ANNEXE SCIENTIFIQUE – Présentation de la géologie en Lorraine

La région Lorraine offre au géologue une grande diversité de sujets d'étude. Son sous-sol a fait la richesse économique de la région jusqu'à une époque récente, et ce n'est pas par hasard que l'Ecole Nationale Supérieure de Géologie, l'Ecole des Mines de Nancy et un des deux seuls BTS de géologie appliquée en France, sont installés à Nancy.

Le professeur de SVT peut trouver en Lorraine des exemples locaux qui permettent d'aborder avec les élèves la plupart des thèmes des programmes du secondaire : roches et paysages, sédimentation et paéoenvironnements, géodynamique interne, compression et magmatisme, datation, et évidemment les ressources du sous-sol. La géologie étant d'abord une science qui s'apprend sur le terrain, le site géologie du site SVT Lorraine (que vous consultez actuellement) offre aux enseignants des informations très complètes sur les sites utilisables comme support d'enseignement.
Nous allons ici présenter quelques exemples qui sont pour la plupart détaillés dans la base de données.
 

Roches et paysages

Des Hautes Vosges au Plateau lorrain, la grande diversité des paysages lorrains est évidente. Chacun de ces paysages résulte en effet de la combinaison de facteurs pétrographiques, structuraux, climatiques, tectoniques et aussi humains.

Les Hautes Vosges ou Vosges cristallines

 

Granites, gneiss, migmatites y constituent l'essentiel des roches.

Mis en place lors de l’orogenèse hercynienne les granites affleurent largement actuellement. A la fin du Primaire, les massifs granitiques sont déjà fortement arasés et les dépôts secondaires recouvrent une vaste pénéplaine. Au Mio-Pliocène, au moment du soulèvement du massif vosgien, la couverture est décapée. L’érosion enlève environ 1200m de couverture sédimentaire en 35 Ma (3,4cm par siècle). Un climat chaud et humide favorise alors la reprise de l’altération des granites.

La carrière de la graniterie de Senones montre bien les étapes de cette altération : roche saine diaclasée, granite pourri, arène et boules de granite. L’arénisation est particulièrement développée à partir de ce granite à gros grains. En effet, la vulnérabilité d’un granite est fonction de sa structure : un granite à gros grains est plus altérable qu’un granite à petits grains.

Les résidus d’altération ont été déblayés par les glaciers quaternaires dans les vallées, Durant les périodes interglaciaires humides l’arène a pu être entraînée par ruissellement, laissant sur place les boules granitiques entassées en chaos granitique. A l’écart des entailles glaciaires, les Hautes Vosges conservent leur manteau d’arènes qui donnent des reliefs mous caractéristiques des ballons.


Les Basses Vosges ou Vosges gréseuses offrent un autre type de paysages

La couverture sédimentaire n’y est pas entièrement décapée. Les grès et conglomérats du Buntsandstein et par endroits ceux du permien forment une large ceinture de collines boisées autour des Vosges cristallines. Le réseau hydrographique a isolé des massifs (buttes témoins) de forme trapézoïdale, caractéristiques du paysage.

Quelques sites : les environs de St Dié et Raon l’Etape, Le Col du Donon, Pierre Percée, Saint Quirin, Dabo, Epinal, …

Le processus d’altération des grès est comparable à celui des granites. Les feldspaths se transforment en argile, les minéraux ferromagnésiens se décomposent en libérant du fer. Celui-ci forme des oxydes divers qui donnent à la roche un aspect bigarré. L’action du gel sur la désagrégation des grès n’est pas négligeable. Ces processus physiques et chimiques libèrent les grains et fournissent un sable riche en quartz qui s’accumule au pied des pentes.
Le conglomérat principal plus résistant car moins poreux forme des tables en surplomb au dessus des grès.
 

Le rocher de Dabo © Roger Chalot

 

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Le relief de côtes (ou cuesta) caractérise les paysages du Plateau lorrain
 
D'est en ouest, les unités morphologiques et lithologiques s'organisent en une série d'auréoles.
Hattonchâtel représente un bon point de vue sur la côte de Meuse.
 

La côte de Meuse vue d'Hattonchâtel © Roger Chalot
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D'ouest en est :
  • Revers de côte et front de côte boisés. Le sous-sol y est calcaire et le sol peu profond. L’eau est rare en surface car elle s’infiltre facilement.
  • Coteau à pente douce, sur une frange d’éboulis. Dans cette zone sont implantés des vergers, des vignobles. Les villages se serrent au pied du coteau, à proximité de sources importantes, alimentée par l’eau infiltrée sur le plateau.
  • Dépression argileuse humide (Woëvre) où les eaux superficielles se rassemblent et alimentent rivières, étangs ou marécages.
  • L’érosion a préservé quelques buttes témoins calcaires (butte de Montsec, butte de Loupmont), qui confirment une extension plus grande vers l’est des calcaires du plateau avant action de l’érosion.
Une telle disposition se retrouve tout le long des côtes de Bar, de Meuse, de Moselle, moins nettement pour les côtes plus orientales du Lias et du Muschelkalk. Les sites de Toul, Nancy, Sion, Pont à Mousson, Arry, et bien d’autres sont comparables à celui d’Hattonchâtel.
Les coteaux à pelouse calcaire possèdent une microfaune et une flore très particulières, dont de splendides orchidées.
L’origine de ce relief de côte réside dans l’alternance de roches résistantes et perméables, et de roches plus tendres et peu perméables. A cela il faut ajouter un pendage faible des couches vers l’ouest qui introduit une dissymétrie dans le découpage des plateaux calcaires. Le front de côte est en pente forte, alors que le revers de côte descend en pente faible selon le pendage pour s’ennoyer sous la couche argileuse suivante.
 
L’érosion dans les calcaires du plateau peut être aisément observée dans les talus de route et les nombreuses carrières ouvertes pour l'exploitation des calcaires. L’infiltration de l’eau se comprend immédiatement au vu des nombreuses diaclases de la roche. Les phénomènes de dissolution du calcaire associés à la circulation de l’eau, conduisent à la formation d’un karst. Le secteur de Pierre La Treiche illustre bien cette notion : vallées sèches du plateau calcaire, résurgences (La Rochotte, La Deuille), grottes dans la vallée de la Moselle.
La dissolution complète du calcaire laisse sur place une argile de décalcification qui s’accumule dans les fissures et cavités ouvertes par la dissolution. Comme dans l’ancienne carrière de Champ le Bœuf à Laxou.
 

Dissolution et argile de décalcification dans les calcaires
de la carrière de Champ le Bœuf à Laxou © Claudette Didierjean
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Le sentier des Minières à St Pancré conduit le visiteur au sein d’un paléokarst formé depuis l’émersion des calcaires à la fin du Jurassique. Les cavités de ce karst ont la particularité d’avoir piégé des dépôts riches en fer au cours du Tertiaire, le « fer fort » dont l’exploitation a commencé 2000 ans avant notre ère.

Paysages glaciaires dans les Vosges
 
Un type de paysage particulier est celui qu'on façonné les glaciers.
Au cours des périodes glaciaires du quaternaire, les glaciers ont envahi le massif vosgien à plusieurs reprises.
A Noirgueux (au nord de Remiremont) la moraine témoigne de l'avancée maximale du glacier wurmien. Les vallées de la HauteVologne et de la Cleurie sont particulièrement représentatives de la géomorphologie glaciaire.
Sur 15 km, la vallée des Lacs (lac de Retournemer, lac de Longemer, lac de Gérardmer) montre une succession de bassins séparés par des étranglements traduisant l'existence du glacier de la Haute Vologne.
 
Lac de Longemer et vallée de la Vologne © P. Pornet / J-Y. Boulanger
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Successivement d'amont en aval :
  • Au pied du Hohneck les versants couverts de forêt disposés en arc, correspondent à l’ancien cirque glaciaire.
  • La vallée est ensuite barrée par un verrou. Le surcreusement en amont du verrou se traduit par l’existence du petit lac de Retournemer. Le surcreusement s’est fait dans des schistes et grauwackes moins résistants à l’érosion glaciaire que le granite qui forme le verrou.
  • En aval du verrou de Retournemer, le profil en auge est bien visible. Les prairies en tapissent le fond au sous-sol alluvionnaire alors que la forêt occupe les versants à pente forte.
  • Le lac de Longemer qui s’allonge sur près de 2km doit son existence à la moraine abandonnée par le glacier lors de son retrait.
  • Au delà, la vallée tourne vers l’ouest. Elle est barrée par un autre verrou au Saut des Cuves. Le lac de Gérardmer, le plus grand lac des Vosges (115 ha) s’étend lui aussi en amont d’une imposante moraine frontale. Des roches moutonnées et striées sont visibles au Saut des Cuves et sur la rive sud du lac.
  • Plus bas, la tourbière en grande partie comblée du Bas Beillard est située à l’emplacement d’un paléolac.
Sur le versant alsacien du Hohneck, la Vallée de la Wormsa, à pente beaucoup plus forte donne un autre bel exemple de géomorphologie glaciaire et montre la dissymétrie évidente entre les 2 versants des Vosges.
Vue du col des Bagenelles, la vallée la Liepvrette à profil en auge résulte aussi d’une érosion glaciaire. Son tracé étonnamment rectiligne suit la faille de Sainte Marie aux Mines. Elle est creusée dans une bande de gneiss bordée de granites. Relation ici entre structure, nature des roches et érosion.



Sédimentation et paléo environnements

Les grands fleuves du Trias

Ils ont laissé des dépôts qui caractérisent le Trias lorrain : Grès vosgien, Conglomérat principal et Grès à Voltzia du Buntsandstein (Trias). De nombreux sites démonstratifs jalonnent les Vosges : la citadelle de Bitche, le château du Haut Barr (Bas-Rhin), les environs de Saint-Avold et Forbach, les rochers de Walscheid, le rocher de Dabo, la carrière de Niderviller, le col du Donon, le château et le barrage de Pierre Percée, la carrière Collot à Epinal, les environs de Relanges, etc…
Le château de Pierre Percée est perché sur un rocher composé de Grès vosgien couronné de Conglomérat Principal. L’affleurement offre la possibilité de visualiser la sédimentation en trois dimensions. Grès et conglomérats présentent souvent des litages obliques dont l’observation permet de déterminer le sens des paléocourants qui ont transporté sables ou galets, leur inclinaison allant de l'amont vers l'aval. Ces courants venaient de l'ouest ou sud-ouest. Les grains de quartz, de feldspath, les galets, sont donc issus de terrains granitiques ou métamorphiques situés à l’ouest du bassin parisien. Et cela indique clairement que la topographie à l’époque de la sédimentation était complètement différente de la topographie actuelle : les fleuves triasiques coulaient vers une mer située à l’est, la mer germanique. Les Vosges n’étaient pas encore en relief. Ceci n’interviendra que beaucoup plus récemment, à partir du miocène. Les paysages ont donc considérablement changé depuis le Trias !
 
Un des meilleurs affleurements est sans doute celui du Château du Haut Barr situé en Alsace près de Saverne. En outre, le panorama unique sur la plaine d'Alsace et la Forêt Noire le lointain versant oriental du fossé alsacien, symétrique des Vosges, montre l'effondrement lié à la distension qu'a connue la région au Tertiaire.
 
La carrière de Niderviller (est de Sarrebourg) fait affleurer le grès à Voltzia. La disposition en grand en corps lenticulaires gréseux à lentilles argileuses intercalées est particulièrement spectaculaire. Le grès contient des fossiles végétaux (Voltzia, Equisetites). Il existe des niveaux à faune d’eau douce et d’autres à faune marine. Ces indices sont bien utiles à la reconstitution du paléoenvironnement. Le grès à Voltzia correspond à une sédimentation de plaine alluviale qui pouvait parfois être envahie par la mer.
 

Carrière de Niderviller
© Roger Chalot
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L'invasion marine du Muschelkalk
 
La carrière de Héming (au sud de Sarrebourg) illustre cet épisode lui aussi caractéristique du Trias lorrain. Cette vaste carrière exploitée pour la fabrication de ciment expose deux formations du Muschelkalk : le Calcaire à entroques et le Calcaire à Cératites.
Le Calcaire à entroques à la base est un calcaire massif à entroques abondantes appartenant à l'espèce Encrinus liliformis, et à débris coquilliers. La dispersion des articles de crinoïdes après la mort des animaux atteste d'un milieu de sédimentation agité peu profond. Plusieurs intercalations dolomitiques existent correspondant à des épisodes saumâtres au cours de la sédimentation.
Le Calcaire à Cératites marqué, par l’alternance de bancs calcaires et intercalations argilo-marneuses, fossilifères (térébratules, Cératites, …) correspond à un approfondissement du milieu marin.
Ainsi la transgression de la mer germanique annoncée par les derniers niveaux du grès à Voltzia, s’affirme avec ces formations du Muschelkalk. Plus tard cette mer s’étalera vers l’ouest et au Keuper, des dépôts évaporitiques s’y formeront.

La mer à l'Héttangien
 
La géologie des séries jurassiques est complexe car de nombreuses variations de faciès et d’épaisseur existent selon l’intensité de la subsidence, la profondeur du milieu et la distance au rivage.
Les dépôts de l’Hettangien en sont une illustration. La carrière de Hettange-Grande est maintenant une réserve géologique. C’est là qu’a été défini le stratotype de l’Hettangien. Les caractères pétrographiques (richesse en quartz) paléontologiques (lamellibranches, gastéropodes et fossiles végétaux) et sédimentologiques (litages obliques, chenaux) permettent d’affirmer que les dépôts devaient se situer au large de l'embouchure d'un fleuve.
Aux environs de Nancy, ce niveau stratigraphique est représenté par des marnes et calcaires à Gryphées, déposés dans un milieu éloigné du rivage, plus calme et plus profond qu’à Hettange.

Des plateformes marines à récifs coralliens
 
Les conditions bathymétriques et climatiques autorisent le développement de formations récifales au Bajocien et surtout à l’Oxfordien sur de vastes plateformes carbonatée.
Les carrières d'Euville sont assez représentatives. Elles montrent un système récifal de l’Oxfordien, avec différents faciès calcaires :
  • la "Pierre d'Euville", une belle entroquite, dure, résistante au gel, utilisée dans la construction et la statuaire. Anciennes dunes hydrauliques géantes formées de débris de crinoïdes.
  • un calcaire construit ou bioherme. C’est un ancien récif.
  • des calcaires bioclastiques, dans les dépressions interrécifales, à débris coralliens sur la pente du récif.
  • du calcaire crayeux, boue calcaire fine provenant des constructions voisines, déposé en milieu calme à l’abri des récifs et des dunes hydrauliques.
Ces faciès se retrouvent en tout ou partie tout le long de la côte de Meuse : Carrières de Pagny sur Meuse, St Germain sur Meuse, Sorcy, Dompcevrin, Lérouville, Senonville, Dugny. L’affleurement de l’échangeur autoroutier d’Haudainville est particulièrement spectaculaire mais malheureusement d’accès très limité. Il fournit une vue exceptionnelle en trois dimensions de la structure interne et des rapports entre les faciès dans un complexe récifal fossile. L'histoire de la croissance des récifs peut être entièrement retracée.

Les constructions récifales du Bajocien, sont bien exposées à Malancourt-La-Montagne. Le front de taille y montre de petits biohermes. Des calcaires bioclastiques occupent les dépressions interrécifales et recouvrent les récifs.
D’autres affleurements de cette époque sont visibles tout le long de la côte de Moselle. Des calcaires oolithiques y complètent le cortège des sédiments de mer chaude et peu profonde, déjà cités plus haut à propos de Euville. Citons les carrières de St Privat-Roncourt (à oolithe de Jaumont), Lorry-Mardigny, Bainville-sur-Madon, Viterne, Champ Le Bœuf à Laxou et les rocades de Nancy ouest.

Entre ces périodes de sédimentation carbonatée, ont existé de longues périodes de dépôt de matériel terrigène, en milieu calme plus profond. C’est par exemple le cas des argilites de la Woëvre, à Ammonites.
 

La géodynamique interne : convergence et distension, magmatisme et métamorphisme

Le magmatisme sous ses différentes expressions et le métamorphisme dans le massif des Vosges sont liés à l'orogenèse hercynienne.

Dans le nord du massif, au nord de la zone broyée Lalaye-Lubine, les volcanites d’âge dévono-dinantien (Massif du Rabodeau, massif du Champ du Feu) ont des caractères proches de ceux du volcanisme des zones de convergence actuelles.
La carrière de trapp de Raon l’Etape illustre un aspect remarquable du volcanisme.
Le trapp est une roche de composition basaltique ou andésitique, à phénocristaux de feldspath et pyroxène et mésostase recristallisée. Formé de tufs et brèches, il a un caractère pyroclastique marqué.
L’intrusion du granite de Raon métamorphise ce trapp et lui confère des caractéristiques physiques qui en font un granulat très résistant utilisé dans les enrobés et les ballasts (TGV notamment).
La carrière permet d’observer une discordance angulaire entre les bancs de trapp redressés à la verticale par la tectonique hercynienne et les dépôts détritiques du Permien.
 
Le plutonisme est caractérisé par divers granitoïdes intrusifs : granite du Champ du Feu, granite de Senones, granite de Natzwiller, granodiorite de Saint Jean d’Ormont, diorites et granodiorites du Champ du Feu. Des analogies avec les plutons du massif andin ont suggéré que ces formations sont liées à une subduction d’âge viséen, puis à une collision continentale plus tardive.
Les plutons de la bordure sud du Champ du Feu (granites du Hohwald et d’Andlau) sont à l’origine du métamorphisme thermique des schistes de Villé. Leur étude par Rosenbuch en 1877 est à l’origine du concept de métamorphisme de contact. La vallée de l’Andlau sur le versant alsacien permet un travail de terrain intéressant sur ce thème.
La carrière de granite de Senones. Le granite de Senones est un granite porphyroïde à feldspath potassique, plagioclases, quartz, biotite et amphibole, intrusif. Deux variétés de coloration y sont distinguées, dues à l’altération hydrothermale différente des ferromagnésiens et feldspaths.
Cette carrière fournit aussi un très bon support d’étude de l’altération d’un granite (signalé plus haut).


Dans la partie moyenne et sud du massif, les formations métamorphiques sont particulièrement développées : gneiss, migmatites (migmatites de Gerbépal) allant jusqu’à l’anatexie. Elles sont associées à des granitoïdes d’origine mantellique (granite des Crêtes, monzogranites des Ballons) et/ou crustale (granites de Remiremont, d’Epinal, du Tholy). L’anatexie y est contemporaine de la formation de nappes de charriage, au Carbonifère moyen. Les phénomènes qui ont eu lieu dans cette partie des Vosges seraient comparables à ceux de la collision dans l’Himalaya.

La carrière d’Arrentès de Corcieux fait affleurer la migmatite de Gerbépal et le granite de Remiremont.
 

Migmatite de Gerbépal
© Roger Chalot
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Les migmatites de Gerbépal associent une partie gneissique et une partie granitique en filonnets anastomosés. On note aussi la présence de cordiérite. Les filonnets représentent une fraction de la partie gneissique qui a fondu. La cordiérite a valeur de restite, c'est-à-dire de résidu réfractaire.
Le granite de Remiremont est un leucogranite à grain fin, intrusif dans la migmatite.
Les carrières de Barbey-Seroux ont exploité un granite qui a la particularité de présenter une structure planaire soulignée par l'orientation préférentielle de grands phénocristaux d'orthose. Ceux-ci n'étant pas déformés, leur orientation a pris naissance dans un matériau à l'état fondu.
Il s'agirait d'un granite « syncinématique » c'est-à-dire contemporain d'une importante phase de charriage impliquant des couches profondes de la lithosphère, datant d'au moins 340Ma.
 
Les déformations des roches apportent d'autres indices de convergence à l'ère primaire. Quelques-uns ont été évoqués plus haut.
Le site de la ferme du Treh (68), près du Markstein, à l'ouest de la route des crêtes, mérite une attention particulière. En effet, il montre le chevauchement de la série du Markstein sur la série d'Oderen. Le chevauchement est jalonné d'écailles de gneiss et serpentine, appartenant à la croûte continentale.
Les schistes et grauwackes de la série du Markstein, d'âge viséen correspondent à une sédimentation rythmique de type flysch, déposée dans un bassin marin parsemé d'îles volcaniques, en bordure d'une chaîne en surrection. Des plis y sont visibles.
Plis et chevauchement sont dus aux phases successives de compression nord-sud postérieures au Carbonifère inférieur, qui ont mis en relief la chaîne hercynienne.

Les manifestations de la convergence à l'ère primaire sont donc nombreuses dans les Vosges cristallines. Qu'en est-il de la distension ? En Lorraine il n'est pas possible de trouver des indices pertinents. Les quelques affleurements de péridotites (Flaconnières, Champdray, Col des Bagenelles) du fait de la présence de grenats de haute pression font attribuer ces roches au manteau sous continental, et non à une lithosphère océanique. Il y a bien les restes d'un volcan andésitique éocène à Thélod et d'un volcan basaltique oligocène à Essey-la-Côte. Leur relation avec la tectonique en distension du tertiaire est possible mais pas évidente !
Il faut passer sur le versant alsacien pour avoir des arguments indéniables. Depuis les crêtes des Vosges on peut toutefois avancer des arguments en s'appuyant sur la topographie.



La géologie et l'homme

Les ressources du sous-sol lorrain ont été à l'origine de la richesse économique de la région jusqu'à une époque récente : charbon, fer, sel, minerais de cuivre ou d'argent. Mais le sous sol lorrain c'est aussi des aquifères et le pourvoyeur d'une grande diversité de matériaux de construction.

Le charbon
 
Première concession en 1746. L’exploitation a cessé en 2004 avec la fermeture du puits de La Houve près de Creutzwald.
Le bassin houiller lorrain est indissociable du bassin sarrois qu’il prolonge vers le sud-ouest. Mais alors que les formations houillères affleurent en Sarre, en France elles sont entièrement recouvertes par les mort-terrains gréseux du Trias.
Les formations houillères se sont accumulées au Carbonifère supérieur dans des bassins intramontagneux fortement subsidents de la chaîne hercynienne, entre les massifs du Hunsrück au nord et des Vosges au sud.
Les veines de charbon sont intercalées dans du matériel terrigène au sein de séquences qui se répètent un très grand nombre de fois. Conglomérat, grès, schistes de ces séquences proviennent du démantèlement des reliefs hercyniens voisins. Les veines de charbon formées par l’accumulation de débris végétaux ne forment, après compaction et diagenèse, que des couches de quelques centimètres à quelques mètres. L’épaisseur totale des dépôts atteint 5000m.
Les couches sont plissées et faillées. Le pendage et l’épaisseur d’une veine déterminent la technique d’exploitation utilisée.
Le Musée de Petite-Rosselle montre trois types de chantiers miniers souterrains, en plateures, en dressants ou en semi-dressants.
Les galeries abandonnées sont progressivement remblayées avec du sable provenant du concassage de grès vosgien et avec les stériles.
 
Le fer
 
L’industrie du fer en Lorraine date au moins de l’époque gallo-romaine. En 1993, la dernière mine ferme ses portes.
Le bassin ferrifère lorrain comprend le bassin de Briey, le plus important, et le bassin de Nancy. Le minerai de fer s'est formé à l'Aalénien (début du Jurassique moyen). Il est très pauvre en fer (30% à 32% pour être exploitable), et a reçu de ce fait le qualificatif de "minette" (diminutif du mot "mine").
La minette est une roche sédimentaire formée de petits corps ferrugineux ovoïdes, appelés "oolithes", liés par un ciment carbonaté ou par une matrice chloriteuse. Le minerai est donc une arénite ferrugineuse qui va d'une composition calcaire à une composition silicatée.
Le fer aurait son origine dans l'évolution pédogénétique qui s'est produite sur les terres émergées en bordure nord de la mer du Jurassique inférieur et a amené à la concentration du fer dans les formations résiduelles. Sa mobilisation a eu lieu à l’Aalénien. Sa précipitation et sa concentration dans les sédiments résultent des activités biologiques notamment de bactéries.
Les exploitations ont été de trois types : à ciel ouvert, en galeries, ou à partir de puits. Des témoignages de ces exploitations sont visibles sur les sites de Neufchef et Aumetz gérés par l’Ecomusée des Mines de fer de Lorraine, ainsi qu’au Val de Fer à Neuves-Maisons.

L’arrêt de l’exploitation minière se traduit par l’effondrement des galeries qui ont des conséquences sur l’habitat et aussi sur la circulation des eaux.

Les minerais de cuivre, d'argent, de plomb
 
Ils ne sont plus exploités aujourd’hui en Lorraine. Des musées consacrent des expositions à l’histoire de cette exploitation et/ou proposent des visites d’anciennes exploitations : Le Thillot, La Croix aux Mines, Sainte Marie aux Mines (68), Giromagny (90).

Le sel
 
L’exploitation du sel dans la vallée de la Seille remonte à l’Antiquité. La présence de sel gemme à faible profondeur se traduit par l’existence de sources salées et le développement de mares salées à végétation halophile notamment aux environs de Marsal. Le sel extrait de saumures par évaporation a fait la prospérité de Marsal pendant plusieurs siècles.
Mais c’est dans la vallée de la Meurthe que s’est développée une industrie chimique à partir du 19ème siècle (mine de Varangéville en 1855, puis saline de Einville en 1872).
Le gisement salifère du Keuper comprend des couches de sel gemme associées à du gypse et de l’anhydrite, alternant avec des couches argileuses. Trois secteurs : Sarralbe, Dieuze, Dombasle. L’exploitation est faite de deux façons : par abattage direct dans les galeries de la mine à Varangéville, seule mine de sel de France ; par dissolution en profondeur et pompage.
L’exploitation du sel a par ailleurs contribué à modifier les paysages, par l’installation d’un grand complexe chimique à Dombasle associé à des bassins de décantation implantés dans la vallée de la Meurthe. Et l’extraction du sel par dissolution se traduit en surface par des entonnoirs d’effondrement (plateau de Haraucourt).
Le Musée du sel de Marsal est dédié au sel lorrain et à l’histoire du Saulnois.

L'eau

Du fait de la superposition de roches imperméables et de roches perméables, le sous-sol lorrain possède de nombreux aquifères. Aquifères de perméabilité différente : perméabilité d’interstices pour les grès et arènes, perméabilité de fissure pour les calcaires et roches magmatiques.

Les grès vosgiens constituent le réservoir le plus important d’eaux souterraines. Les précipitations tombées sur les Vosges s’infiltrent par toute la surface d’affleurement des grès et circulent dans la roche à une vitesse de l’ordre de 10m par an, en suivant le pendage des couches. La minéralisation de l’eau croît vers l’ouest et aussi sa température. Exploitée comme ressource d’eau potable dans l’est de la Lorraine, elle l’est comme eau thermale à Nancy (37° à 800m), Amnéville (41° à 900m). Les débits d’exploitation comparés aux vitesses de circulation dans l’aquifère posent le problème du renouvellement de la ressource.

Les sources d’eaux minérales et thermales de Plombières-les-Bains et Bains-les-Bains quant à elles sont issues des massifs granitiques. Elles émergent le long de grandes failles qui découpent le socle granitique.
Les usines de Vittel exploitent les aquifères du Muschelkalk. L’eau des nappes est recueillie soit par forage soit par écoulement artésien.

L’eau est aussi source d’énergie. La force de l’eau a été utilisée dans les vallées vosgiennes pour fournir de l’électricité aux usines textiles, grâce à des dizaines de petites centrales.
Signalons enfin le réservoir de Pierre Percée, destiné à maintenir un débit suffisant dans la Moselle en période d’étiage pour permettre le refroidissement des circuits d’eau à la centrale de Cattenom.

Le stockage souterrain

A Cerville 1500 millions de m3 de gaz soit l'équivalent de 3 mois de consommation régionale sont stockés dans les grès du Buntsandstein et Muschelkalk, à plus de 470m de profondeur. A cet endroit, la couverture sédimentaire forme un dôme anticlinal à très grand rayon qui permet d’emprisonner le gaz injecté, dans les grès poreux sous les argilites du Muschelkalk et du Keuper.

Le laboratoire de l’ANDRA à Bure étudie comment stocker des déchets radioactifs dans le sous-sol. Les roches qui pourraient accueillir les déchets nucléaires sont des argilites du Callovo-Oxfordien. Le site peut être visité par des classes.

Les matériaux de construction
 
Outre les roches utilisées comme pierre de taille (l’entroquite, le grès vosgien, les divers granites), le sous-sol lorrain fournit aussi les matières premières pour la fabrication du ciment (Héming), de la chaux (Dugny), et des granulats pour les enrobés et le bâtiment. Il faut citer aussi les grouines, ou grèzes, éboulis fins formés sous climat périglaciaire.
Dans les vallées de la Meurthe, de la Moselle et de la Meuse notamment, de nombreuses gravières exploitent les alluvions. Leur réaménagement après exploitation en étangs pour la pêche et les loisirs ou en zone de nidification pour les oiseaux (Mouzay) montre que l’homme n’a pas que des actions totalement négatives sur son environnement.
Le Centre de Géologie de St Amé-Le Syndicat (Terrae Genesis) consacre l’un de ses quatre départements à l'histoire du granite et à l'aventure des gens du granite dans les Vosges.

La sismicité
Des séismes secouent de temps à autre le sud de la Lorraine : séisme historique de Remiremont en 1682, et plus récemment, séismes d’Eloyes en 1984, de Rambervillers-St Dié du 22 février 2003.
Dans cette zone sismique, des accidents cisaillants N0-SE jouent en décrochements sénestres sous l’effet de la compression alpine. Ils sont certainement installés sur des zones de faiblesse hercyniennes préexistantes.

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Quelques références bibliographiques sur la géologie régionale :

- « Géologie en Lorraine » de B. et C. Haguenauer (1980),
- Guides géologiques régionaux Vosges-Alsace (1984) et Lorraine-Champagne (1979),
- Livrets d'excursion du congrès APBG Lorraine (1994),
- Guide Pédagogique – Géologie – du PNR des Ballons des Vosges (à paraître)
 

Voir également :


Auteur : Roger CHALOT
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