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Sel de Sarralbe : 3. Description

1) LES DONNÉES HISTORIQUES

Tableau synoptique des activités liées à l'exploitation du gisement de sel du Muschelkalk.

On notera que le point de départ de cette exploitation se situe dans la détermination d'un homme, JG de THON qui avait acquis le site des anciennes installations de Salzbronn. En 1826, une première tentative de sondage à une profondeur de 55 mètres avait permis de récupérer une saumure nécessitant encore des opérations de graduation. En 1829, fut entrepris le forage décisif qui permit la découverte à 220 mètres de profondeur du gisement de sel du Muschelkalk moyen. Jusqu'à cette date on considérait que les eaux salées provenaient des marnes du Keuper affleurant en rive gauche de la Sarre et qu'elles appartenaient par conséquent au même gisement que celui exploité en Lorraine centrale (voir le log stratigraphique de Lorraine).

2) LES SITES ACTUELS (données de terrain)

SALZBRONN

Le petit village de Salzbronn jouxte Sarralbe à l'est (Départementale 38). Du site historique d'exploitation du sel (3 points mauves sur la carte de localisation), ne subsistent que de rares vestiges situés pour la plupart, en domaine privé : les restes du mur d'enceinte des salines, un jardin arboré où existe un captage de source minérale, un remblai de voie de chemin de fer en direction du sud. Des étendues d'eau aux alentours soulignent la présence d'une nappe phréatique peu profonde au sein des alluvions du lit majeur de la Sarre.

SARRALBE

 

Rue du Canal : vue depuis le nord sur le site des installations des anciennes soudières de Sarralbe. Au premier plan, le Canal des Houillères. Au second plan, à droite, une ancienne cheminée en briques ayant appartenu à un four à chaux. Le bâtiment blanc à toit rouge et sa cheminée correspondent à des installations plus récentes en rapport avec la reconversion du site. A l'arrière, sur la gauche, la ligne de chemin de fer et une butte boisée qui marque l'extrémité sud des bassins de décantation.

Rue Ernest Solvay : vue depuis le Canal et la piste cyclable sur l'extrémité sud de l'ancienne soudière. Les bâtiments en briques correspondent à des entrepôts de séchage du carbonate de soude.

Le Musée du Pays d'Albe (40 rue Georges Clemenceau) présente quelques documents relatifs à l'exploitation : photographies, carottes de sel, des échantillons de sel obtenus après traitement des saumures, ainsi qu'un tuyau en bois de saumoduc et une pelle de saunier.

LE HARAS

Le Haras, ancien siège d'exploitation d'un gisement de sel à présent abandonné, appartient au domaine privé. Situé au sud de Sarralbe, il n'est pas visitable.

LES SONDAGES

Au nord-ouest de Sarralbe, dans la forêt Saint-Hubert (parking à proximité de la Maison Forestière), ont été pratiquées deux séries de sondages appelées piste 100 et piste 200 (rangées de points mauves sur la carte de localisation). Ces forages étaient destinés à fournir la saumure nécessaire à la soudière. Les pistes sont distantes de 300 mètres, les puits de forage y sont espacés de 50 mètres et suivent les couches dont le pendage remonte en direction de Willerwald (relèvement de l'axe du synclinal de Sarreguemines vers le nord-est). La technique d'exploitation est exposée de façon détaillée dans l'annexe scientifique de ce site : le sel à l'intérieur des terres (guide des excursions APBG1994). L'emplacement de ces pistes est matérialisé à l'heure actuelle par deux bandes rectilignes plantées d'épicéas que longe le chemin forestier. Ce parcours fait partie d'un circuit de randonnée pédestre appelé "Sentier des mardelles".

Alors que l'exploitation n'a guère laissé de traces facilement observables en surface (voir aussi l'article cité en Annexe 2), plusieurs mardelles sont présentes dans le secteur. L'origine de ces dépressions qui existent dans d'autres endroits de la région reste encore discutée.

LES ANCIENS BASSINS DE DÉCANTATION

Le prolongement de la rue du Canal longe le rebord nord des anciens bassins de décantation. La photo est prise depuis le chemin qui, après franchissement du Canal, donne accès à l'ancien terrain de camping (en bord de Sarre). Vue sur la Niederau et sur Sarralbe depuis le nord-est. La bande de terrain en relief, sur la droite de l'image, constitue le rebord des anciens bassins de décantation de la soudière. Ils sont colonisés progressivement par une végétation comprenant pour l'essentiel du bouleau. Au pied du talus, une étendue occupée par une phragmitaie, recèle par endroits, au niveau des canaux de drainage, des plantes indicatrices de milieux salés. (Aster tripolium, Puccinelia distans, Spergularia salina, etc...)

Rebord sud des anciens bassins de décantation (détail) depuis le chemin rural menant à la Niederau (pointillé marron sur la carte de localisation, noté "Accès"). L'accès est possible, à pied, depuis la rue Ernest Solvay en franchissant la passerelle sur le Canal des Houillères. On rejoint alors le chemin rural qui longe la Sarre en rive gauche et passe sous un pont de chemin de fer. Des dépôts hétérogènes de matériel blanc solidifié sont visibles dans le talus colonisé par la végétation.

La fabrication de "soude" (carbonate de sodium) donne un certain nombre de sous produits qui n'ont pas trouvé de débouché significatif. Ils sont désignés sous le nom de "blancs de soudière" et contiennent du chlorure de calcium ... La réutilisation conjointe de mâchefer provenant de la combustion du charbon et de calcaire pour l'édification de digues a permis l'installation de ces bassins de décantation et filtration d'eaux résiduaires. Deux vastes ensembles situés de part et d'autre du Canal des Houillères au nord-est de Sarralbe ont reçu ainsi quelques 4,8 millions de mètres-cubes de blancs. Ils marquent désormais le paysage de la plaine alluviale de la Sarre. L'accès à ces terrains est interdit en raison de l'état instable des sols. L'image aérienne fournit une approche de ce milieu particulier qui fait l'objet d'un programme de remise en végétation. Les eaux superficielles font l'objet d'une surveillance (BASOL).

LE CANAL DES HOUILLÈRES DE LA SARRE

Longtemps à l'état de projet, le Canal des Houillères n'a été achevé qu'en 1866, précédant de peu son concurrent le train. Il relie la Sarre navigable à partir de Sarreguemines au Canal de la Marne au Rhin (Etang de Gondrexange). Un projet de liaison avec les salines de Dieuze n'a pas abouti. Le canal a servi au transport du charbon, des matériaux de construction et de produits agricoles. Son activité a décliné à partir des années soixante. Une activité sous forme de tourisme fluvial a pris le relais. Il est désigné à présent sous le nom de Canal de la Sarre.

A l'ouest de Sarralbe, le passage du canal a nécessité la construction d'un ouvrage de franchissement de l'Albe, un affluent de la Sarre. Ce pont-canal peut être visité en empruntant la rue du cimetière.

3) LES ARCHIVES GÉOLOGIQUES : les données des forages

Stratigraphie du gisement et contexte sédimentaire

Les nombreux forages pratiqués dans le secteur ont permis de connaître à la fois l'extension et la composition des couches de sel. Elles datent de l'Anisien et se développent au sein des Couches grises du Muschelkalk moyen (voir le log stratigraphique de Lorraine). Ces dernières comprennent des marnes et des bancs dolomitiques accompagnés de lentilles d'évaporites (gypse ou anhydrite, sel gemme). La coupe ci-dessous, obtenue d'après les résultats du forage Haras 1 permet de préciser les caractéristiques de ce dépôt entre les profondeurs -206,7 et -241 mètres. (données disponibles sur Infoterre BRGM / voir en Annexe 2).

Dans ce forage, le sel occupe une épaisseur cumulée de 8,6 mètres, la totalité de l'horizon salifère, toutes roches confondues, fait 12 mètres - en d'autres endroits, il peut représenter 16 à 22 mètres d'épaisseur pour une formation allant de 20 à 25 mètres.

Encadré de part et d'autre de marnes gypsifères qui témoignent d'un premier confinement d'eaux hyperminéralisées en milieu lagunaire, la sédimentation saline s'est réalisée au cours d'une période particulièrement propice. Il est admis que le dépôt d'une épaisseur importante de halite nécessite un réapprovisionnement de la lagune en eaux marines et un taux d'évaporation élevé. La réalimentation des lagunes salifères du bassin germanique s'est opérée avec la Téthys dans la partie orientale (seuil de Silésie-Moravie et seuil Carpathe).

A plusieurs reprises, le processus de précipitation est néanmoins interrompu par l'apparition de fines couches de marnes et de gypse qui témoignent de l'existence de phénomènes cycliques. Les eaux concentrées en chlorures sont momentanément diluées par l'arrivée d'eaux moins saumâtres chargées de particules détritiques qui interrompent la précipitation de sel. Certaines de ces séquences semblent même débuter par une phase légèrement érosive (plaquettes de sel noyées dans les marnes). L'origine serait attribuée à des épisodes pluvieux qui ont amené via des cours d'eau temporaires des eaux douces et des sédiments en partie étalés sur la plaine côtière.

La couleur dominante est le gris ou le noir, signes d'un milieu peu oxygéné. La lagune était majoritairement sous eau, ce qui n'a pas été le cas pour le dépôt des Marnes bariolées présentes sous la formation salifère. Toutefois, des niveaux de couleur rouge existent et traduisent une exposition du matériau à l'air. Dans ce cas, l'apport de particules sous forme de poussières emportées par le vent n'est pas à exclure.

Géométrie du gisement

La formation salifère se trouve au sein des Couches grises qui font partie du Muschelkalk moyen (Anisien). Les forages de recherche ont montré que l'épaisseur des couches de sel diminue rapidement vers l'est et le nord de Sarralbe.

Dans le secteur de Sarralbe, les couches appartiennent au flanc sud du synclinal de Sarreguemines et présentent un pendage général orienté vers le nord-ouest. L'observation en détail des altitudes du toit du sel et des couches associées (Calcaire à entroques) montre parfois des variations brusques de profondeur qui évoquent l'existence de failles (il en est ainsi de l'extrémité nord du champ d'exploitation du Haras et de la partie occidentale du gisement de Sarralbe). Les compte-rendus des forages signalent par ailleurs l'existence de zones fissurées (Schopperten) et la présence de saumures au sommet de la formation dans divers secteurs. La combinaison de ces éléments expliquerait la présence des sources salées au cœur du synclinal. Les eaux de surface s'infiltrent dans les parties élevées des flancs du synclinal puis remontent chargées en minéraux dans la zone axiale à la faveur de tels accidents. A Salzbronn, une source à débit artésien issue du Muschelkalk supérieur a ainsi jailli prématurément lors d'un forage de recherche de sel.


Auteur : Etienne FEUCHTER - Date de création : 06/11/2009 - Dernière modification : 22/06/2012

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