Carrière souterraine d'anhydrite d'Helling : 3. Description
1. Description des affleurements
Les bancs d'anhydrite constituent des strates à la base des Argiles de Chanville (1), formation de la partie supérieure du Keuper moyen (fig.5), aisément identifiables grâce à leur couleur brun-rouge caractéristique (fig.6).
Fig. 5 : Place des Argiles de Chanville supérieures dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM - modifié)
L'intérêt du site est limité du fait du peu d'affleurements disponibles. L'observation des couches d'anhydrite dans les galeries (fig.8) étant devenue impossible depuis leur fermeture, il faut se contenter d'affleurements dans les talus alentours ou le long des anciens fronts de tailles à ciel ouvert mitoyens (fig.9). En effet, l'exploitation se faisait en galeries de mine et les deux entrées qui s'ouvraient au fond de deux longues et profondes tranchées en Y dans les Argiles de Chanville sont maintenant murées (fig.6 et fig.7).
Fig. 6 : Entrées de la galerie sud-est
Les seuls affleurements d'anhydrite accessibles et observables en place (fig.9) se situent dans la paroi au fond des tranchées de part et d'autre de l'entrée des galeries murées (fig.6 et fig.7) mais ils ne sont pas négligeables car l'anhydrite est très rarement observée en surface du fait de sa transformation en gypse en conditions humides.
Fig. 7 : Entrée de la galerie nord-est. Les affleurements d'anhydrite se situent de part et d'autre de la grille qui ferme l'entrée de la galerie.
2. Exploitation et utilisation de l'anhydrite
L'anhydrite est une roche évaporitique (cf. annexes scientifiques). Elle se concentre dans des milieux lagunaires en voie de confinement et cristallise du fait d'une sursaturation des eaux soumises à une forte évaporation (2). L'anhydrite est du sulfate de calcium anhydre de formule CaSO4. Le minéral a une dureté qui varie de 3 à 3,5 ; il est assez dense (d = 2,97) et sa couleur va du blanc laiteux au gris clair (fig. 10). L'anhydrite se distingue facilement du gypse CaSO4 . 2H2O qui lui est souvent associé dans les gisements. Le gypse est moins dur (rayable à l'ongle = dureté comprise entre 1,5 et 2) et il est aussi moins dense (d = 2,3).
Fig. 8 : Affleurement d'anhydrite dans la galerie nord-est aujourd'hui fermée. Remarquer la trace des dépôts successifs en strates.
Fig. 9 : Affleurement et gros plan sur une couche d'anhydrite
L'anhydrite est principalement utilisée pour la production de ciments (retardateur de prise - cf. fiche Xeuilley), le soutènement de tunnels ou de mines, la réalisation de chapes liquides autolissantes flottantes (pour le chauffage au sol), la fabrication du plâtre pour les besoins du BTP ; en agriculture, l'anhydrite entre dans la composition de certains engrais (amendements sulfatés). Un mémento sur l'utilisation du gypse et de l'anhydrite, rédigé par le BRGM (1993), est proposé en téléchargement libre depuis le site internet Infoterre.
L'anhydrite lorraine est destinée au marché français (13% de la production) ou à l'exportation vers le Benelux et l'Allemagne (87% de la production).
L'ouverture des anciennes carrières de Helling remonte aux années 1930. Le premier exploitant fut l'entreprise familiale Semin, spécialisée dans la production de plâtre, initialement basée à Aboncourt (à quelques kilomètres au sud de Veckring) puis à Kédange-sur-Canner où se trouve actuellement une des usines du groupe. Les carrières de Helling-Veckring changèrent plusieurs fois de propriétaires. Le dernier d'entre eux, l'Anhydrite lorraine (groupe Knauf), y a maintenu l'extraction du minéral jusqu'en 2004. Un bâtiment abandonné à l'entrée du site (fig.1) portant le nom de l'entreprise atteste de sa présence et de son activité en ces lieux. Aujourd'hui, l'exploitation de l'anhydrite en Lorraine (environ 900.000 tonnes annuelles) se poursuit sur d'autres gisements mosellans, dans les mêmes formations du Keuper à Koenigsmacker, près de Cattenom, et dans le Muschelkalk à Faulquemont, près de Saint-Avold (4).
Le mode d'extraction en galeries souterraines, et non à ciel ouvert, se justifie du fait de l'instabilité de l'anhydrite à l'air libre. En effet, ce minéral s'hydrate facilement et, avec le temps, se transforme secondairement en gypse. Dans les galeries, l'abattage se réalise à l'explosif (nitrate-fioul). Afin d'écarter tout risque d'affaissement, l'exploitation d'un gisement s'organise en "chambres et piliers abandonnés" (5) (6), à l'image de ce qui se faisait dans les mines de fer de la région (voir par exemple la fiche sur le musée de la mine de fer d'Hussigny-Godbrange).
L'impact environnemental de telles galeries souterraines est limité au niveau du paysage. D'un point de vue écologique, l'impact lié à l'activité minière se manifeste principalement par la détérioration des pelouses calcaires bien implantées sur les plateaux lorrains. Néanmoins, la recolonisation spontanée par des espèces pionnières après l'abandon du site permet une reconstitution partielle ou totale des milieux d'origne. Cette phase de reconversion du biotope est actuellement observable à Helling, devenu site classé Natura 2000 (7) et géré par le Conservatoire d'Espaces Naturels de Lorraine (cf. §. Localisation).
En raison des risques d'effondrement et afin d'éviter toute possibilité de pénétration, l'intérieur des galeries abandonnées est généralement condamné et remblayé ou muré. À Helling cependant, ces anciens boyaux souterrains constituent des refuges permanents pour différentes espèces de chauves-souris. Aussi, une solution, visant à assurer à la fois la sécurité du site et garantir la protection de la faune locale, a pu être trouvée grâce à une condamnation partielle des entrées de galeries par la pose de grilles métalliques, permettant le passage des chiroptères mais empêchant celui des personnes (fig.6 et 7).
3. Origine du gisement
La formation des bancs d'anhydrite et de la formation sus-jacente, les Argiles de Chanville, est d'origine marine. À la fin du Keuper moyen, l'est du Bassin parisien est situé entre 30° et 35° de latitude. Un climat aride règne sur la Lorraine qui est occupée par une vaste sabkha évaporitique côtière, sorte de bras de mer confiné très peu profond, qui s'étend jusqu'au nord de l'Allemagne (fig.10). Néanmoins, le plus souvent, cet environnement est isolé du domaine marin franc téthysien situé vers le sud-est : une playa ou lac salé se substitue alors à la sebkha côtière. Dans un cas comme dans l'autre, les conditions sont propices à la précipitation d'anhydrite (3). La zone de subsidence maximale, alimentée par des apports détritiques argileux en provenance de l'ouest, est localisée au nord-ouest de la faille de Metz, ce qui explique la diminution de l'épaisseur des dépôts (de 60 m à 15 m) du nord vers le sud de la Lorraine (8).
Fig.10 : Paléoenvironnements dans le Bassin parisien au Keuper moyen (d'après Durand, 2014 et Bourquin et al., 2002)
À consulter également les fiches :
- Klang (57) et Kemplich (57) pour des sites de proximité présentant d'autres affleurements du Keuper moyen;
- Florémont (88) pour une équivalence latérale des faciès plus au sud en Lorraine;
- Wouswiller (57) et Bergheim (68) pour d'autres formations du Keuper.
Bibliographie
(1) BOURQUIN S. et DURAND M. (2007) - International Field Workshop on ‘The Triassic of eastern France’ - Livret d'excursion - Mémoires Géosciences Rennes, hors-série n°5, 80 pages.
(2) PAUTROT C. (2006) - Les évaporites du Keuper in Lexa-Chomard A. et Pautrot C. - Géologie et géographie de la Lorraine. éd. Serpenoise.
(3) DURAND M. (2014) - Le Trias de l'est du Bassin parisien in Gély J.-P. et Hanot F. (dir.) - Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, mémoire hors-série n°9, p.50-57.
(4) Préfecture de la Moselle (2002) - Schéma départemental des carrières de la Moselle - Rapport et notice et site internet de Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL Lorraine).
(5) KESSLER J.-C. (1991) - La S.M.A., une société spécialisée dans les bétons d'anhydrite et les résines d'injection. Tunnels et ouvrages souterrrains, n°103, p.53-54.
(6) PAUTROT C. (2006) - De la pierre à plâtre à l'exploitation moderne de l'anhydrite in Lexa-Chomard A. et Pautrot C. - Géologie et géographie de la Lorraine. éd. Serpenoise.
(7) JUNGER Mathieu (2010) - Site Natura 2000: Carrières souterraines et pelouses de Klang, gîtes à Chiroptères. - Document d'objectifs. Conservatoire des Sites Lorrains.
(8) BOURQUIN S., ROBIN C., GUILLOCHEAU F. and GAULIER J.-M. (2002) – Three-dimensional accommodation analysis of the Keuper of the Paris Basin : discrimination between tectonics, eustasy, and sediment supply in the stratigraphic record. Marine and Petroleum Geology, 19, pp. 469-498.