Critiques du film E noi come stronzi rimanemmo a guardare de PIF

E noi come stronzi rimanemmo a guardare (et nous, comme des connards, nous sommes restés là à regarder ») est un long métrage italien sorti en 2021. Son réalisateur Pif (Pierfrancesco Diliberto) a créé un film qui parle de la société actuelle, mais toujours avec humour : Arturo se fait quitter par sa copine et perd son travail car l’application qu’il a créée pour repérer les maillons faibles d’une entreprise l’a jugé comme tel. Il cherche donc du travail auprès de la multinationale Fuuber, qui l’exploite ; se sentant seul, il utilise une application créée par Fuuber qui met en relation les êtres humains avec des hologrammes. Ainsi il tombe fou amoureux d’un hologramme appelé Stella (Ilenia Pastorelli) et se lance dans une grande aventure pour la retrouver.

  • Les personnages

Arturo (Fabio De Luigi) est un personnage très attachant car malgré toutes les épreuves qu’il a pu subir, il fait toujours de son mieux dans ce qu’il entreprend et tente toujours de garder foi en l’humanité. De plus, il est facile de s’identifier au personnage car une rupture, une perte d’emploi ou des problèmes financiers sont des épreuves courantes.

Stella/ Flora (Ilenia Pastorelli) est un personnage utile à l’intrigue du film, mais dont l’histoire n’est pas très approfondie, il est donc difficile de la juger en dehors de sa participation au scénario.

Le colocataire d’Arturo, Raphael (Pierfrancesco Diliberto) est lui aussi très attachant car c’est un personnage malchanceux qui participe à la plupart des scènes humoristiques du film.

  • Critique de la société

Le titre avance déjà seul l’idée qu’il se passe lentement quelque chose de peut-être irrévocable dans la société, mais que l’on reste littéralement les bras croisés face à ça. Devrions-nous laisser la technologie prendre une place aussi importante dans notre quotidien ? Est-ce qu’un algorithme pourrait devenir plus humain que l’homme ? Ce film qui parle du rapport des hommes et de la technologie met les pieds dans le plat en soulevant des craintes et des tabous.

  • La scène de fin

Cette dernière scène est l’apogée du film : les deux amoureux triomphent en s’échappant soulagés, exténués mais très heureux. Mais le « méchant » de l’histoire, John Fuuber (Eamon Farren) fait une tirade amère sur leur destin ; selon lui, où qu’ils aillent, quoi qu’ils fassent, nos deux amoureux ne pourront pas échapper à ce problème : ils n’auront jamais de réelle liberté. Le film pose aussi cette question : comment évoluer sainement dans un monde corrompu où les données sensibles des gens sont exhibées et leur liberté bafouée ?

  • Avis

J’aime beaucoup ce film, car il arrive à faire passer un message important simplement et explicitement, mais sans être pessimiste pour autant : le film est coloré et lumineux, l’ambiance générale est agréable et le film passe en douceur grâce à son humour travaillé. Toutefois je le trouve répétitif. De plus, le scénario aurait pu davantage mettre en valeur le personnage de Stella, trop en retrait dans le récit, ce qui la rend moins intéressante (elle fait un peu coquille vide). Le personnage aurait pu être mieux exploité.

Je mettrais à ce film l’honorable note de 9/10.

De Lanaé DIAZ (207)

E noi come stronzi rimanemmo a guardare (« Et nous comme des cons on est restés à regarder ») est un film italien réalisé en 2021 par Pif. Il raconte l’histoire d’Arturo, un homme de 48 ans qui a perdu son travail car il a été jugé inutile par un algorithme qu’il avait crié. Sa petite amie vient également de le quitter car ils ont fait un test de compatibilité qui a échoué. Il essaie alors de retrouver un travail, mais tous les postes qu’il demande lui sont refusés car il a plus de quarante ans. Il postule alors dans la seule entreprise qui accepte tous les types de profils : Fuuber. Au début, il ne sait pas ce qu’il va y faire exactement, puis à son plus grand étonnement, il devient livreur de plats à emporter. Il découvre rapidement que le fonctionnement de Fuuber est assez spécial, puisqu’il doit effectuer des livraisons à n’importe quelle heure pour obtenir des « bons points » qui lui font gagner plus d’argent. C’est un travail très fatigant et très peu rémunéré. Il est obligé de louer la moitié de son appartement à un prof de philosophie romane, Raphaël, qui arrondie ses fins de mois en écrivant de mauvais commentaires sous des articles. Arturo découvre ensuite l’application Fuuber Friend, qui lui permet grâce à un essai gratuit, de rencontrer son amie idéale, sous forme d’hologramme. C’est ainsi qu’il rencontre Stella, une femme qui l’accompagne durant ses livraisons et dont il finit par tomber amoureux.

Les rôles principaux sont interprétés par Fabio de Luigi, Ilenia Pastorelli, et le réalisateur lui-même, Pierfrancesco Diliberto. C’est une comédie romantique, mais qui nous fait réfléchir de façon intéressante sur des sujets importants qui nous concernent tous à l’ère du numérique.

Pour commencer, les différents personnages sont plutôt intéressants. Le personnage principal, Arturo, interprété par Fabio de Luigi, peut paraître naïf au début, mais au fur et à mesure de ses péripéties au sein de l’entreprise Fuuber, on finit par s’identifier à lui : finalement lui aussi a accepté un travail sans en connaître les conditions, comme nous acceptons souvent les conditions d’utilisation de certains sites internet ou applications sans vraiment les lire. Il est en quelque sorte victime du système dans lequel tout est informatisé, gérer par des algorithmes et des intelligences artificielles. Et on comprend à travers lui que c’est ce qui est en train d’arriver à toute la société, car quand il appelle le soutien technique des sites pour trouver du travail où il n’arrive pas à sélectionner son âge, on lui répond que c’est l’algorithme qui décide et que l’on ne peut rien y faire.

J’ai aussi apprécié le personnage de Raffaello, joué par Pif lui-même. Il apporte un côté très comique au film selon moi. C’est un professeur de philosophie romane, un domaine qui n’est vraiment pas courant, qui devient le colocataire d’Arturo qui cherchait quelqu’un pour partager son appartement après que sa petite amie, Lisa, est partie. Au début du film, il dit qu’il arrondie ses fins de mois, puis vers le milieu du film il avoue devoir arrondir aussi les milieux et finalement on arrive même aux débuts. En voyant Arturo parler à Stella et tomber peu à peu amoureux d’elle, il veut lui aussi rencontrer son ami idéal et à son plus grand désespoir, il s’agit de Jean-Pierre, un vieil homme avec qui il n’a pas du tout envie de vivre une histoire d’amour. Ils finissent tout de même par se lier d’amitié, et à la fin de son essai gratuit à Fuuber Friend, Raffaello en vient même à reprendre un abonnement au prix exorbitant pour pourvoir continuer à parler à Jean-Pierre.

Stella est un personnage plutôt mystérieux au début. Elle est interprétée par Ilenia Pastorelli, et est l’amie idéale d’Arturo selon Fuuber Friend. Elle apparaît sous forme d’hologramme, avec un effet spécial qui la fait paraître avec moins d’opacité que les autres personnages. Pendant la première partie du film, on a du mal à la comprendre : elle connaît tout d’Arturo grâce à un algorithme (encore une fois), on ne sait pas si on peut lui faire confiance, si elle n’est pas en train d’espionner Arturo ou même si c’est vraiment quelque chose de sain de s’attacher autant à un hologramme. Puis on comprend que Stella n’est peut-être pas si fictive que ça et elle devient alors un personnage beaucoup plus intéressant, et plus seulement une intelligence artificielle programmée pour plaire.

Pour finir, je pense que le dernier personnage qui a de l’importance dans l’histoire est John Fuuber, le créateur de l’entreprise du même nom. Il est interprété par Eamon Farren, qui selon moi a été bien choisi pour le rôle : John Fuuber est un génie précoce, on sait qu’il a eu l’idée de son entreprise révolutionnaire alors qu’il était encore à l’université. Il a justement une « tête de premier de la classe », qui pourrait faire penser un peu à Mark Zuckerberg, avec ses grandes lunettes, son air un peu émerveillé. Cependant, on se rend compte à la fin du film que c’est un personnage beaucoup plus sombre que ce qu’il parait. Il dit que Fuuber a collecté des millions de données sur tous ses utilisateurs, qu’il sait tout d’eux, qu’il peut s’en servir pour les retrouver, peu importe où ils vont, que les utilisateurs sont en quelque sorte prisonniers de l’algorithme.

Le message porté par ce film n’est peut-être pas clair au début. On pourrait croire qu’il s’agit juste d’une comédie romantique un peu déjantée, mais la dernière scène du film nous fait vraiment réfléchir sur le fonctionnement de ce monde qui pourrait s’apparenter au nôtre dans le futur. On y voit John Fuuber avouer qu’il connaît presque toute la vie des utilisateurs de Fuuber, que ses différentes applications ont collecté des données sur eux, et qu’il peut les suivre partout. Je pense que la « morale » à retenir de ce film est qu’il faut faire attention aux conditions d’utilisation de sites internet ou d’applications, que l’on accepte parfois sans en lire un seul mot, aux « cookies » qui empêchent le respect de notre vie privée quand on navigue sur internet.

De plus, je pense qu’on peut aussi trouver une certaine forme d’avertissement contre l’intelligence artificielle, puisque Arturo en vient quand même à tomber amoureux d’une femme qui n’est pas censée exister autrement que virtuellement dans l’application Fuuber Friend, et lorsque son abonnement expire, il se sent vraiment mal de ne plus lui parler. On peut alors se demander si ce n’est pas un danger qu’un être humain s’attache ainsi à un personnage virtuel (un algorithme encore une fois), au point de ressentir un manque lorsqu’il n’y a plus accès.

Pour finir, on remarque que les personnages évoluent dans une société dominée par l’intelligence artificielle (lorsqu’Arturo se rend au siège de Fuuber, il n’est accueilli que par une voix préenregistrée pour lui indiquer ce qu’il doit faire) et l’informatique (tout est informatisé, lorsqu’Arturo cherche un travail, toutes les démarches se font en ligne, les gens commandent à manger en ligne, ils font leurs achats en ligne…). Les humains n’ont plus une place si importante dans cette société, c’est un algorithme qui décide qu’Arturo doit être licencié, et non pas l’un de ses supérieurs, il n’arrive pas à trouver de travail parce qu’il est jugé trop vieux, et lorsqu’il appelle les numéros d’aide sur les sites d’entretien d’embauche qu’il consulte, on lui répond que c’est l’algorithme qui décide et que l’on ne peut rien modifier.

Je pense donc que les principaux thèmes de ce film sont la collecte des données sur internet, les dangers de l’intelligence artificielle et les conditions de plus en plus compliquées pour les classes moyennes dans un futur plutôt proche. Ils sont ici traités avec humour, il s’agit d’une comédie, mais qui nous fait quand même réfléchir à la fin. On rit des cookies qu’on peut accepter sur internet, mais on est ensuite plus vigilants. Je pense que ce film est une façon amusante de prendre conscience de certains éléments de notre quotidien qui peuvent devenir dangereux si on laisse devenir « la norme ».

Concernant la réalisation du film, E noi come stronzi rimanemmo a guardare a été réalisé par Pierfrancesco Diliberto aka Pif, et produit par Wildside et Vision Distribution. Je pense que le film est assez bien réalisé, on retrouve des décors très réalistes, un peu caractéristiques de l’univers dans lequel les personnages évoluent. On a d’un côté des bâtiments très modernes, truffés de technologie, comme le siège de Fuuber ou même la maison d’Arturo. Mais on retrouve aussi des paysages plus industriels, par exemple durant une longue scène où Arturo attend de recevoir une commande, on le voit dans un paysage avec de grands immeubles qui se ressemblent, pas forcément très neufs, et des tags un peu partout. J’ai aussi trouvé que la couleur orange est dominante dans le film : les immeubles sont tous peints en orange, l’uniforme de livreurs Fuuber que porte Arturo durant presque tout le film est orange également, chez lui les murs et les éclairages sont orange, Stella est souvent habillée dans des tons orange/jaune/beige…

Pour finir, j’ai trouvé qu’il y avait quand même de petits problèmes avec le personnage de Stella. Elle est moins colorée que les autres, un peu translucide pour qu’on la distingue des humains qui ne sont pas des hologrammes, et dans l’ensemble, c’est plutôt bien représenté. Mais par exemple durant la scène où elle danse avec Arturo, ils ne sont pas censés pouvoir se toucher, et pourtant lorsqu’Arturo la prend par la taille, il y a un gros plan sur lequel on voit bien les froissements sur ses habits. Cela ne gêne pas forcément la compréhension du film, mais c’est un élément sur lequel j’ai réfléchi quelques secondes, en essayant de savoir si ce n’était qu’une petite erreur ou s’il y avait un sens caché.

Enfin, j’aimerais parler brièvement de la scène d’introduction qui est très spéciale selon moi.

On y voit Arturo et sa petite amie Lisa qui reçoivent les résultats de leur « test de compatibilité » et apprennent que leur relation n’est pas faite pour durer (selon l’algorithme, toujours et encore…). Ils sont alors rejoints par un homme habillé en nazi, qui les entraîne à sa suite dans une fête avec une musique très rythmée et bruyante. Un groupe de personnes qui ont l’air un peu dérangées fait alors une chorégraphie vraiment étrange, tous sont habillés dans le même esprit que l’homme du début, et ils ont l’air de beaucoup s’amuser. Puis la musique se coupe et le titre s’affiche sur un fond noir. Et nous comme des cons, on est restés à regarder. Et ce titre traduit vraiment ce qu’on ressent en tant que spectateur du film à ce moment-là, ce qui, si nous n’étions pas encore vraiment entrés dans le film, nous donne vraiment envie de connaître la suite et attire toute notre concentration.

Pour conclure, je pense que c’est un film qui peut plaire à un grand nombre de personnes, car c’est à la fois une comédie et un film qui fait réfléchir, surtout qu’il aborde des thèmes qui nous concernent ou nous concerneront tous un jour. On passe un bon moment lorsqu’on le visionne, ce n’est pas un film très long mais c’est largement suffisant pour que les spectateurs entrent dans l’histoire et pour faire passer les messages voulus. Si je devais donner une note sur 10 à ce film, je pense que je dirais 8, car d’après moi c’est un très bon film, j’ai beaucoup aimé. Cependant, j’ai trouvé que l’histoire d’amour entre Stella et Arturo est un peu clichée, et tous les aspects de la société ne sont pas forcément très réalistes (par exemple le fait que plus aucune entreprise n’embauche de personnel au-delà de 40 ans alors que l’âge de départ à la retraite est de plus en plus repoussé).

Il n’empêche que depuis que j’ai vu ce film, à chaque fois qu’un site me demande d’accepter des cookies, je fais bien attention de sélectionner tout refuser, alors qu’avant je n’y faisais pas forcément attention…

De Maïa OMHOVER (102)

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