Synopsis du film :
Raimunda retourne dans son village natal, dans les quartiers de la classe ouvrière, chez sa tante. Cette dernière meurt quelques jours plus tard. Au même moment sa fille Paula tue Paco, son compagnon chômeur et alcoolique. Ces événements vont faire resurgir le passé d’une famille pleine de secrets.
Pedro Almodovar, habitué du festival de Cannes où il a été président du Jury, et où il a également pu présenter ses films Tout sur ma mère (1999) et La Mauvaise Education (2004), revient sur la croisette avec l’excellent Volver, une nouvelle belle occasion d’espérer la Palme d’or. Il s’en sort avec un prix d’interprétation collectif pour ses actrices ainsi que le prix du meilleur scénario. De plus, il eut l’honneur d’être nommé dans diverses autres académies prestigieuses, dont les Oscars.
Avec cette excellente chronique familiale, Almodovar se frotte à des thèmes qui lui sont familier. A savoir la famille, l’univers féminin, et principalement la maternité, « la mère » qui est l’origine de la vie. On ressent à travers l’histoire mise en scène une grande importance, une grande passion pour la famille. Ici, le réalisateur présente une famille modeste, de la classe ouvrière, sous ses trois dernières générations. Il introduit ses personnages de manière limpide, notamment pour le personnage de Pénélope Cruz, avec son mari Paco, alcoolique et chômeur, et sa fille, qu’il présente comme une famille en détresse, en quête de moyens, de travail, et surtout comme piégée par de tristes événements. La détresse de la famille est, tout au long du film, surtout maintenue par l’ambition de Raimunda (Pénélope Cruz). Nous avons surtout des personnages qui se rongent par les mensonges et qui parviennent à fragiliser leurs relations. Les relations exploitées entre les personnages sont principalement des liens familiaux (frères et soeurs, grand-mère, cousines…), donc les liens les plus importants et les plus vulnérables. Tout au long du film, on peut constater que les personnages se fragilisent tout comme les liens familiaux, ils parviennent à se blesser, mais à s’entraider, ce qui leur donne également de l’audace, du courage. On peut constater que ces personnages, malgré leurs liens étroits, ne sont pas vraiment pareils. Ils ont chacun une situation assez différente. On a déjà parler de Raimunda, qui manque de moyens et qui doit nourrir sa famille, pendant que son mari sirote des bières devant des matchs de football. D’un autre côté, on a la soeur de Raimunda, Sole, célibataire, qui s’en sort avec le métier de coiffeuse. Mais Almodovar réunit ses personnages déjà par le lien familial, mais aussi en leur donnant un point commun : ce sont des femmes qui doivent faire preuve de courage face à ce que la vie réserve à leur famille, et peut réserver à n’importe quelle famille. C’est également cet aspect qui maintient le rythme du film, qui nous tient en en haleine, et Almodovar le maîtrise avec efficacité et crédibilité, autant dans la mise en scène que dans le scénario. Dans le film, l’importance de la famille est aussi maintenu par le fait que, comme pour les personnages du film, il faut savoir faire preuve de courage, d’audace, pour sauvegarder le bonheur dans sa famille, car sa vulnérabilité s’étend sur plusieurs générations et non seulement sur le moment actuel. Et c’est ce qui fait d’une part la beauté du film, ce qui renforce le ton très intimiste et rend les personnages diablement attachants.
On retrouve donc des thèmes importants comme la famille, le courage, la persévérance, le mensonge, l’entraide, et on rejoint également un thème majoritairement exploité, qui est celui des générations. Ce thème est renforcé par la présence de personnages comme la tente, la grand-mère, ainsi que celui de la fille du personnage de Raimunda (Pénélope Cruz). Nous avons trois générations, aux liens très étroits, qui forment donc une belle fresque familiale. Et si le thème est important dans le film, c’est surtout pour les liens étroits entre les personnages d’époques plutôt éloignées, mais qui s’aiment. Comme si ces trois générations mises en scènes dans le film formaient une seule génération. Un procédé que l’on pourrait certainement voir comme un maintien du temps. Par l’exploitation du thème des générations, Almodovar semble également faire un clin d’oeil au temps, par un plan en particulier qu’il aime bien passer à plusieurs reprises, celui des éoliennes, où l’on peut voir l’image du temps qui passe, de la vie qui avance et des malheurs qu’elle peut laisser passer. Cela nous amène à nous pencher un peu plus vers la réalisation du film.
Par ces petits plans symboliques comme les éoliennes, la mise en scène de Almodovar se révèle assez efficace. Même si cela peut paraître parfois classique, les plans sont soignés et parviennent toujours à nous faire ressentir quelque chose. Cependant, certaines scènes (en particulier celle de la mort de Paco) auraient pu être un peu plus nerveuse si elles négligeaient un peu la répétition des plans fixes et des mouvements de caméra fluides, afin d’installer une certaine ambiance. Mais on parvient certainement à comprendre que là n’est pas spécialement l’intérêt du réalisateur, préférant mettre en image, simplement, l’idée et non l’ambiance. Et il réussit plutôt son coup, et renforce la crédibilité de son histoire par le talent des ses acteurs.
On ressent également une force dans le scénario, qui se montre limpide, riche, bien construit, et succède également les rebondissements inattendus. Le dénouement peut paraître vraiment improbable, mais les acteurs et actrices parviennent tellement à nous transporter par leur talent, leur sincérité, qu’on se laisse pleinement prendre par l’histoire et qu’on y croit totalement. Tout cela accompagné d’une pointe d’humour qui sait être savoureuse, même si elle pousse parfois les personnages à avoir des réactions un peu improbables, qui cassent un peu le réalisme. Malgré cela, le film parvient également à saisir par ses décors, notamment les rues espagnoles, qui évoquent l’ancien temps, et filmées avec des couleurs plutôt vives. Une image plutôt naturelle qui rend donc le film immersif, et lui donne une part d’esthétique semblable au documentaire. Un point supplémentaire renforçant l’aspect artisanal, naturel du film : le peu de présence de musique. Si on réfléchit bien, il y a vraiment très très peu de musique présente dans le film, et Almodovar montre qu’il n’a pas besoin de ça pour maintenir un rythme constant tout au long du film. Sur les deux heures, le rythme ne parvient à aucun moment à casser et nous maintient sans cesse en haleine. Encore la force du scénario, des acteurs, et de la mise en scène. Un rythme certainement maintenu aussi par le montage efficace de José Salcedo qui fait preuve d’inventivité, notamment pour l’esthétique du générique.
En conclusion, le film est un voyage mémorable, porté par le talents des acteurs et actrices, et la précision du scénario et du rythme de la mise en scène qui montrent la connaissance de Pedro Almodovar, et surtout sa fascination, pour un tel univers. Très personnels pour lui, il réunit avec brio les thèmes familiaux dans un univers féminin, afin de rendre un film au ton très intimiste et saisissant ! Oeuvre à la mise en scène inventive, plutôt réaliste, même si les pointes d’humours ne parviennent pas toujours à faire mouche. Almodovar ne parvient pas toujours à installer une ambiance à la hauteur de certaines situations, mais l’idée qu’il met en scène reste très séduisante et tient tout de même en haleine tout au long du film. Un petit coup de coeur.
Note du film : 4/5
Maxime BETTINGER 109