définissent comme une grande unité sigmoïdale d'argilites présentant un dépocentre situé approximativement à la latitude de Verdun. Ces dépôts terrigènes sont interprétés comme un cortège de bas niveau. Avec le Terrain à chailles, le dépocentre se déplace vers le Nord et vers le continent ardennais signant ainsi une montée du niveau marin. Finalement, à cause de l'espace disponible limité, la Formation récifale de Lorraine se présente comme un cortège de haut niveau qui aurait progradé vers le bord de la plate-forme. Cette interprétation lisse évidemment les fluctuations subordonnées qui sont intervenues pendant le dépôt même de la Formation récifale de Lorraine et qui restent un terrain pour la recherche et la discussion.

On notera ainsi l'aspect paradoxal d'un ensemble que l'on doit considérer à la fois comme bathydécroissant sur la base de l'analyse des faciès et comme transgressif d'après l'analyse de la géométrie des dépôts. Ce paradoxe peut être résolu si l'on considère que la vitesse de subsidence a été dépassée par la vitesse de sédimentation, ce qui est bien concevable compte tenu des taux de production carbonatée biologique que l'on peut approcher ici.

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  • ARRET N° 1 : Tranchée de la N4 au sud-ouest de FOUG.

    . .

  • Stratigraphie : Les 20 premiers mètres de la Formation récifale de Lorraine(Oxfordien moyen) recouvrant le Terrain à Chailles (Oxfordien inférieur à moyen)

    Cartes : Feuille Toul 1:50 000 N° XXXIII-15

    Carte routière : Michelin n° 241 ou 242

    Références bibliographiques : Poirot (1986, 1987), Vadet (1987)

    Attention : A cause de la circulation sur la voie rapide, il est impératif de rester sur les affleurements et de ne pas marcher sur le bord de la route !

    Entre les villages de Foug et Pagny-sur-Meuse, la voie rapide Toul-St.Dizier coupe deux petites collines sur plusieurs centaines de mètres. De grands affleurements des deux côtés de la route exposent une coupe de la base du complexe récifal oxfordien. Le plus accessible et le plus complet est le flanc nord à l'extrémité est de la coupe. De là, un beau panorama du flanc sud peut aussi être observé, montrant le symétrique des affleurements visités.

    Les affleurements montrent un bel exemple d'un récif corallien formé au cours d'une séquence à bathymétrie décroissante. Le complexe récifal s'établit sur des boues d'eau profonde et continua sa croissance pendant un épisode de sédimentation plus grossière et moins profonde devenant biodétritique et oncolitique.

    Du sommet à la base, les faciès suivants pourront être examinés :

    - oncolite ;

    - couches coralliennes formées par :

    -calcaire à polypiers et sédiments interrécifaux;

    -marnes à polypiers et sédiments interrécifaux;

    - alternances calcaires-marnes à ammonites (Terrain à Chailles) se terminant par un fond durci à huîtres. (figure 5)


    Le Terrain à Chailles.

    Huit mètres d'un complexe marneux fossilifère avec des intercalations de bancs de calcaire fins sont exposés à la base de la coupe. Le sommet de la séquence est marqué par un fond durci formé d'un lit fin et continu de 2 ou 3 valves superposées de l'huître Deltoideum delta. La face supérieure des coquilles est fréquemment perforée par des cliones (éponges), et parfois par des bivalves lithophages et d'autres organismes. Des serpules et des brachiopodes thécidés encroûtent la face inférieure de nombreuses valves qui formaient des abris temporaires à ces organismes (figure 6)


    Les marnes à polypiers.

    La croissance de coraux clairsemés commença sur le fond boueux 15 à 20 cm au-dessus du lit à huîtres. Ces coraux atteignant 5 à 20 cm de diamètre sont dominés par une faune pionnière de petites colonies lamellaires formant une charpente dense dans une matrice boueuse. Une espèce domine : le microsolénidé Dimorpharaea koechlini.

    La face inférieure de ces coraux lamellaires est encroûtée de brachiopodes thécidés sciaphiles et de serpules et percée par des bivalves lithophages et des cliones. La face supérieure des squelettes coralliens lamellaires est souvent couverte de couches fines de stromatolites photophiles. Il y a peu de polypiers branchus et solitaires dans cette communauté corallienne.

    Le litage visible indique une élévation apparente de 1 à 1,5 m de ces pointements coralliens au-dessus des boues interrécifales environnantes. Mais ceci est largement dû à la compaction différentielle. Les sédiments interrécifaux sont fortement bioturbés. Des débris d'Apiocrinus et de Paracidaris sont fréquents.

    Les marnes à polypiers ont une épaisseur d'environ 3,5 m et sont nettement plus argileuses que le calcaire à polypiers qui les surmonte.

    Le calcaire à polypiers.

    Dans les faciès récifaux et interrécifaux, on observe une soudaine diminution du matériel terrigène. Cela se traduit dans l'affleurement par un léger surplomb de ces lits au-dessus des couches plus argileuses, résultat de l'érosion différentielle.

    Les coraux des couches inférieures continuent leur croissance dans les niveaux supérieurs où ils forment des accumulations mal définies. La construction est plus lâche que dans les niveaux marneux sous-jacents et il y a une transition graduelle des communautés coralliennes aux sédiments interrécifaux dépourvus de coraux. Les colonies sont plus épaisses (2 à 5 cm) et ont des diamètres d'environ 0,5m ; certaines atteignent 0,4 m d'épaisseur et 1,5 m de diamètre.

    La composition taxinomique de la faune corallienne est nettement différente de celle des marnes à polypiers. Les microsolénidés dominent encore, mais les colonies du genre Microsolena sont ici plus abondantes. (figure 7)


    L'observation des plans de stratification indique que les sédiments interrécifaux sont des carbonates biodétritiques au litage indistinct. Le relief sous-marin de ces constructions était insignifiant, atteignant moins de 1 m de haut. Une partie de ce relief apparent est due à la compaction différentielle. Néanmoins, à l'affleurement, ces constructions apparaissent comme des monticules de plusieurs mètres de haut à l'intérieur du sédiment.

    Le sommet de ces monticules indique une migration apparente vers l'Est. Ceci pourrait être dû à l'action de vagues de tempête au cours de la croissance du récif, qui déposaient des fragments de coraux à l'abri du récif sur lesquels la génération suivante de polypiers se fixait et se développait. L'ensemble du récif fut finalement submergé par des sédiments bioclastiques riches en débris coralliens micritisés et recouvert par le calcaire à oncoïdes.

    Le calcaire à polypiers a une épaisseur d'environ 8 m.

    Les marnes à polypiers et le calcaire à polypiers constituent à eux deux le complexe récifal inférieur.

    L'oncolite.

    Les sables oncoïdiques qui ont au moins 6 m d'épaisseur furent peut-être les responsables de l'asphyxie et de l'enfouissement des récifs. Les micro-oncoïdes (jusqu'à 2 mm) sont formés par des algues et des foraminifères nubéculaires, encroûtant de fins fragments de squelettes.

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  • ARRET N° 2 : Les carrières d'EUVILLE.
  • Stratigraphie : Formation récifale de Lorraine (Oxfordien moyen)

    Cartes : Feuille Commercy 1:50 000 N° XXXII-15

    Carte routière : Michelin n° 241 ou 242

    Références bibliographiques : Humbert (1971), Hilly et Haguenauer (1979)

    Le village d'Euville était un important centre d'exploitation du calcaire dans la première moitié de ce siècle. On y extrayait la célèbre "Pierre d'Euville", une belle entroquite, dure, résistante au gel, utilisée dans la construction et la statuaire.

    La Pierre d'Euville est intercalée dans la Formation récifale de Lorraine. Elle est supportée par des calcaires à Polypiers du complexe récifal inférieur et surmontée par des calcaires crayeux ou biodétritiques qui passent latéralement au véritable calcaire construit du complexe récifal supérieur. (figure 8)

    Cette succession sera visitée dans la carrière des Côtillons (A, sur le plan) aujourd'hui abandonnée, mais qui a fourni la majorité des matériaux utilisés dans la construction de bâtiments historiques.

    Mr. P. BRIOT nous racontera l'"épopée de la Pierre d'Euville" en nous faisant visiter l'Hôtel de Ville et la carrière en.exploitation (B, sur le plan).

    L'épopée de la Pierre d'Euville.*

    La "Pierre d'Euville" est exploitée au moins depuis le 16ème siècle : l'existence des carrières est mentionnée pour la première fois dans un document de 1574 .

    Son emploi est resté longtemps régional : maisons de fermes, fortifications, basilique de St-Nicolas-de-Port, pont de Toul, puis au 18ème , palais et monuments de Nancy.

    A partir de 1840, l'exploitation a connu un essor considérable. Deux facteurs y ont concouru. D'une part, le développement des communications (le canal de la Marne au Rhin et le chemin de fer Paris-Strasbourg) permit aux pierres meusiennes d'être utilisées en dehors des limites de la Lorraine. D'autre part, les grands chantiers de construction à Paris ayant un besoin croissant en pierres, les entrepreneurs parisiens trouvèrent un matériau de qualité dans la région de Commercy et à Euville en particulier.

    Dès lors, cette pierre d'Euville acquit une renommée nationale et internationale. Quelques-unes de ses nombreuses utilisations en attestent : parapets du Pont-Neuf, statues du Palais de Chaillot et du Musée d'Art Moderne, Opéra et Palais des Champs Elysées à Paris, Lycée Corneille à Rouen, Théâtre de Francfort, Château Krupp à Essen, Théâtre et Hôtel des Postes à Bruxelles, Quai de l'Escaut à Anvers, Université de Gand, Cathédrales à New-York et Baltimore.

    Grâce à ce succès, la commune d'Euville, propriétaire des carrières, vit ses ressources augmenter considérablement permettant la construction de remarquables bâtiments communaux, et tout particulièrement d'un Hôtel de Ville, bel exemple de l'Art Nouveau.

    Le mode traditionnel d'extraction, semblable à celui des mines, a peu évolué jusqu'à la fin du 19ème siècle ; l'amélioration essentielle ayant été l'usage de la poudre noire, comme explosif, à partir du 17ème. Le front de taille était divisé en chantiers attribués, chacun, à une équipe d'ouvriers payés à la tâche et dirigés par un chef de bloc qui traitait avec la société exploitante.

    La nécessaire augmentation de la production liée à l'essor de la pierre conduisit à l'ouverture de nouvelles carrières et à l'embauche de centaines d'ouvriers, français et italiens pour la plupart.

    A la fin du 19ème siècle, le souci d'amélioration des rendements amena les sociétés à mécaniser toutes les phases de l'extraction et à employer des méthodes nouvelles. Les haveuses, les perforatrices, remplacèrent peu à peu la tranche, le tamponnoir, les coins et les pinces. Ces machines ont fonctionné d'abord à la vapeur, puis à l'air comprimé et enfin à l'électricité à partir de 1891. L'installation de ponts-grues et de treuils mécanisés permit l'exploitation en gradins à partir de 1892. L'extraction en souterrain apparut en 1918. La production atteignait 8 à 10 000 mètres cubes par an vers1927. L'exportation se faisait par voie ferrée et par voie fluviale.

    Au début du siècle, neuf cents personnes travaillaient dans les carrières d'Euville ; plus de mille dans les années 1930. Un hameau se développa sur le site des carrières.

    Actuellement, une seule carrière est encore exploitée (par la société Rocamat). Dix carriers y travaillent. L'exploitation se fait par "sciage de masse au fil diamanté" et un centre d'usinage programmable permet d'effectuer des moulures diverses.

    Les traces des anciennes méthodes d'extraction sont visibles dans la carrière des Côtillons. Les carrières voisines, à l'Est, montrent les techniques modernes d'extraction et de spectaculaires témoins de l'exploitation souterraine : seize galeries de 10 mètres de large et de 14 mètres de haut.

    * Cet historique est tiré de documents réalisés par l'association Pierres Lorraines et le Parc Régional de Lorraine (L'épopée de la Pierre P.Briot et J.P. Streiff 1991 ; Classes du Patrimoine J.P. Streiff, H. Sidert, P. Briot)


    La carrière des Côtillons.

    Le complexe récifal inférieur.

    Les ondulations du plancher de la carrière correspondent à la morphologie sous-marine originelle formée de récifs et de dépressions interrécifales qui furent recouverts par des dunes hydrauliques géantes de calcaire crinoïdique. En comparaison à l'affleurement précédent de Foug, il y a une étonnante différence d'altitude d'au moins 20 m entre la crête récifale et les dépressions interrécifales. Une telle pente est mesurable sur une centaine de mètres au toit du complexe récifal inférieur Les roches du plancher de la carrière sont principalement constituées :

    - de calcaire biodétritique dans les dépressions interrécifales;

    - de quantités considérables de débris coralliens sur la pente du récif;

    - de la véritable structure récifale localement, vers le sommet des crêtes topographiques.

    Le sommet du complexe inférieur est marqué par une surface durcie bien développée localement.

    Près du mur vertical NNO de la carrière, la roche est charpentée par une structure dense de scléractiniaires aplatis qui s'élève rapidement (30° sur 7 m) vers le calcaire crinoïdique du front de taille. C'est une paléotopographie récifale, exhumée par les travaux d'exploitation.

    Au bas de ce relief, la pente du fond marin originel était plus douce, s'abaissant de 10 m sur une distance de 100 m vers le centre de la carrière. A l'origine, le fond marin sableux était jonché de débris, surtout de coraux, d'échinodermes et de mollusques, glissant le long de la pente du récif en croissance active.

    Les surfaces du récif et des dépôts de pente sont toutes deux percées par des organismes perforants indiquant la formation d'une surface durcie avant l'enfouissement sous la dune sableuse crinoïdique.

    L'entroquite (Pierre d'Euville)

    Le calcaire crinoïdique ou entroquite est largement exposé dans les fronts de taille de la carrière. A l'intérieur de la carrière, son épaisseur varie de 6 à 13 m, qui correspondent aux crêtes et creux de la dune sableuse mais aussi à la topographie sous-marine antérieure. Les deux crêtes visibles à l'affleurement sont séparées de 150 m. Les particules constituant la roche sont principalement des ossicules grossiers de crinoïdes, les particules plus fines ayant été balayées. D'après Humbert (1971), la carte des isopaques de la Pierre d'Euville montre une dune géante de 2,5 km de long, d'axe longitudinal orienté approximativement Est-Ouest. La largeur de la dune est de 600m et son épaisseur maximum atteint 20 m. La pente est dirigée vers le Nord. Au sommet, l'entroquite est elle aussi tronquée par une surface durcie comme l'indiquent les perforations et les huîtres encroûtantes.

    Le complexe récifal supérieur.

    Le complexe récifal supérieur peut être observé dans le front de taille au-dessus de l'entroquite mais n'est pas facilement accessible. L'épaisseur observable sous la grouine quaternaire sus-jacente est d'environ 10 m. La roche est crayeuse à biodétritique, localement, avec des gerbes de coraux branchus, des débris de coraux branchus resédimentés et des structures à coraux lamellaires. Une formation construite à microsolénidés lamellaires peut être suivie dans le mur NO de la carrière sur une distance de 80 m ; elle atteint une épaisseur de 5 m ou plus.

    L'existence de chenaux dans les boues crayeuses atteste de la présence temporaire de courants érosifs. Les chenaux ont été remplis et recolonisés par des coraux branchus qui furent par la suite ensevelis in situ. Parmi les coraux resédimentés, une belle colonie de Dendraraea racemosa peut être observée.

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  • ARRET N°3 : Les Roches de Saint Mihiel

    .

    Stratigraphie : Partie supérieure de la Formation récifale de Lorraine (Oxfordien moyen).

    Cartes : Feuille Saint Mihiel 1:50 000 N° XXXII-14

    Carte routière : Michelin n° 241

    Références bibliographiques : Beauvais (1964), Hilly et Haguenauer (1979)


  • Les pittoresques falaises appelées "les Sept Roches" sont situées dans un parc public sur la rive droite de la Meuse à la sortie nord de Saint Mihiel. La masse rocheuse la plus méridionale est plus facilement accessible à une observation géologique. Des marches conduisent à une crypte (Saint sépulcre de Mangeot - 1772) et au sommet de la falaise d'où s'étend une vue panoramique sur la ville et la vallée de la Meuse.

    La base de la falaise fut utilisée comme abri sous roche par la population locale pendant le Paléolithique supérieur. Ceci a été montré par les fouilles qui ont livré des restes humains et animaux, du charbon de bois et des objets magdaléniens (Hilly et Haguenauer 1979).

    Des gerbes de coraux sont bien visibles au-dessus de l'entrée de la crypte et à 15 m au Nord. Ils sont emballés dans une matrice bioclastique.

    Les coraux branchus les plus remarquables appartiennent à l'espèce Thamnasteria dendroidea. Il y a aussi quelques belles colonies massives.

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    ARRET N°4 : La carrière de DOMPCEVRIN

    Stratigraphie : Formation récifale de Lorraine (Oxfordien moyen).

    Cartes : Feuille Saint Mihiel 1:50 000 N° XXXII-14

    Carte routière : Michelin n° 241

    Références bibliographiques : Humbert (1971), Hilly et Haguenauer (1979)



    La carrière de Dompcevrin, jadis exploitée pour des fours à chaux, se présente en quatre paliers d'exploitation qui permettent d'observer sur une quarantaine de mètres d'épaisseur une partie stratigraphiquement assez haute de la Formation récifale de Lorraine.

    L'ensemble est dominé par des faciès à ciment crayeux très blancs et régulièrement stratifiés. Sur le palier supérieur, on remarquera un faciès riche en coraux, en Diceras (premiers rudistes) et Nérinées. Ce faciès ne doit pas être considéré comme un calcaire construit mais comme un calcaire détritique ; ses éléments présentent les caractères de l'allochtonie (coraux en position renversée, valves dissociées, granoclassement...). Il s'agit sans doute d'un faciès localisé à proximité d'une vraie construction. Dans cette roche, les effets d'une dissolution diagénétique différentielle de l'aragonite des fossiles et bioclastes sont particulièrement bien exprimés et fournissent une grande porosité (="moldic porosity" des auteurs anglais).

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  • ARRET N° 5 : Echangeur de l'autoroute A4 à HAUDAINVILLE

    Stratigraphie : Formation récifale de Lorraine (Oxfordien moyen). Les affleurements correspondent en gros à la partie supérieure du calcaire crinoïdique et au complexe récifal supérieur visités à Euville.

    Cartes : Feuille Vigneulles-lès-Hattonchâtel 1:50 000 N° XXXII-13

    Carte routière : Michelin n° 241

    Références bibliographiques : Beauvais (1985), Beauvais et al. (1980), Enay et Boullier (1981), Hanzo, Le Roux et al. (1982), Hilly et Haguenauer (1979)


  • Les vastes affleurements dégagés lors des travaux autoroutiers donnent une vue exceptionnelle en trois dimensions de la structure interne et des rapports entre les faciès dans un complexe récifal fossile. L'histoire de la croissance des récifs peut être entièrement retracée, de leur installation sur un substratum instable à leur édification, et à leur recouvrement final par des sédiments biodétritiques.

    Attention : Pour des raisons de sécurité, il est impératif de rester sur

    les bas-côtés de la boucle et de ne pas pénétrer sur l'autoroute.

    Les récifs d'Haudainville.

    La croissance du récif débute sur la surface supérieure érodée d'un complexe de calcaire crinoïdique probablement équivalent de ceux visités à Euville (figure 9). L'installation du récif est précédée de dépôts successifs de lits progradants de calcaire détritique recoupés par des surfaces de réactivation peut-être dues à des épisodes de tempête. Des coraux massifs dispersés colonisent ensuite ce substrat, eux-mêmes recouverts par des associations denses progradantes de coraux branchus robustes dominés par Thamnasteria dendroidea. Ces gerbes d'un à deux mètres de haut, sont finalement recouvertes par des colonies branchues plus fines qui, piégeant le sédiment achèvent des constructions remarquables d'environ 6 m de haut. Celles-ci furent finalement envahies et noyées complètement par des sédiments interrécifaux.

    Plus haut dans la coupe, il y a des témoins d'une nouvelle tentative de colonisation du fond mou par de grandes colonies massives. Cependant, beaucoup d'entre elles ont été déracinées, roulées et redéposées probablement au cours d'une grande tempête. Elles sont concentrées dans une couche de débris grossiers et recouvertes de sédiments à grain plus fin.

    Aucune zonation horizontale claire n'a été trouvée, pouvant refléter d'anciens niveaux d'énergie de vagues (un côté protégé, un côté exposé, comme dans les récifs quaternaires). Il n'y a pas non plus de formes de croissance, ni de direction de croissance des coraux branchus qui pourraient indiquer des directions de paléocourants. Les affleurements bien que vastes sont insuffisants pour montrer des tendances géomorphologiques des constructions telles que la formation de rides allongées et identifier leur orientation.

    Un phénomène frappant dans ces affleurements est la présence de nombreux horizons repères bruns. Ce sont des couches centimétriques - ou même millimétriques- silteuses de matériel carbonaté brunâtre qui peuvent être suivies depuis les sédiments interrécifaux jusqu'à l'intérieur des constructions coralliennes. Au niveau d'un horizon repère, la plupart des coraux meurent et sont recolonisés par une autre espèce. Cependant, quelques colonies branchues plus robustes de Thamnasteria dendroidea survivent à ces événements et continuent leur croissance. Les anneaux de croissance annuels de ces colonies indiquent que la période séparant le dépôt de deux horizons bruns va d'environ 10 à 100 ans.

    Les coraux devaient vivre dans un environnement protégé, plutôt calme et pouvaient être ravagés périodiquement par des violentes tempêtes exceptionnelles. Les tempêtes brisaient beaucoup de squelettes coralliens, érodaient leur sommet et remuaient de grandes quantités de vase sur le plateau environnant. Cette boue décantait ensuite dans des secteurs protégés des vagues et des courants étouffant la plupart des coraux survivants. Chaque couche de boue représentée dans l'affleurement comme un horizon brun indiquerait un épisode de tempête.

    Les affleurements de cet arrêt seront examinés le long de la boucle d'accès à l'autoroute, en partant du poste de péage, jusqu'au point de raccordement à l'autoroute. L'itinéraire commence aux faciès inférieurs et mène étape par étape au sommet de la coupe.


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