Culm du col de Bussang : 3. Description
Les roches du col de Bussang appartiennent à la série volcano-sédimentaire d'Oderen (Viséen - Carbonifère inf.), qui a une extension importante de la ligne des klippes au nord (partie sud de la carte géologique de Munster) jusqu'au granite des Ballons au sud (feuille de Thann).
A l'affleurement, les roches de couleur noire, présentent une stratification nette, qui peut être perturbée localement au voisinage de failles. Les strates ont une direction et un pendage variables (orientation E-O à N60 ; pendage fort de 60 à 70° E) qui témoignent des plissements que la série a subis.
Un aspect de la stratification de la série. Les strates sont ici décimétriques, à fort pendage.
Stratification recoupée par des failles.
A droite, la roche est bréchifiée le long de la faille (pour voir un autre cadrage, cliquer ici)
Les dépôts sont constitués d'une alternance rythmique de sédiments fins pélitiques, et de sédiments plus grossiers en bancs épais, déterminant des séquences détritiques répétitives de quelques décimètres à un mètre sur le site étudié. Dans chaque séquence, les particules sont granoclassées : les éléments grossiers (sables et parfois graviers) situés à la base correspondant à un apport rapide de matériaux ; les plus fins situés en sommet de séquence traduisant des périodes d'accalmie.
Ces dépôts caractérisent des turbidites.
Du point de vue pétrographique, les roches sont des grauwackes : elles contiennent des grains de quartz et de feldspath et des débris de roches volcaniques et métamorphiques, cimentés par une phase détritique fine, argileuse, riche en chlorite (Gagny 1962). S'intercalent des niveaux schisteux noirs, à grain fin, riches en matière organique.
Sédimentation rythmique. Remarquer l'épaisseur variable des séquences.
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C | D |
Quelques détails des affleurements :
A. Contact entre un banc grossier (épaisseur 30cm) et un banc de sédiments fins. Le contact est franc. cliquer sur l'image pour l'agrandir
B. Un banc massif de matériaux grossiers (arénites) ; épaisseur 60cm.
C. Bancs de sédiments fins fortement fracturés.
D. Litage dans les sédiments fins (pélites) riches en matière organique, à granulométrie variable, plus fine dans les niveaux sombres cliquer sur l'image pour l'agrandir
Dans les parties fines de la serie d'Oderen ont été récoltées diverses espèces de plantes, des genres Sphenopteridium, Rhacopteris, Asterocalamites, Adiantites, Ulodendron, Sublepidodendron, d'âge viséen, ainsi qu'une faune contenant le Brachiopode Chonetes papillonacea caractéristique du Viséen inférieur (Carbonifère inf.).
Cette sédimentation marine, caractérise le faciès détritique « Culm » typique des séries sédimentaires du Carbonifère inférieur du Massif armoricain ou du Massif central, et pétrologiquement comparable au flysch alpin plus récent.
La série est recoupée par de nombreux filons de microgranite à pyroxène et amphibole ayant une parenté chimico-minéralogique avec le granite tardi-carbonifère des Crêtes (Gagny 1968).
La roche, à patine rose à l'échelle de l'affleurement apparaît sombre et formée de cristaux millimétriques, en cassure fraiche. A la loupe, quartz, feldspaths roses et baguettes noires de minéraux ferromagnésiens sont reconnaissables.
Filons subverticaux de microgranite (l'épaisseur du filon de droite atteint 3m)
Le contexte paléogéographique (développé dans la fiche Ophiolite du Thalhorn)
Au début du Carbonifère, la Paléotéthys, un océan ancien situé au nord du continent Gondwana se ferme. Sa marge nord est en subduction sous le bloc Moldanubien faisant apparaître un arc volcanique à l'extrémité sud de ce domaine. Cet arc magmatique fournit les matériaux volcaniques observés dans les séries sédimentaires d'Oderen. Les autres matériaux détritiques proviennent des reliefs varisques (= hercyniens) naissants soumis à l'érosion.
Sur les reliefs émergés et les îles volcaniques, se développe une flore luxuriante adaptée au climat chaud et humide qui régnait dans la région alors proche de l'équateur. Elle fournit la matière organique et les plantes flottées dans le bassin sédimentaire.
Les sédiments s'accumulent d'abord à proximité des reliefs. Lorsqu'elles sont soumises à une instabilité gravitaire, par exemple suite à des mouvements tectoniques (à l'origine de temblements de terre, d'affaissement), ces masses de sédiments gorgés d'eau dévalent les pentes sous-marines et s'étalent dans le bassin sédimentaire en eaux profondes. Le dépôt qui en résulte est une turbidite. La répétition du phénomène dans un contexte tectonique mouvementé pendant plusieurs millions d'années, est à l'origine de la rythmicité observée dans la série sédimentaire (cf. séquence de Bouma), et de son épaisseur considérable (voir le processus détaillé à la page turbidites du glossaire).
La série a été intensément plissée et faillée au cours de l'orogénèse varisque. Son épaisseur, difficile à estimer, est sans doute de l'ordre de 1000m.
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Quelques références bibliographiques
- GAGNY, C. (1962). Caractères sédimentologiques et pétrographiques des schistes et grauwackes du Culm dans les Vosges méridionales. Bull. Serv. Carte géol. Alsace Lorraine, t. 15, fasc. 4, p. 139-160, Strasbourg.
- GAGNY, C. (1968). Pétrogenèse du granite des Crêtes. Vosges meridionales. These Sciences, Université de Nantes, 546 p
- Géologie du massif vosgien et du fossé rhénan (2007). PNR des Ballons des Vosges.
- Notice de la carte géologique de la France au 1:50 000 (1976) - Feuille Munster, n° 377, BRGM Ed.