L’univers est un laboratoire cosmique où se produisent des phénomènes d’une énergie inimaginable. Parmi les messagers de ces événements extrêmes, les neutrinos occupent une place particulière. Ces particules élémentaires, presque insaisissables, traversent l’espace et la matière sans presque interagir, offrant aux scientifiques une opportunité unique d’étudier les processus les plus violents de l’univers. Récemment, l’expérience KM3NeT, située au large des côtes siciliennes, a enregistré un neutrino d’une énergie record de 220 petaélectronvolts (PeV).
KM3NeT : un télescope sous-marin à la pointe de la technologie
KM3NeT (Kilometre Cube Neutrino Telescope) est une collaboration internationale visant à détecter les neutrinos de haute énergie provenant de sources cosmiques. Situé en Méditerranée, ce détecteur utilise les profondeurs marines comme bouclier contre les rayonnements parasites, permettant de capter les neutrinos avec une précision inégalée. Le projet est composé de deux sites principaux : ORCA, dédié à l’étude des neutrinos atmosphériques, et ARCA (Astroparticle Research with Cosmics in the Abyss), conçu pour traquer les neutrinos cosmiques de très haute énergie.
ARCA, situé à environ 80 km au large de la Sicile, est un réseau de milliers de capteurs répartis sur plusieurs lignes verticales ancrées au fond de la mer. Ces modules détectent la lumière Tcherenkov émise lorsque les neutrinos interagissent avec l’eau, produisant des particules secondaires. En analysant ces signaux, les scientifiques peuvent reconstruire la direction et l’énergie des neutrinos incidents.

Un neutrino de 220 PeV : une énergie phénoménale
Le neutrino détecté par ARCA, avec une énergie de 220 PeV, est l’un des plus énergétiques jamais observés. Pour mettre cela en perspective, cette énergie est des millions de fois supérieure à celle des particules produites dans les accélérateurs terrestres comme le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) du CERN. De tels neutrinos sont probablement produits dans des environnements astrophysiques extrêmes, tels que les noyaux actifs de galaxies, les sursauts gamma, ou les restes de supernovae.
La détection de ce neutrino est un exploit technique. Les neutrinos interagissent si rarement avec la matière que de très grands détecteurs comme KM3NeT sont nécessaires pour en capturer quelques-uns. De plus, distinguer les neutrinos cosmiques des neutrinos atmosphériques, produits par l’interaction des rayons cosmiques avec l’atmosphère terrestre, est un défi majeur. L’énergie extrême du neutrino de 220 PeV permet de l’identifier clairement comme un candidat cosmique, ouvrant la voie à des études approfondies sur ses origines.