Blade Runner (ou les androïdes qui rêvent de moutons)

Blade Runner (ou les androïdes qui rêvent de moutons)

La référence à la science-fiction cyberpunk par excellence, Blade Runner transcende les décennies à travers ses thématiques réfléchies et toujours d’actualité. Alchimie parfaite entre thriller noir et science-fiction avant-gardiste, ce bijou du cinéma restera un chef-d’œuvre, à voir au moins une fois dans sa vie d’humain (ou de Répliquant, pas de discrimination).

Los Angeles. Novembre 2019. Les avancées technologiques ont permis aux humains de coloniser l’espace et d’y faire travailler des esclaves humanoïdes, appelés « Répliquants ». Cependant, pour chasser les  déserteurs, une unité de police spéciale a vu le jour: les Blade Runner, chargés de traquer et « retirer » ces androïdes illégaux.

Blade Runner est un film de science-fiction réalisé par Ridley Scott et sorti le 15 septembre 1982. Le scénario est écrit par Hampton Fancher, Philipp K. Dick et Scott lui-même, la musique composée par Vangelis et le film distribué par les studios Warner Bros. Le long-métrage est porté par Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young et Daryl Hannah.

Tout commence avec le livre « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? », publié par l’auteur Philipp K. Dick en 1968. L’acteur Hampton Fancher achète les droits d’adaptation pour une somme modeste et travaille déjà sur un script. La science-fiction était alors très à la mode, avec le succès de Star Wars en 1977 et notamment d’Alien en 1979, réalisé par le futur réalisateur de Blade Runner: Ridley Scott. Celui-ci était déjà occupé par l’écriture du script de l’adaptation de Dune mais il confiera cette tâche à David Lynch (et oh mon dieu, qu’il a souffert avec ce film…) et s’appropriera le projet. N’étant pas satisfait du résultat, Scott fera écrire plus de douze versions du script à Fancher, qui quittera finalement le projet (son nom sera quand-même crédité dans le générique), laissant le contrôle total au réalisateur d’Alien qui se détachera davantage du livre de K. Dick. Avec un réalisateur très exigeant, un budget très restreint par les studios de production et des divergences artistiques (il existe tout de même pas moins de cinq versions de ce film !), le film ne sera pas si bien accueilli qu’espéré: au cours des séances de test, des spectateurs se plaignent de la complexité du film et de la lenteur de l’histoire. Les studios, inquiets, pousseront Ridley Scott à ajouter une voix-off, portée par la voix d’un Harrison Ford au bout du rouleau, épuisé par la production et jugeant l’idée de la voix-off très absurde. Enfin sort Blade Runner en 1982 et sans surprise, les accueils sont froids voire négatifs, et les recettes amassées assez faibles (la malédiction s’est poursuivie pour sa suite, sortie en 2017, intitulée Blade Runner 2049…). Certains reconnaissent la beauté et l’avant-gardisme du film, toutefois lui reprochent d’être trop lent et compliqué. Cependant, au fil des décennies, l’Histoire du cinéma et les cinéphiles en ont fait une œuvre culte: peut-être était-il trop en avance sur son temps ?

Blade Runner est un exemple parfait de la science-fiction très intelligente et poétique, qui mélange avec brio les thématiques sombres du thriller et celles plus scientifiques de la science-fiction moderne ! Malgré les divergences entre les équipes de production et le réalisateur Ridley Scott, les scénaristes ont écrit un scénario désormais ancré dans l’Histoire du cinéma et dans la culture pop. Sans oublier le pauvre David Lynch qui pleurait du sang sur le tournage d’un autre film devenu culte malgré lui: Dune. D’ailleurs, en 2004 The Guardian publie un sondage: on demanda à soixante scientifiques quel était leur top 10 des meilleurs films de science-fiction: Blade Runner arrivait juste avant 2001:L’Odyssée de l’Espace, un autre grand chef-d’œuvre du cinéma ! Même les scientifiques sont d’accord avec la dystopie de Ridley Scott… Devons-nous nous réjouir ou avoir peur ?

Une atmosphère Vangélique: la musique de Blade Runner.

À l’inverse de John Williams, compositeur très orchestrale derrière Star Wars et Jurassic Park, Vangelis se tourne vers de l’orchestre tout autant synthétique que les Répliquants: ce dernier utilise une douzaine de synthétiseurs pour ainsi « synthétiser » la magnifique bande-son de Blade Runner. Un compositeur devenu culte pour son travail, Vangelis est un des plus grands points forts de l’œuvre (comme Hans Zimmer avec Interstellar). Ce dernier fait ressortir l’agressivité et l’artificialité de la ville avec sa partition pour l’ouverture du film, ainsi que le côté exotique et cyberpunk de la population de Los Angeles avec son morceau « Tales Of The Future » dans lequel une femme chante la gorge déployée. Quant à l’ambiance dystopique de l’œuvre, le public la ressent avec « Damask Rose », joué au violon qui dégage tellement de mélancolie et de légèreté dramatique: un morceau stupéfiant ! Blade Runner est un film calmement agressif: il ne se hâte pas mais respecte tout de même les codes du thriller noir de science-fiction, peut-être même en les changeant à jamais. Toutefois n’oublions pas que ce qui distingue réellement le film des autres œuvres de science-fiction
dystopiques, c’est la poésie et l’amour dégagés par les images et les personnages. Deckard et Rachel vivent un amour si intense que ressortir tout ça par la musique paraît être très compliqué; néanmoins, Vangelis s’en sort parfaitement et compose « Love Theme » avec son Yamaha GS1 pour insérer les notes profondes de piano, sublimant radicalement l’histoire entre les deux personnages. Il y ajoute aussi des changements soudain de ton, rendant aussi cette relation contre-nature plus monstrueuse. Enfin, le meilleur pour la fin: « Tears In Rain », la partition ultime qui accompagne avec merveille le doux monologue de l’acteur Rutger Hauer… Dans l’album de la bande-son, les paroles de Roy Batty sont présent dans ce morceau, composé de piano si doux, de sons graves en fond et d’un thème si léger que la musique semble s’envoler en même temps que la colombe. D’ailleurs, quand l’animal s’envole, des sons semblables au tonnerre viennent frapper la partition douce de Vangelis, comme pour marquer la colère des cieux à ce moment là ou bien pour illustrer la brutalité de la mort de Roy Batty. Cette partition est un des plus beaux morceaux que l’Homme a pu concevoir: d’une part créé par des moyens modernes (synthétiseurs), d’autre part marquant un niveau de mélancolie extrême, « Tears In Rain » est LE morceau de Blade Runner. Par ailleurs, un hommage a été rendu au compositeur et à sa partition dans la suite réalisée par Denis Villeneuve: en effet, Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch, chargés de composer la musique du film ont utilisé un Yamaha CS-80, piano synthétiseur semblable à celui utilisé par le compositeur, pour maintenir une continuité stylistique musicale de l’univers de Rick Deckard, en plus de grandement s’inspirer du travail de Vangelis devenu une référence chez les compositeurs d’aujourd’hui. De plus, il y a une piste intitulée « Tears In The Rain », une version similaire à celle entendue à la fin du film de 1982. Le travail pharamineux réalisé pour Blade Runner est sans doute le meilleur du compositeur et a grandement influencé la musique électronique: sombre, futuriste et poétique, la bande-son de Vangelis n’est que le reflet du film dystopique noir de 1982. Elle est tout simplement angélique et intemporelle.

« You’ve done a man’s job, sir. I guess you’re through, huh ? »

Le jeu d’acteur reste assez étrange dans ce film: nous avons quelques fois l’impression que les acteurs sont légèrement en décalage avec la situation ou bien nous nous demandons pourquoi est-ce que tel(le) acteur et actrice joue comme ceci dans telle scène. Ainsi le premier visionnage peut être quelque peu déroutant et amer concernant le jeu d’acteur dans Blade Runner. Harrison Ford, le blade runner inoubliable du grand écran joue globalement très bien: il semble vraiment être dans sa peau et lâche tout son talent, notamment pendant les scènes avec Tyrell et Zhora. Toutefois, on sent une certaine fatigue voire lassitude sur certaines scènes (par exemple celles aux commissariat): le tournage du film fût en effet assez problématique. Malgré cela, il s’en sort très bien dans le rôle de Deckard, qui lui semble tenir beaucoup à cœur (notamment dans Blade Runner 2049). Sean Young, la Répliquante si charmante et renfermée éblouit le grand écran, que ce soit par sa grande beauté ou ses costumes très prononcés (des airs de poupée avec sa robe aux épaules carrées !). Elle fait passer à merveille la sensibilité et l’innocence de Rachel, ainsi que la concupiscence du personnage, notamment à travers la cigarette et les lèvres à la couleur rouge très soulignée. Il est clair que le rôle de Rachel lui va mieux que celui de Chani, le personnage anecdotique du Dune de David Lynch. Cependant, le meilleur acteur du long-métrage reste Rutger Hauer, le fameux androïde poétique, qui jouit d’une enviable facilité à manier ses dialogues. Il a des mimiques qui sont très homogènes avec son rôle et possède une carrure monstre sous sa longue veste grisâtre. Son sourire marquant aide énormément à marquer la présence de Roy Batty et le jeu d’acteur dans sa dernière scène est plus que parfaite ! De plus, la célèbre phrase « All those moments will be lost in time… like tears in rain. » découle en parti du talent de l’acteur: en effet, la dernière partie de la phrase, celle étant la plus poétique est le fruit de l’improvisation de Rutger Hauer. Quelle vision poétique !

Note du film: 5/5

Blade Runner est le genre de film intemporel que nous regarderions tout les mois, sans s’en lasser telle l’expérience cinématographique est grandiose ! Un script haletant, des personnages mémorables et un dernier acte en apothéose sublimé par une bande-son et une photographie magnifiques font de cette dystopie l’un des plus grands chefs-d’œuvres de l’Histoire du cinéma.

« Six ! Seven ! Go to hell or go to heaven ! »

ARAYICI Tolga

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