Exploitation du Granite de Remiremont : 3. Description
Le Granite de Remiremont
Ce granite tardif qui recoupe les Migmatites de Gerbépal affleure dans une large bande (10 km x 40 km) orientée SO-NE depuis Faymont-Val d'Ajol au SO de la Carte Géologique BRGM (n° 376) de Remiremont qu'il traverse en diagonale ; il occupe le coin SE de la Carte Géologique BRGM (n° 340) de Bruyères puis disparaît dans la région de Corcieux à l'ouest de la Carte Géologique BRGM (n° 341) de Gérardmer.
Bien que masqués par la couverture sédimentaire secondaire (Grès du Trias) et les abondantes formations superficielles glaciaires et fluviatiles, les contours du massif granitique peuvent être approximativement dessinés (fig.6).
Fig. 6: Extension des affleurements connus de Granite de Remiremont (pointillés noirs - © Infoterre BRGM modifié)
La région de Remiremont, à la faveur de la confluence des deux vallées glaciaires de la Moselle et de la Moselotte, concentre les affleurements de ce granite les plus étendus.
Le Granite de Remiremont est une roche grenue, gris clair, isogranulaire ou saccharoïde (fig.7). Ce grain fin et régulier de la roche la rendait ainsi plus facile à débiter et lui conférait des propriétés mécaniques propres à la réalisation de bordures et de pavés. Très peu de filons recoupent ce granite, autre facteur favorable à son exploitation. (Vincent, 1977)
Les minéraux qui constituent la roche sont (valeurs moyennes) le quartz interstitiel (26%), le feldspath potassique (23%), le feldspath plagioclase (43%), la biotite (5%) et la muscovite (3%) - voir la position du granite de Remiremont dans le diagramme de Streckeisen : ICI. Quelques petites cocardes de tourmaline ou plus fréquement des taches diffuses de pinite (cordiérite) peuvent être localement observées dans certains faciès (fig.8).
Il est également possible d'observer et d'échantillonner ce granite tout au nord de sa zone d'extension à l'entrée de la carrière des Arrentès-de-Corcieux (voir fiche Migmatite de Gerbépal et granite de Remiremont)
Fig. 7: Le Granite de Remiremont: une roche grenue, claire, à grain fin.
Fig. 8: Différents faciès du Granite de Remiremont plus ou moins altérés, certains (au-dessus de la réglette) avec des taches diffuses de pinite (cordiérite).
Ce granite appartient à la famille des granites peralumineux d'origine anatectique (type S ou CPG = voir la classification des granites).
C'est un des leucogranites tardifs, mis en place au Carbonifère (330-325 Ma), dans les Vosges moyennes lors des phases terminales de l'orogenèse hercynienne ou varisque (Tabaud 2012).
L'exploitation du granite de Remiremont
Les Grandes Carrières de Saint-Amé (fig.9a et 11) et de Plaine-Cleurie sur la commune de Julienrupt (fig.9b et 12) ouvertes à flanc de montagne, entre 600 et 700 m d'altitude, exploitaient le granite local ou "Granite de Remiremont".
Fig. 9a et 9b: Cartes postales anciennes montrant les sites d'exploitation ouverts à flanc de montagne (Grandes Carrières de St-Amé à gauche = 9a et carrières de Plaine-Cleurie à droite = 9b) surtout visibles par l'importance de leurs accumulations de déblais.
Ces carrières dominaient les vallées glacaires de la Moselotte (fig.10) et de son affluent en rive droite, la Cleurie. Aujourd'hui, l'ancien accès aux Grandes Carrières, marqué par un abri en bois (fig.13), est aménagé en belvédère avec une ballustrade, d'où l'on peut apprécier le panorama sur ces vallées, la confluence Moselotte-Moselle et les reliefs alentours (voir aussi fiche "Sommet de Chèvre-Roche").
Fig. 10: Les Grandes Carrières dominent la vallée de la Moselotte de plus de 200m (vue vers le sud-est) - cliquer sur l'image pour obtenir une vue légendée.
L'activité de production de pavés en granite a débuté vers 1870 et s'est poursuivie de façon quasi industrielle jusqu'en 1930 avant de progressivement décliner.
Ces pavés en pierre dure étaient destinés à progressivement remplacer les pavés en bois pré-existants (pourtant plus faciles à fabriquer, agencer, et plus silencieux, mais emportés aussi plus facilement lors des crues, comme celle la Seine en 1910 par exemple...). Une grande partie des pavés de la capitale (70%) sont d'origine vosgienne.
Fig. 11: Carte postale ancienne illustrant l'activité des Grandes Carrières de St-Amé.
Fig. 12: Illustrations anciennes montrant l'exploitation intensive pratiquée au siècle dernier à Plaine-Cleurie (commune de Julienrupt).
Les fronts de taille sont aujourd'hui pratiquement inaccessibles car totalement recolonisés par la végétation (fig.13), particulièrement à Plaine-Cleurie.
Fig. 13: Site des Grandes Carrières de St-Amé en juillet 2021
Fig. 14: Les fronts de taille sont souvent confondus avec les grands miroirs des diaclases verticales qui recoupent le granite (ici à la Carrière de St-Amé). La hauteur des fronts de taille donne une idée des volumes dépilés et de l'intensive exploitation de ce granite.
Fig. 15: Plans des diaclases principales subverticales recoupant le granite et orientées Nord-Sud (chemin d'accès aux Grandes Carrières de St-Amé).
Les traces les plus évidentes de cette exploitation "industrielle" se manifestent dans les amas considérables de débris occasionnés par le débitage des blocs. Ces accumulations constituent de véritables pierriers que la végétation ne peut recoloniser (pierres mobiles + angle des pentes voisin de 40°) les rendant ainsi visibles dans le paysage (fig. 9a et b, fig.16 a et b).
Fig. 16 a et b: Déblais accumulés par l'exploitation aux Grandes Carrières de St-Amé à gauche = 16a (vue plongeante vers le sud) et à Plaine-Cleurie à droite = 16b (vue en contre plongée).
À Plaine-Cleurie, les quantités de débris accumulés étaient tellement importantes que des tunnels les traversaient et permettaient l'accès pérenne aux front de taille des carrières (fig.17).
Fig. 17: Tunnels artificiels traversant les accumulations de débris à Plaine-Cleurie ; le sommet constituait la rampe d'accès à la partie supérieure de la carrière.
Les carrières produisaient essentiellement des pavés (fig.18) et des bordures ; celles-ci employaient plusieurs milliers d'ouvriers à la fin du XIXième et au début du XXième siècle. Cette intensive exploitation s'est progressivement ralentie avant de complètement cesser durant la seconde moitié du XXième siècle lorsque les pavés ont progressivement été remplacés par des enrobés (moins bruyants, nécessitant surtout moins de main d'oeuvre pour leur installation...).
Les pavés étaient expédiés par le chemin de fer depuis le "quai aux pavés" installé à la Gare de Peccavillers (= Gare du Syndicat et de St-Amé), site occupé de nos jours par le musée et centre de géologie Terrae-Genesis (fig.18).
Fig. 18: Ancien "quai aux pavés" en bordure de la ligne de chemin de fer à Peccavillers (commune du Syndicat), site de l'actuel musée Terrae-Genesis
Sur le site de Plaine-Cleurie, un sentier pédagogique illustre et explique la vie, le travail et l'utilisation des outils des carriers au siècle dernier (fig.19).
Fig. 19: Panneaux du sentier pédagogique mis en place à Plaine-Cleurie.
L'exploitation de ce granite, réduite aujourd'hui, se concentre dans une grande carrière ouverte au niveau du fond de la vallée (fig.20). Le granite est à cet endroit intensément fracturé, recoupé par des failles, ce qui facilite son exploitation. La carrière ne fournit pas des gros blocs d'un granite de qualité utilisable par les granitiers mais des blocs anguleux pour enrochements ainsi que des granulats. Elle est exploitée à ces fins par la société Sagram (Voir coordonnées plus haut).
Fig. 20: Grande carrière actuelle ouverte au fond de la vallée au lieu-dit "les Beheux" (observer l'intense fracturation du Granite de Remiremont à ce niveau structural).
Eléments de bibliographie:
Delangle C., Decobecq D. et Deschamps M. (2016) - Vosges - coll. Guides géologiques - Omnisciences - Terrae genesis - BRGM éd. - 258 pages.
Tabaud A.S. (2012) - Le magmatisme des Vosges : Conséquence des subductions paléozoïques (datation, pétrologie, géochimie, ASM). Thèse de Doctorat, Université de Strasbourg, EOST, 231 pages.
Vincent P.L. (1977) - Relance de l'industrie d'extration des granites dans le Département des Vosges. Recherches de pierres ornementales. 1er Inventaire. Rapport du BRGM, 277 pages.