Saint-Avold – Comment intéresser autrement les lycéens à la Première Guerre mondiale ? Au lycée Poncelet, l’Histoire a pris vie cette année grâce à un ambitieux projet mené par Mylène Parisot, professeure d’histoire-géographie, et 49 élèves de Première. Trois réalisations originales mêlant jeu, mémoire et enquête ont permis aux jeunes de s’approprier la bataille de Verdun, en croisant recherches, création artistique et expérience sur le terrain.
Trois projets, trois regards sur Verdun
Dès la rentrée, les élèves se sont engagés dans un parcours inédit : créer un jeu de cartes historique, illustrer le journal intime d’un Poilu naborien, et participer à une course d’orientation sur les hauts lieux de la mémoire à Verdun. Objectif : comprendre la Grande Guerre autrement qu’à travers les manuels, à « hauteur d’homme », en mobilisant l’Histoire avec un grand « H », mais aussi l’histoire et les mémoires locales, les arts, le français et même l’EPS !
Un jeu de cartes pour apprendre en s’amusant
Inspiré du célèbre « Loup Garou », le jeu « La tranchée silencieuse » a été imaginé par 21 élèves de 1ère 1. Cette version propose d’incarner des personnages emblématiques de la Première Guerre mondiale : des poilus, un brancardier, une marraine de guerre, un reporter mais aussi des « boches »… Chaque carte du jeu est le fruit d’une recherche sérieuse menée par les élèves et leur enseignante, rien n’a été laissé au hasard ! Les élèves ont ainsi pris soin de définir précisément les termes historiques, parfois sensibles, comme « boche », afin d’en expliquer la signification et l’usage dans le contexte de l’époque. Les illustrations, réalisées lors d’ateliers avec l’artiste Virgile Bastien, ont donné vie à cet univers. Ce jeu, conçu pour être utilisé en classe avec une visée pédagogique, se veut évolutif avec des extensions sur la bataille de Verdun. De futures versions permettront d’aborder d’autres batailles, comme la Somme sur laquelle l’enseignante travaillera avec une nouvelle classe dès la rentrée prochaine.
Le journal intime de Georges Nicolaÿ, un poilu de Saint-Avold
Parallèlement, 28 élèves de 1ère 5 se sont plongés dans le destin de Georges Nicolaÿ, soldat originaire de Saint-Avold, mort en 1916 peu après la libération du fort de Douaumont qu’il a en partie menée. À partir d’archives familiales, de documents d’époque et d’ouvrages, les élèves ont reconstitué son parcours dans un journal intime illustré, évoquant la vie dans les tranchées, la peur, la camaraderie ou encore les blessures. Les croquis, réalisés avec Virgile Bastien, restituent l’atmosphère du front. Point d’orgue du projet : la remise de ce carnet émouvant à Jean-Marie Beauchesne, petit-fils de Georges Nicolaÿ. Au format numérique sur le site « La Digitale », le carnet se compose de textes imaginés par les élèves à partir de thématiques données, mais aussi de dessins, de photographies. Des podcasts utilisant l’uchronie avec pour consigne « et si Georges Nicolaÿ avait survécu… » ont donné lieu à la réalisation de témoignages fictifs sur l’inauguration de l’Ossuaire de Douaumont par exemple ou encore la rencontre avec sa fille, Claire, née en 1916, la mère de Jean-Marie Beauchesne.
Une dimension familiale et intergénérationnelle
Native de Verdun, Mylène Parisot a elle-même partagé avec ses élèves le parcours de ses propres arrière-grands-pères, eux-mêmes poilus, dont certains ont combattu à Verdun. Ce témoignage personnel a suscité un véritable engouement parmi les jeunes, qui se sont à leur tour lancés dans des recherches au sein de leur famille pour identifier d’éventuels ancêtres ayant également combattu. Ce travail d’enquête familiale a renforcé le lien entre histoire collective et mémoire individuelle, donnant encore plus de sens à leur engagement. Ce travail a porté ses fruits. Ainsi, Maxime, l’un des élèves, a témoigné de ses recherches menées avec son ami Ferdinand. Ensemble, ils ont découvert le destin d’un ancêtre de Ferdinand, tombé lors de la bataille du Mort-Homme, dans l’actuel village détruit de Cumières donnant alors à leur travail une dimension particulièrement émouvante et personnelle. Maxime en témoigne « Ce n’est plus juste une ligne dans un manuel, c’est quelqu’un de la famille ! »
« Verdun Express » : une course d’orientation sur les traces des Poilus
Pour ancrer les apprentissages dans le réel, tous les élèves ont visité le Mémorial de Verdun et ont participé le 22 avril à « Verdun Express », une course d’orientation conçue par Mme Parisot sur le modèle de « Pékin Express ». Munis de différents parcours numériques sur la plateforme « La Digitale », les équipes ont arpenté les sites majeurs de Verdun : fort et cimetière de Douaumont, tranchée des baïonnettes, mémoriaux juif et musulman, villages détruits… Entre énigmes historiques, défis et arrêts mémoriels, la journée s’est achevée par un moment fort sur la tombe de Georges Nicolaÿ à la nécropole nationale de Bevaux.
Une aventure humaine, citoyenne et pédagogique, rendue possible par des soutiens essentiels
Si ce projet a pu voir le jour, c’est aussi grâce à l’engagement et à la générosité de l’équipe du Mémorial de Verdun, et tout particulièrement de Nicolas Czubak et Charles Poisson, tous deux membres du service éducatif du Mémorial, qui ont accompagné les élèves et ont su partager leur passion. L’implication sans faille de certains collègues du lycée Poncelet a également été déterminante : ils ont accompagné les élèves à Verdun et ont participé activement aux séances avec le dessinateur Virgile Bastien, contribuant à faire de cette aventure un véritable projet d’équipe. Certains collègues ont même participé à une version test du « Verdun Express » sur le terrain dès septembre 2024 ! Ce projet a également bénéficié d’un soutien financier du ministère des Armées, via la commission interministérielle de coopération pédagogique (CICP), qui a permettra de réaliser une version imprimée du jeu « La tranchée silencieuse ».
Une reconnaissance départementale et nationale
Point d’orgue de cette année : une restitution officielle du projet a eu lieu au lycée mercredi 11 juin.
À cette occasion, les élèves ont reçu le prix départemental 2025 « Devoir et Mémoire » – catégorie
lycée, décerné par l’ANMONM (Association nationale des membres de l’Ordre national du Mérite),
saluant la qualité et l’originalité de leur travail mémoriel ludique. Les élèves ont pris part avec fierté à
cette restitution, abordant différentes thématiques du projet qu’ils ont présentées au public,
notamment à leurs familles, venues nombreuses pour découvrir leurs réalisations et partager ce moment
de reconnaissance collective. À noter également que ce projet sera prochainement mis à l’honneur dans
un article de la revue nationale « Les Chemins de la Mémoire », une reconnaissance supplémentaire pour
l’engagement des élèves et de l’équipe pédagogique.
Un bilan très positif qui incite à poursuivre l’approche ludique de l’Histoire
Au-delà des connaissances, ce projet a permis aux élèves de s’approprier la mémoire de la Grande
Guerre, de croiser les regards et de donner du sens au devoir de mémoire. « L’approche par le jeu et la
création artistique est un vrai plus : les élèves apprennent tout en s’amusant, et retiennent bien mieux
les notions », confie Mylène Parisot, qui envisage déjà de décliner le concept sur la Révolution française
et la bataille de la Somme, avec une dimension européenne et plurilingue.
Au lycée Poncelet, l’Histoire n’est plus un simple récit : elle se vit, se joue, s’illustre et se
transmet, génération après génération.


