Communication lors d’un congrès. Auteurs : Mickaël Jury (ACTé – Activité, Connaissance, Transmission, éducation INSPÉ Clermont-Auvergne) & Caroline Desombre (ESPE LNF – École supérieure du professorat et de l’éducation – Lille Nord de France)
L’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP) dans le système scolaire français est une obligation légale. Parmi les difficultés associées à celle-ci se trouve notamment l’évaluation de ces élèves (Dubois, 2016). Ainsi, si les enseignants semblent favorables à modifier leurs gestes professionnels dans les situations d’apprentissage, cela est différent lorsqu’il s’agit d’adapter les conditions d’évaluations aux besoins des élèves.
En effet, l’évaluation peut constituer un garde-fou de la méritocratie et un rouage essentiel de la fonction de sélection que remplit le système académique (c.-à-d., identifier parmi l’ensemble des élèves ceux-celles qui méritent les meilleurs diplômes, Dornbush, Glasgow, & Lin, 1996).
Dans notre recherche, nous avions pour objectif d’examiner dans quelle mesure des pratiques différenciées d’évaluation pouvaient constituer un frein à l’inclusion des élèves à BEP. Plus précisément, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle un-e élève à BEP qui réussirait à une évaluation différenciée (par ex. : avec un sous-main, des rappels) constituerait une menace de l’ordre établi devant être régulée par les enseignant-e-s (Batruch, Autin, & Butera, 2017).
Dans une première étude, 103 enseignant-e-s ont lu le profil d’un élève en situation de réussite. Deux variables étaient manipulées : le statut de l’élève (avec ou sans BEP) et le type d’évaluation (avec ou sans différenciation). A la suite de cette lecture, les participant-e-s devaient compléter une mesure de jugement social (Louvet & Rohmer, 2016). Les résultats ont montré que l’élève avec BEP ayant bénéficié de l’évaluation adaptée était perçu comme moins compétent par comparaison aux autres profils. Dans une seconde étude, une réplication préenregistrée, 406 enseignant-e-s ont participé à un protocole similaire impliquant en plus une activité de notation. Les résultats de la première étude n’ont pas été pleinement répliqués mais ils confirment que l’élève à BEP, à performance équivalente, est jugé systématiquement moins compétent que l’élève ordinaire, quelle que soit l’évaluation réalisée.
Concernant la notation, si l’élève ordinaire est effectivement mieux noté que l’élève à BEP lorsque l’évaluation est classique, les résultats montrent une différence réduite lorsque celle-ci est adaptée pour répondre aux difficultés de l’élève à BEP. Pris ensemble, ces résultats tendent à confirmer une certaine tension autour de la question de l’évaluation et la reconnaissance des compétences des élèves à BEP. Ils traduisent aussi le besoin pour davantage de recherche sur cette thématique.
L’inclusion est un objectif à atteindre et ne pourra être pleinement réalisée que lorsque les élèves recevront un traitement équitable et non égalitaire.