Description de l'affleurement et milieu de dépôt

Suite à la transformation de la D955 en voie rapide, l'aménagement de la voie de service, parallèle à la route, a permis de rafraîchir le front de taille d'une ancienne carrière de calcaire marneux mentionnée sur la carte géologique de Metz (publiée en 1972). Celle-ci était ouverte dans la formation des Calcaires à Gryphées datée du tout début du Jurassique (Hettangien-Sinémurien - fig.3).

Fig.3: Position des Calcaires à Gryphées dans la stratigraphie locale (colonne stratigraphique © BRGM)

Si la coupe du front de taille laissait apparaître une alternance de bancs calcaires indurés et de niveaux plus argileux et plus tendres, il y a encore quelques années, actuellement l'affleurement est devenu un talus envahi par la végétation (fig.4). Les roches n'affleurent plus que par endroits sur une surface limitée et il n'est plus possible de suivre les bancs et leur succession en continu.

Fig.4: Evolution de l'affleurement au cours des dernières années (photo 2013 © BRGM)

Il reste toutefois la possibilité de récolter quelques échantillons pétrographiques et des fossiles parmi les éboulis ou les blocs disséminés le long de la pente. Les bancs calcaires correspondent à une roche initialement gris foncé mais qui, suite à l'altération météorique, acquiert une patine bistre clair (fig.5A). Les marnes, lorsqu'elles sont encore visibles, se débitent en feuillets gris-bleuâtres.

Fig.5: Echantillons prélevés dans les Calcaires à Gryphées (A: calcaire gris à patine jaunâtre ; B: le bivalve Plagiostoma ; C: une gryphée arquée - © BRGM)

Ces niveaux sont habituellement riches en macrofossiles. L'espèce dominante est la gryphée arquée (= Gryphaea arcuata - fig.5C) qui a donné son nom à la formation. On trouve également un grand bivalve limidé appartenant au genre Plagiostoma (fig.5B). Ces espèces vivaient fixées par une valve (gryphées) ou par un byssus (Plagiostoma) sur un fond marin souple. Même si toutes n'ont pas été observées sur ce site, d'autres espèces complètent la liste de la faune (principalement benthique) diversifiée des Calcaires à Gryphées : ammonites, échinodermes, serpules, bélemnites, brachiopodes... (voir fiche Xeuilley).

La dominance des apports détritiques fins et la bonne conservation des fossiles (absence d'usure ou de débris) signifiant un faible transport post mortem vont dans le sens d'un environnement de dépôt faiblement agité. L'absence d'algues photophiles ou de coraux symbiotes d'algues zooxanthelles parmi les fossiles indiquent un environnement plutôt profond et situé au niveau de l'étage infralittoral ou circalittoral. Ailleurs dans la région, il existe au sein de la formation des dépôts coquilliers désorganisés et certaines figures sédimentaires érosives résultant d'un hydrodynamisme élevé : le milieu reste donc soumis à l'action des vagues de tempêtes (= offshore supérieur).

D'un point de vue paléogéographique, les Calcaires à Gryphées se sont déposés dans un bassin accumulant d'importants apports terrigènes provenant du Massif ardennais émergé et semblant relativement abrité des influences océaniques méridionales téthysiennes par le haut-fond de l'éperon lyonnais (Hanzo et al. 2000, Debrand-Passart et al. 1984).

Fossé de Mécleuves et contexte tectonique

La butte sur laquelle affleurent les Calcaires à Gryphées à Mécleuves est un relief conforme dû au jeu (de plus d'une trentaine de mètres) d'une faille orientée NE-SO. Elle constitue le compartiment méridonal surélevé d'un petit fossé d'effondrement (fig.6) au centre duquel se situe le village de Mécleuves qui lui a donné son nom (fig.7). Les failles parallèles qui encadrent ce fossé sont distantes d'environ 1 km, ce qui indique la largeur moyenne du graben. L'orientation de ces structures, comme celle de la faille de Metz (passant à quelques kilomètres plus au nord) correspond à une direction hercynienne. Ces failles traversant le Trias pourraient donc être la conséquence d'un rejeu d'accidents anciens profonds lors des mouvements tectoniques qui ont affecté la région durant l'ère Tertiaire (mise en place du Fossé rhénan à l'Oligocène - Maubeuge 1972). On retrouve d'autres fossés tectoniques contemporains plus au sud dans la région: voir par exemple, les fiches de Chassey-Beaupré (55), Removille (88) ou Colombey (54).

Fig.6: Faille méridionale du fossé de Mécleuves vue depuis le nord ( cliché © BRGM)

Fig.7: Coupe géologique du fossé de Mécleuves

Bibliographie

DEBRAND-PASSARD S. et al. (1984) - Synthèse géologique du Sud-Est de la France. Mém. Bur. Rech. Géol. Min.

HANZO M. et LATHUILIERE B., ALMERAS Y., DAGALLIER G., GUERIN-FRANIATTE S., GUILLOCHEAU F., HUAULT V., NORI L. et RAUSCHER R. (2000) - Paléoenvironnements dans le Calcaire à gryphées du Lias de Lorraine, de la carrière de Xeuilley au Bassin parisien. Eclogae geol. Helv. 93, 183-206.

MAUBEUGE P.-L. (1972) - Notice de la carte géologique de Metz à 1/50.000 - BRGM éd.