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Sources thermales de Plombières-les-Bains : 3. Description

1) Etymologie

L'origine du patronyme de la ville de Plombières viendrait à l'origine du mot latin plumbum (= plomb) mais l'origine du nom est discutée(1,11). Jusqu'au XVIe siècle, les chimistes considéraient le plomb comme principe actif des eaux thermales, il était alors naturel de les nommer en latin "Aquae Plumbarioe ou Plumbinoe".  En titre de son ouvrage "Abrégé de la propriété des bains", paru en 1576, la ville est nommée "Plommières" par le docteur Le Bon, médecin du Roi, qui emploie aussi pour la première fois le nom de Plombières. Montaigne qui fréquenta les thermes de la cité, évoque la ville de Plommières dans ses écrits en 1580.

2) Histoire de la cité (2)

Les Romains s'installèrent à Plombières et en firent une station thermale il y a plus de 2000 ans. La petite histoire raconte que les légions de Titus Labienus (-99 ou -98 / -45 av. J.-C.), un lieutenant de César pendant la Guerre des Gaules, s'y seraient arrêtées en - 51 et seraient à l'origine de la découverte des eaux anormalement chaudes. 

Les Romains entreprirent alors d'importants travaux pour capter ces sources chaudes en détournant en particulier la rivière Augronne au fond de laquelle sourdaient certaines émergences. Les thermes auraient été spécialement utilisés pour soigner les blessés venus des limes germaniques, frontières septentrionales de l'Empire Romain. De nombreux aménagements et constructions dont certaines sont toujours utilisables et utilisées de nos jours, attestent de cette longue période d'occupation romaine et des fabuleux travaux réalisés à l'époque.

La station sera détruite au cours des invasions barbares. Il faut attendre le Moyen-Age pour retrouver de nouvelles traces attestant de l'importance de la cité. Le Duc de Lorraine Ferry III (1240-1303) sera excommunié par le pape pour avoir fait ériger une forteresse sur la rive gauche de l'Augronne sur des terres appartenant aux Abbesses de Remiremont, la raison invoquée par Ferry III étant de protéger "les baigneurs contre les méchantes gens" (3).

Fig. 2 : Gravure de 1533 représentant le Bain Romain et les hôtelleries de part et d'autre tels que décrits par Montaigne - cliquer sur l'image pour voir le Bain Romain aujourd'hui (2020)

La station verra passer au cours des siècles de nombeuses têtes couronnées parmi lesquelles les Ducs de Lorraine et de Guise, le Roi Louis XV (1710-1774), le Consul Napoléon Bonaparte (1769-1821) et plusieurs membres de sa famille, l'Empereur Napoléon III (1808-1873) mais également des écrivains, poètes, musiciens, peintres... comme Montaigne (1533-1592 - fig.2), Voltaire (1694-1778), Beaumarchais (1732-1799) propriètaire de la papeterie de Plombières, Berlioz (1803-1869) qui y trouva l'inspiration pour "Les Troyens", Lamartine (1790-1869), Musset (1810-1857), Goya (1746-1828)... ou encore l'inventeur américain Fulton (1765-1815) venu y présenter sa maquette de bateau à vapeur en 1802.

Mais la célébrité de Plombières fait suite à "L'Entrevue de Plombières" du 21 juillet 1858 (fig.3) qui se déroula dans le Pavillon des Princes (sis passage des Capucins).

Suite à l'attentat raté du conspirateur italien Orsini envers la personne de l'Empereur Napoléon III et aux bruits de bottes aux portes du Royaume de Sardaigne, l'Empereur des Français et Camille Benson, Comte de Cavour et Président du Conseil du Royaume de Sardaigne, élaborèrent au cours d'une entrevue diplomatique secrète à huis-clos, les bases d'un traité qui conduira à l'unification de l'Italie (fig.3).

Fig. 3: Napoléon III et le Comte de Cavour (fiche cartonnée © Lib. J.Taillandier Paris 1981)

La France s'engagera à soutenir le Royaume de Sardaigne en cas de conflit armé avec l'Empire d'Autriche et recevra en retour le Comté de Nice et le Duché de Savoie.

Le Traité de Plombières fut ratifié à Turin le 26 janvier 1859 ce qui déclencha la Guerre d'Italie de 1859 (Campagne d'Italie, Bataille de Solférino...) qui vit la victoire des armées alliées franco-sardes sur l'Autriche et l'avénement du Royaume d'Italie. Le Duché de Savoie et le Comté de Nice sont alors annexés à la France.

La "petite histoire" dit aussi que c'est au moment de "l'Entrevue", lors d'un dîner, que fut créée la glace "plombières" (fig.4). Cette crème-glacée à la vanille est un entremets qui contient des extraits d'amandes, du kirsch et des fruits confits. Elle deviendra ultérieurement un dessert.

Les glaces étaient fabriquées à l'époque dans des bombes, sortes de sorbetières en plomb, les plombières.

Fig. 4: La glace "plombières" créée lors de "l'Entrevue" entre Napoléon III et le Duc de Cavour le 21 juillet 1858 (© france-voyage.com)

3) Les thermes (1)

La ville de Plombières est allongée dans l'axe de la rivière Augronne NE-SO (fig.5). Elle accueille annuellement environ 4000 curistes.

Fig. 5: Plan de situation des infrastructures utilisées par l'Etablissement Thermal actuel - cliquer sur le plan pour l'agrandir (voir aussi le plan interactif : Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Le coeur thermal de la cité rassemble une dizaine de sites d'importance (fig.6) : le Bain Romain (fig.16), le Bâtiment Thermal Gallo-romain (fig.14), le Bain National (fig.10), le Pavillon des Princes, le Bain Tempéré (fig.12), le Bain des Capucins (fig.13), le Bain Stanislas (fig.18), le Bain Montaigne (fig.19), le lavoir couvert et la Maison des Arcades avec la Source du Crucifix (fig.20).

A l'exception du lavoir, tous ces sites sont inscrits à l'Inventaire des Monuments Historiques.

 Fig. 6: Détail du plan de la Ville de Plombières: Coeur de la cité avec la localisation
des principaux sites historiques classés (©
Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Fig. 7 : Liste des sources thermales (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Le centre de balnéothérapie actuel, baptisé Calodae (créé en 1997), complète l'offre thermale classique. Il utilise cinq bâtiments historiques (Bain Romain, Bain Stanislas, Bain Montaigne, Bain Tempéré et Pavillon des Princes) reliés en 1857 par une galerie construite à l'initiative de l'ingénieur des mines Prosper Jutier et servant aujourd'hui d'accès souterrain aux différents bains (fig.8).

Fig. 8: La galerie Jutier construite en 1857 qui relie les différents sites historiques classés
utilisés par le centre thermal actuel (© remiremontvallées.com)

Le centre thermal balnéo-romain Calodae (fig.9) possède tous les équipements nécessaires à la conduite de cures thermales médicales mais accueille également, en parallèle, en dehors des heures réservées aux patients, les amateurs de bains de loisir, avec un espace de remise en forme et de bien-être (cardio-training, massages et esthétique). L'entrée dans l'espace Calodae se fait place du Bain Romain (fig.9).

 

Fig. 9: Entrée et hall d'accueil du centre balnéo-romain Calodae (© tourisme-lorraine.fr)

Le Bain National (autrefois nommé Bain Royal, Bain Neuf ou encore Bain Impérial) fut construit de 1812 à 1819 par l'architecte Nicolas Grillot (1759-1824) sur l'emplacement d'un ancien couvent du XVIIe. Sa construction fait suite à la nationalisation des eaux de Plombières par l'Empereur Napoléon Ier le 12 juin 1811. Il sera reconstruit dans le style Art déco entre 1932 et 1935 par l'architecte Robert Danis. La facade principale sera conservée mais une nouvelle buvette en mosaïque est construite.

Elle sert encore de nos jours de buvette thermale réservée aux curistes (fig.10) où une colonne lumineuse distribue les eaux pour soigner les affections des voies digestives en particulier (fig.11) :

  • la source des Dames, chaude et astringente ;
  • la source des Savonneuses, tiède et laxative ;
  • la source Alliot (non accessible), peu minéralisée et froide.

Fig. 10: La buvette thermale (anciennement Bain national) dans le style Art déco
construite entre 1932 et 1935 (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Fig. 11: Buvette thermale utilisée pour soigner les affections du tube digestif (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Le Pavillon des Princes construit vers 1820 a servi de résidence royale. C'est dans ses murs que s'est tenue la restée célèbre entrevue de Plombières. Il accueillait autrefois les bureaux de la Compagnie Thermale de Plombières.

Le Bain Tempéré avec sa piscine thermale centrale entourée de cabines date de 1772. Sa construction suit les plans de l'architecte Jean-Louis Deklier Dellile. Il sera restauré par Nicolas Grillot en 1823 puis complétement remanié en 1932 par Robert Danis. Il accueille la piscine thermale du Calodae actuel (fig.12).

Fig. 12: La piscine thermale actuelle (anciennement Bain Tempéré) qui est utilisée
pour les soins en rhumatologie
 (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Le Bain des Capucins (aussi appelé Petit Bain, Bain des Pauvres ou encore Bain des Goutteux), restructuré par Robert Danis en 1932 mais en gardant son plan carré du XVIIIe, était réservé aux pauvres, aux lépreux, et servait pour traiter les affections de la peau des malades qui se voyaient refuser l'accès au Grand Bain (fig.13). Une reproduction sur plexiglas de la sculpture de la "Nymphe Castalie" (Eugène Guillaume - 1883), exposée au Musée des Beaux Arts de Lyon, orne la façade de ce bâtiment.

Fig. 13: Bain des Capucins, ancien Petit Bain ou Bain des Pauvres

Le Bâtiment thermal gallo-romain (ou piscine Jutier) est désaffecté (fig.14). Il est constitué d'un grand bassin rectangulaire. On y accède par une trappe et une échelle qui s'enfonce sous la rue Stanislas (voir fig.6) mais uniquement lors des journées du patrimoine. 

Fig. 14: La Piscine Jutier redécouverte lors de fouilles par Prosper Jutier (© Ministere de la Culture - culture.gouv.fr)

Durant l'Antiquité, le Bain Romain était un grand bassin à l'air libre, de forme rectangulaire, bordé de 4 rangées de gradins et de belles dimensions (bassin de 40m sur 9m - fig.2 et 15). Aujourd'hui le bassin aérien n'est plus en eau, les thermes du Bain Romain sont dorénavant accessibles en sous-sol (fig.16).

Fig. 15: Illustrations des vestiges antiques (© biusante.parisdescartes.fr)

Plusieurs reconstructions ont considérablement modifié son architecture antique. La plus récente, réalisée par Robert Danis s'est étalée entre 1936 et 1938. Le vestibule conserve les 4 gradins romains (fig.16). Il est orné de mosaïques et de peintures murales ainsi que d'une statue de Consul Romain, dépôt du Musée du Louvre.

Fig. 16: Hall du Bain romain avec les vestiges du vestibule, ses 4 gradins
et sa mosaïque
 (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

Le Bain Stanislas (aussi Bain de la Reine, Bain des Dames) est reconstruit entre 1752 et 1758.  il est de taille modeste, de plan rectangulaire avec un fronton aux armes du Chapître Noble de Remiremont. Il possède dans ses combles cinq réservoirs en bois doublé de plomb. Deux étuves sont toujours utilisées par Calodae, une étuve sèche dans la salle des céramiques chaudes et une étuve humide romaine en sous sol découverte en 1856 par Prosper Jutier (fig.17). Cette dernière est alimentée par une source à 84°C qui sourd d'un gros robinet en bronze datant de l'époque romaine (fig.18).

Fig. 17: Une des étuves (dite du Robinet romain) utilisée par le Calodae (© jneubauer.free.fr)

 

Fig. 18: Robinet en bronze datant de l'époque romaine (eau à 84°C - © vosgesfm.fr)

Situé passage des Abbesses (entre rue Stanislas et rue Louis Français - fig.6), le Bain Montaigne est une annexe du Bain Stanislas dès 1921. Il est reconstruit en grès par Nicolas Grillot en 1843. Il accueille aujourd'hui les 2 jacuzzis circulaires revêtus de marbre et la salle avec les trombes d'eau du Calodae (fig.19).

Fig. 19: Les deux jacuzzis recouverts de marbre et la salle des trombes d'eau, anciennement Bain Montaigne (© Cie des Thermes de Plombières-les-Bains)

La Maison des Arcades (fig.20) fut construite en 1761-1762 pour le Duc de Lorraine et Roi de Pologne, Stanislas Leszczynski (1677-1766). Le griffon de la Source du Crucifix est au rez-de-chaussée (fig.20).

 

Fig. 20:  La Maison des Arcades avec la Source du Crucifix

Les Thermes Napoléon (fig.21) forment l'ensemble architectural le plus récent et le plus imposant. Situé à l'extérieur du centre historique antique, en aval de la vallée, l'établissement thermal est relié à un complexe hôtelier luxueux, le Grand Hôtel, voulu par Napoléon III. Un aigle impérial domine l'entrée de l'édifice des thermes. Sa construction (en grès beige et rose) débuta en 1857 pour s'achever en 1861. C'est à l'occasion des travaux de creusement d'une galerie souterraine pour l'alimentation en eaux thermales des bâtiments (fig.8), que les équipes de l'ingénieur Jutier redécouvrirent les vestiges antiques, enfouis sous les pavés du centre de la ville. Depuis 1861, les Thermes Napoléon constituent l'établissement thermal officiel de Plombières.

Fig.21 : Entrée des Thermes Napoléon

En forêt, sur le versant en rive droite de l'Augronne, il est possible de rejoindre la Fontaine Stanislas (fig.22), une source froide ainsi nommée en l'honneur du Duc de Lorraine. Pour y accéder, il faut emprunter la route du Petit Saint-Pierre jusqu'au gîte (suivre les indications à la sortie nord de la ville - fig.1A) traversant le Grès à Voltzia (voir fiche Frémifontaine) puis par des sentiers tracés dans le Parc Impérial. Ce lieu inspira par ailleurs Hector Berlioz pour son opéra "Les Troyens" ; une sculpture derrière la fontaine commémore l'anecdote.

Fig. 22: La Fontaine Stanislas au pied d'un bloc de grès à litages obliques gravé

4) Les sources: composition et propriétés physiques et chimiques des eaux thermales

Plombières-les-Bains exploite des sources thermales dont certaines sont les plus chaudes d'Europe(9) comme la source Vulcain (85°C), matérialisée par un thermomètre factice géant à son emplacement, rue Stanislas (face au Bain Stanislas).

47 sources ont été captées par les Romains et ultérieurement (4). 27 sources thermales sont aujourd'hui exploitées et déclarées d'intérêt publique. Le débit total sans pompage s'élève à 485 m3 par jour (4)(9).

L’aire d’émergence des sources se concentre dans une zone de 350m de long et 150m de large environ dans le talweg de la vallée de l'Augronne.

La dénomination « eau thermale » ne répond pas à une définition précise. Certains auteurs réservent cette appellation aux eaux chaudes dont la température excède 35 °C. Dans son acception courante, une « eau thermale » désigne toute eau utilisée dans un établissement de soin et ce, quelle que soit sa température (14).

L’origine des eaux hyperthermales de Plombières est discutée : (1) infiltration des eaux du plateau gréseux le long de la faille de Plombières puis remontée ou (2) origine juvénile. De fréquents mélanges des eaux d’infiltration avec les eaux thermales compliquent le diagnostic.

Cependant, réalisées au cours de l'année 1977(10), des analyses sur les teneurs en tritium (un isotope de l’hydrogène) ont permis de distinguer trois types d’eaux thermales exploitées à Plombières, compte-tenu de leur origine :

  • les eaux dépourvues de tritium, les plus chaudes, anciennes (fossiles), ayant circulé lentement et longuement dans l’aquifère granitique avant d'alimenter les sources « impériales «  (Robinet Romain, Stanislas, Vauquelin) ;
  • les eaux tritiées à fort teneur en tritium (sup. à 30 UT) d’origine thermonucléaire et donc postérieures à 1952 (première bombe H) ; ce sont des eaux froides issues d’infiltrations récentes (fond de la galerie Jutier) ;
  • les eaux moyennement chargées en tritium (entre 3 et 30 UT) correspondant à des eaux tempérées résultant de mélanges des deux types d’eaux précédents (sources Savonneuses - sources qui tireraient leur nom des dépôts d'argiles - halloysite - accompagnant leurs émergences et dont la texture rappelait celle du savon(13)).

Ces analyses valident les observations hydrogéologiques (fig.23) de Jutier et Lefort (1861), effectuées lors de la campagne de fouilles d'exhumation des piscines thermales romaines de la cité antique, et confirmées ultérieurement par l'ingénieur Minoux et ses collaborateurs en 1973. Aujourd'hui, l'urbanisation, les diverses constructions (sauf en amont et en aval de la cité, l'Augronne ne coule plus à l'air libre lors de sa traversée de Plombières) et les périmètres de protection autour des gîtes n'offrent plus la possibilité de réaliser de telles investigations de terrain.

Fig.23 : Coupe et cartographie géologiques de P. Jutier (1861) - colorisées et actualisées -
montrant l'origine et les différents types de sources thermales de Plombières (voir aussi fig.28)

Cliquez sur l'image pour voir une coupe structurale plus récente(14)

D'autres isotopes de l'hydrogène, comme le deutérium (D), ou de l'oxygène (18O) attestent de l'origine météorique des eaux thermales, quels que soient leur âge ou leur parcours souterrain.

Certaines des eaux recueillies sont hyperthermales (températures comprises entre 50°C et 85°C). L'eau la plus chaude qui soit captée est celle du « Sondage n°9 ou source Vauquelin » (73°C) alors que les sources tempérées dites « Savonneuses », résultant de mélanges d’eaux profondes et superficielles, sont à 47°C au maximum.  De telles températures de surface suggèrent une température de réservoir profond bien plus élevée, aux alentours de 150°C - 190°C, valeurs chiffrées obtenues grâce à l’utilisation de géothermomètres tels que le couple Na/Li ou l’oxygène 18(10). En considérant un gradient géothermique moyen pour la croûte continentale de 30°C par km, de telles températures signifieraient un parcours de l'eau thermale jusqu'à 5 km de profondeur environ.

Les caractéristiques physico-chimiques des eaux de Plombières en font des eaux minérales naturelles, condition première pour justifier d'un usage thérapeutique par un établissement thermal.

Les eaux de Plombières sont douces, oligominérales ou oligométalliques, peu minéralisées avec un résidu sec ne dépassant pas 400 mg.L-1 (fig.24): 302 mg.L-1 (Robinet Romain), 350 mg.L-1 (source des Capucins). À titre de comparaison, les eaux françaises les plus minéralisées peuvent atteindre une concentration de 6 g.L-1 en sels dissous (eau de Vichy-St.-Yorre) alors que la minéralisation de l'eau pour l'alimentation en eau potable ne doit pas dépasser une norme de potabilité, fixée à 1,5 g.L-1 (ou 1500 mg.L-1). Dans la législation française, on distingue également les eaux de source et les eaux de table : les eaux de source sont d'origine souterraine et doivent respecter la norme de potabilité, tout comme les eaux de table ou les eaux destinées à l'alimentation en eau potable ("eau du robinet") ; mais, à la différence des eaux de source et des eaux minérales, les eaux de table (distribuées en bouteille) ou destinées à l'AEP ont pu subir un traitement afin de les rendre potables.

Malgré leur caractère oligominéral, les eaux de Plombières sont bien des « eaux minérales » dont la définition précise ne repose pas sur une richesse minimale en sels minéraux. Une "eau minérale naturelle" (ou eau minérale dans le langage courant) doit en effet remplir d'autres conditions pour être classifiée comme telle (10,14):

"Elle témoigne d’une stabilité de ses caractéristiques essentielles, notamment de composition (teneur en minéraux, oligoéléments, etc.) et de température à l’émergence, qui n’est pas affectée par le débit de l’eau prélevée. Elle se distingue des autres eaux destinées à la consommation humaine :

  • par sa nature (caractérisée par sa teneur en minéraux, oligoéléments ou autres constituants) ;
  • par sa pureté originelle.

L’une et l’autre caractéristiques ayant été conservées intactes en raison de l’origine souterraine de cette eau qui a été tenue à l’abri de tout risque de pollution. Ces caractéristiques doivent avoir été appréciées sur les plans géologique et hydrogéologique, physique, chimique, microbiologique et, si nécessaire, pharmacologique, physiologique et clinique."

Les eaux minérales françaises sont aussi classées en 4 groupes principaux (7) (cf. diagramme de Piper - fig.24) selon la prédominance d'un anion (et des cations associés). On distingue :

  • les eaux bicarbonatées qui peuvent être calciques (en brun sur le diagramme - fig.24) ou sodiques (en jaune), elles sont souvent riches en dioxyde de carbone ;
  • les eaux sulfatées ou chlorurées selon l'anion dominant (en bleu), calciques et magnésiennes ;
  • les eaux chlorurées ou sulfatées selon l'anion dominant (en vert) et alcalines car sodiques (et/ou potassiques) ;
  • les eaux sulfurées riches en sulfures et hydrogène sulfuré (non représentées dans le diagramme).

Fig.24 : Diagramme de Piper des eaux minérales françaises (10) et position des eaux de Plombières-les-Bains
(cliquez sur l'image pour comprendre l'utilisation du diagramme de Piper - légendes en anglais)

Dans le diagramme de classification des eaux minérales de Piper (fig.24), les eaux thermales de Plombières sont placées parmi les eaux sulfatées-sodiques car l'anion dominant est le sulfate (et non les chlorures). Par leur composition, ces eaux sont bien différentes de celles de Contrexéville ou de Vittel (n°20 sur le diagramme de la fig.24) émergeant dans un contexte hydrogéologique tout autre mais elles sont proches de celles de Bains-les-Bains dont le gîte est comparable (fig.25). Les eaux de la source froide Alliot, peu minéralisées (fig.25) et autrefois commercialisées comme eau minérale ou en brumisateur, font exception et sont bicarbonatées calciques (fig.24). 

Fig.25 : Tableau des caractéristiques chimiques des eaux minérales et thermales de Lorraine et du Grand Est (4,10)

Ces eaux sont par ailleurs siliceuses et parmi les plus riches en fluor (env. 10 mg.L-1) d’Europe. Mais c'est leur richesse en un gaz rare, le radon 222 (222Rd isotope radioactif du radon), qui serait à l'origine de leurs principales et intéressantes propriétés thérapeutiques en stimulant l'activité cellulaire (5)(6). Au début du XXe siècle, les scientifiques pensaient, à tort, que l'eau était radioactive (fig.26) du fait de la présence de radium (Ra) (7)(8).

Quelle que soit son origine (chaude, froide ou tempérée), chaque source captée à Plombières conserve une composition chimique constante, répondant ainsi favorablement à la définition d'une eau minérale.

Fig. 26: Buvard vantant la température élevée et la radioactivité des eaux de Plombières

Les sources ont été déclarées propriété de l'état par décret impérial le 12 juin 1811 puis reconnues d'intérêt public le 4 juillet 1857. De ce fait, depuis 1928, ces sources bénéficient d'un périmètre de protection et d'une surveillance accrue pour l'évitement des risques de pollution ou d'actes de malveillance.

Pour une utilisation dans les stations thermales, une eau minérale doit être également douée de certaines propriétés bénéfiques à la santé, reconnues par l’Académie Nationale de Médecine (10, 14). Les eaux de Plombières sont officiellement reconnues comme telles pour leur (9):

  • action antispasmodique marquée ;
  • action analgésique et antalgique ;
  • action anti-inflammatoire ;
  • action décontracturante ;
  • effet relaxant favorisant l’assouplissement des articulations ;
  • action sédative et vasodilatatrice.

Les eaux minérales de la source des Dames (astringente) et de la source Curie ou des Savonneuses (laxative), accessibles à la buvette thermale de Plombières (fig.10), sont aussi proposées pour les cures de boissons. Elles n'ont toutefois jamais été embouteillées ou commercialisées hors les murs de la cité thermale.

Seules les eaux de la source froide Alliot (autrefois distribuée depuis la buvette thermale) ont fait l'objet d'une exploitation commerciale à plus vaste échelle, jusque dans les années 1970 et 1980 (fig.27). Construite en 1966, une usine d'embouteillage produisait des bouteilles en verre et des berlingots d'eau minérale de Plombières, principalement destinée aux hôtels et restaurants de la région du Grand Est (12).

Fig.27 : Porte-clés publicitaire à l'effigie des eaux de Plombières (source Alliot)

 

5) Eléments de géologie de la région de Plombières

La ville de Plombières est construite au fond de la vallée de l’Augronne. Cette rivière incise profondément le plateau de la Vôge qui cumlmine à 580 m. L’Augronne comme la Combeauté (voir fiches Faymont et Val d'Ajol) et la Semouse entaillent  ce plateau gréseux triasique selon une direction NE-SO jusqu’à atteindre la cote 400 m à Plombières et même 350 m au Val d’Ajol (fig.28) ; ces incisions, amplifiées lors des glaciations quaternaires, affectent jusqu'aux formations volcano-sédimentaires permiennes et leur socle hercynien sous-jacent essentiellement constitué de granite porphyroïde (4).

Fig. 28: Extrait des cartes géologiques de Plombières et Remiremont. (© BRGM Infoterre).
Observer le parallélisme entre les vallées de la Combeauté à l'est, de l'Augronne au centre
et de la Semouse à l'ouest, et le réseau de failles de directions varisques dessinant un damier

Cliquez sur l'image pour obtenir la colonne stratigraphique locale

L’ensemble est intensément faillé et diaclasé. La ville de Plombières est encadrée par un réseau d'accidents majeurs au NO, au SO et au SE. Ces discontinuités tectoniques limitent un large biseau appelé « môle de Ruaux-Le Noirmont-Le Clerjus » qui s’avance vers l’Ouest (4). Diverses fractures secondaires s’accordent également avec les directions varisques (NO-SE et NE-SO) et dessinent sur la carte de Plombières un véritable damier de horsts et de grabens comme sur la tenue d’Arlequin (fig.28 et 29). 

Les accidents NO-SE semblent avoir une importance particulière dans l'émergence des eaux thermales. C’est au voisinage de ceux-ci, en limite des zones effondrées, que se manifestent aussi les émergences des eaux thermales de Bains-les-Bains (voir fiche Bains-les-Bains) et la Chaudeau.

Dans la partie Est du môle, dans le secteur de Plombières, il n’y a pas trace en surface de failles varisques d’importance équivalente. Seules deux failles normales NS à faible rejet mettent en contact le socle et sa couverture triasique. Ces deux accidents se rejoignent et dessinent un petit fossé en coin dirigé vers le Nord. Aucun élément de terrain évident ne permet d’affirmer, comme le sous-entendraient certaines hypothèses anciennes, que l’Augronne puisse occuper une vallée ayant une origine tectonique, le niveau du Conglomérat de base du Trias étant à une altitude équivalente (autour de 480m) de part est d’autre de la vallée (4).

Fig. 29: Agrandissement de l'extrait de la carte géologique montrant la pointe
limitée par les failles et dirigée vers le Nord et la trace de la faille de "Plombières"
perpendiculaire au cours de l'Augronne.
(© BRGM Infoterre)

Par contre, la faille transversale de Plombières qui recoupe la vallée de l’Augronne à hauteur des thermes antiques (annexes de l'établissement thermal principal) fait remonter le toit du substratum granitique entre 510m à hauteur de l’église de Plombières jusqu’à à 525m aux Molières et même 535m aux Vargottes. Ce mouvement tectonique local implique l’existence d’un petit compartiment effondré d’extension limitée (1 km2) compris entre deux blocs faiblement surélevés à l’origine d’un réseau de fracturations profondes incliné au NE et expliquant les circulations d’eaux profondes(4) - fig. 22, 27 et 28. Pour cette raison, la faille transversale de Plombières est qualifiée de "faille thermale" par certains auteurs(11). Celle-ci traverse la cité avec un tracé passant devant le parvis de l'église Saint-Amé.

L’ensemble du gisement des sources thermales se situe dans le granite porphyroïde à biotite et actinote (fig.30), à proximité de son contact avec un granite à grain fin, à biotite et muscovite, apparenté avec le leucogranite de Remiremont (voir fiche granite du Tholy).

Fig. 30 : Affleurement et faciès du granite porphyroïde - cliquer sur l'image pour l'agrandir

Le granite porphyroïde est très altéré et arénisé(4). C'est une roche assez sombre à gros grains de composition monzonitique (granitoïde peu riche en quartz mais à 2 feldspaths) que l'on peut trouver à l'affleurement sur les accotements de la route D157 longeant l'Augronne, en amont de Plombières, en direction de Luxeuil / Remiremont (fig.30).

Le feldspath potassique (orthose) en phénocristaux mâclés et le plagioclase à composition d'oligoclase-andésine sont dominants et en proportions équivalentes, le quartz peu visible est interstitiel, la biotite en grandes lamelles est abondante et l'actinote en grandes aiguilles vertes est commune.

La roche est intensément fracturée, déformée, souvent cataclasée (le broyage étant bien visible dans la galerie des Savonneuses par exemple). La direction principale de déformation est N30°E avec un pitch* de 70° à 90° vers le NE. Une direction conjuguée est moins bien exprimée N120°E N130°E avec un pitch* variant autour de 70° entre le NO et le NE.

*pitch : angle que fait la direction d'un tectoglyphe (strie, stylolithe, minéralisation...) par rapport à l'horizontale du plan (ex.: un miroir de faille) auquel appartient cette structure.

 

Éléments de bibliographie

(1) https://plombieresinitiative.wordpress.com/2009/08/20/etymologie-des-plombieres-episode-iii/

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Plombi%C3%A8res-les-Bains

(3) POULL G. (1985) Les Vosges. France Empire Ed. - Paris, 562 pp.

(4) MINOUX G. (1973) - Etude Hydrogéologique du Bassin Thermal de Plombières-les-Bains (Vosges): Campagne d'études 1962-1973. Rapport 73-SGN-385-NES, BRGM Ed. 234 pp.

(5) BLAISE J. M. (1991) - La radioactivité des eaux de Plombières-les-Bains (Vosges, France). Mise à jour des connaissances et essai d'explication à ses effets thérapeutiques. Diplôme de la Faculté de Médecine de Nancy, 40 pp.

(6) ROCHE S. (1984) - Les eaux minérales de Plombières. Vosges. Diplôme de l'Université de Paris V René Descartes, 206 pp.

(7) LABORDE A. (1904) - Radioactivite des Eaux minerales. Radium (Paris), 1 (7), pp.1-6.

(8) BROCHET A. (1908) - Sur la radioactivite des eaux de Plombieres. Radium (Paris), 5 (2), pp.47-49.

(9) Site de la Compagnie des Thermes de Plombières-les-Bains

(10) Aquifères et eaux souterraines en France, Collectif sous la direction de Jean-Claude Roux, BRGM Éditions, 2006.

(11) CORROY G. (1974) - Plombières et ses eaux thermales - Hydrogéologie. Bulletin Académie et Société Lorraines des Sciences - Tome XIII - No 3

(12) Vosges - Matin du 9 mai 2018

(13) JUTIER P. et LEFORT J. (1861) - Études sur les eaux minérales et thermales de Plombières. Baillière et fils Libraires de l'Académie Impériale de Médecine, Paris, 223 pp.

(14) * Qu'est qu'une eau minérale ? http://sigesrm.brgm.fr

Site de la station thermale « La Compagnie des Thermes Plombières-les-Bains » : https://www.plombieres-les-bains.com/station/les-bienfaits-des-eaux/

Site "L'officiel du thermalisme": https://www.officiel-thermalisme.com/la-carte-des-stations-thermales/


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 12/07/2018 - Dernière modification : 21/08/2020

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