TraAM 2025 : vocabulaire et numérique – Séverine AUER

Wesh ! Elargir le vocabulaire des élèves tout au long de l’année par un projet collaboratif : le « Dictionnaire dynamique des relations sociales ».
Réfléchir aux mots du quotidien favorise-t-il l’accès à une langue courante, voire soutenue ?

Objectifs pédagogiques :

  • Oser communiquer grâce aux outils numériques.
  • Elargir le vocabulaire par le recours aux dictionnaires, sur papier et en ligne.
  • Lever le frein lexical dans la lecture d’une tragédie de Racine.

Compétences linguistiques (domaine 1 du socle) : Connaitre les différences entre l’oral et l’écrit et Enrichir et structurer le lexique

Compétences méthodologiques (domaine 2 du socle) : Coopération et réalisation de projets, outils numériques pour échanger et communiquer

Compétences collaboratives (domaine 3 du socle) : Expression de sa sensibilité et de ses opinions, attention à la portée des paroles: prise en compte d’autrui dans le choix de son expression (exclusion/inclusion du destinataire) avec une réflexion sur le sentiment d’appartenance liée au choix du vocabulaire.

Référence Eduscol sur l’enseignement du vocabulaire : https://eduscol.education.fr/184/enseigner-le-vocabulaire 

Outils :

  • ENT académique (Mon Bureau Numérique, pour l’académie Nancy-Metz): trouver les ressources d’un dossier partagé, écrire un mail au professeur, joindre un fichier, nommer le fichier de manière adaptée.
  • Traitement de texte et son correcteur d’orthographe et document collaboratif en ligne (digidoc : https://ladigitale.dev/digidoc/).
  • Dictionnaires, papier et en ligne (CNRTL : https://www.cnrtl.fr/)

Contexte et descriptif

Le projet est mené sur une année scolaire, avec une 4e en REP+, caractérisée par un grand nombre d’élèves allophones d’origines différentes. Les élèves partagent un vocabulaire courant parfois inadapté à la communication scolaire, et manquent d’ambition littéraire. Pendant l’année, les élèves sont attentifs à leur vocabulaire quotidien et en composent les définitions. Ils se familiarisent avec les dictionnaires, au formats papier et numériques. L’ajout de mots soutenus à leur dictionnaire les invite à élargir leur vocabulaire, notamment lors de la lecture d’œuvre littéraires. L’appui du professeur en cointervention et de la professeure documentaliste sont sollicités aussi souvent que possible.

Premier trimestre, phase préparatoire. Objectif : susciter l’intérêt des élèves.

Séance 1 : manipulation du dictionnaire. En classe, les mots familiers des élèves sont employés par les élèves sont recueillis et répertoriés : zinc, téma, ker, matrixer… Les élèves imitent un dictionnaire papier pour composer leur article, en binômes. La séance est précédée et complétée d’exercices de manipulation du dictionnaire (chronométrage des recherches, de classements…)

Séance 2 : traitement de texte. En salle informatique, les élèves saisissent leur article sur traitement de texte. La séance est complétée d’exercices sur la phonétique. Plusieurs raccourcis clavier sont expliqués, dont Copier-coller. La séance s’achève en copiant-collant les définitions sur un document collaboratif, et par ordre alphabétique.

Séance 3 : rédaction. En salle informatique, les élèves composent un dialogue inspiré d’une image, où ils utilisent les mots de leur dictionnaire. Ils sont autorisés à distinguer une version 1 d’une
version 2, après demande de correction à une IAG, et à formuler leurs observations sur leur devoir.
Chaque binôme envoie le devoir par mail au professeur. La rédaction fera l’objet d’une correction ultérieure. A partir de cette première phase du travail, les élèves répertorient les termes familiers qu’ils emploient.

 

Deuxième trimestre, phase d’étude.

Objectif : compléter la réflexion lexicale en mobilisant les dictionnaires académiques, dont l’onglet «synonymes» du dictionnaire CNRTL.

Séance 4 : manipulations des dictionnaires. En classe, puis en salle informatique : en binômes, remobilisation de l’ordre alphabétique, ajout de nouvelles entrées au dictionnaire des élèves, dont des mots soutenus. Ajout intuitif de synonymes.

Séance 5 : rédaction, seul, d’un article. En salle informatique et au CDI, chaque élève devient responsable d’une définition, et rédige un article complété par des synonymes. Il utilise le CNRTL et apprécie la pertinence des synonymes. Il rédige une phrase exemple pour chaque mot ou synonyme. L’élève envoie son article par mail au professeur.

Séance 6 : débat linguistique. En salle informatique, l’ensemble du dictionnaire est relu par la classe, à voix haute. Chaque article est discuté, amélioré. Les mots proposés par chacun sont ajoutés au document collaboratif, et regroupés par champs lexicaux. Les mots associés à l’amour, par exemple, sont précédés d’un cœur.

Séance 7 : rédaction. En salle informatique, chaque élève rédige seul une suite de texte en langue soutenue. Il peut prendre appui sur les outils numériques à sa disposition: CNRTL, correcteur d’orthographe et ressources déposées sur le dossier partagé de l’ENT. Il peut aussi solliciter le professeur et les élèves disponibles. Le devoir est envoyé par mail.

 

Troisième trimestre : phase de prolongement. La lecture d’Andromaque (Racine) est abordée en œuvre intégrale. Le lexique soutenu est identifié et explicité, parfois avec des termes familiers lors de la lecture du texte.

ANNEXES : documents de travail, trimestre 1

Document 1 : la fiche guide pour écrire un article

Doc 2 : le sujet de rédaction, et deux extraits de devoirs à partir du dictionnaire (phase 1), avant correction en classe

Sujet : Choisissez une des trois images étudiées. A partir du dictionnaire de la classe, composez, à deux, un dialogue. Le dialogue doit permettre de reconnaitre dans quel décor les personnages évoluent, et ce qu’ils font. Donnez un caractère à vos personnages en choisissant les mots qu’ils disent.

Les travaux sont soumis à la correction d’une IAG, et les élèves partagent leurs avis.

 

Evolution d’une version à l’autre du dictionnaire (copies d’écran)

 

 

Trois moments de cours :
Copier-coller un signe phonétique

WESH [wɛʃ] : interjection

  1. Expression qui exprime le fait d’être choqué. Ex: « WESH LE TRUC DE OUF!! »
  2. Dire salut, bonjour à quelqu’un. Ex : Wesh ça va? 

Le mot est utilisé comme une interjection, ou plutôt un signe de ponctuation qui ressemble au point d’exclamation.

Trouver le synonyme de chokbar

CHOKBAR [ʃokbaʁ] : adj. épicène (qui ne change pas de forme au masculin et au féminin). Chez les jeunes ça signifie être extrêmement choqué d’une scène, positivement ou négativement. Exemple : « J’ai eu un 20 en math chokbar de fou. »

Synonymes : Surpris, Heurté

Ouvrir le document collaboratif

Documents de travail et rédaction trimestre 2

Sujet : Fais le récit, court, d’une rencontre amoureuse, dans un style soutenu. Tu utiliseras plusieurs mots du dictionnaire de ta classe, qu’il faudra souligner dans le texte. Ton texte commencera par la phrase suivante: « Quand les yeux d’Alphonse croisèrent le regard courroucé de Léontine, il s’éprit vivement d’elle. »

Copie d’écran : mails des élèves avec objet et PJ

Florilège : quelques tentatives de phrase soutenues, avant correction en classe ;

Extraits de la 8e rédaction : Faut-il faire lire Andromaque en 4e ? La correction du devoir sera l’occasion de relire et enrichir le dictionnaire des élèves.

Le dictionnaire dans sa version 4 est au bout de ce lien : Dictionnaire dynamique des relations sociales

ANNEXES : sondage. Autoévaluation des compétences linguistiques et de l’ambition littéraire.

   

ANNEXES : sondage. Autoévaluation des compétences de communication numérique

  

Bilan et recul réflexif

Sur l’outil numérique :

Une séance de dictée sous traitement de texte pose le diagnostic d’une importante difficulté des élèves dans la maitrise du clavier, et des outils de communication (messagerie, documents partagés). Le nombre d’ordinateurs limite la manipulation des élèves, or quand deux élèves sont devant un clavier, celui qui le manipule est celui qui le maitrise déjà mieux. Il a été nécessaire de mettre à profit les séances de cointervention dont bénéficient nos élèves de REP+ pour travailler dans deux salles différentes. La maitrise de l’ENT constitue la progression la plus visible de ce projet, et celle qui touche le plus grand nombre d’élèves dans la classe. Elle est transférable à l’ensemble des disciplines. Elle peut éviter de creuser davantage d’inégalités lors du passage en seconde, lors de l’attribution d’un ordinateur portable dont les deux tiers de la classe ne sauraient se servir.
Les activités et les débats menés en classe montrent que les élèves acquièrent un recul critique sur le choix de l’outil numérique le plus pertinent. Dans notre cas, seuls les deux élèves lourdement freinés dans leur accès à la langue française (Niveau A1) ont sollicité une IA générative pour faire leur travail de rédaction.

Sur la manipulation du dictionnaire :

En début de 4e, la moitié de cette classe ignore comment utiliser un dictionnaire papier, dans la recherche d’un mot et dans la lecture de sa définition. La production d’articles, inégalement aboutie, permet cependant à tous d’en démystifier la lecture. Les progrès dans la lecture du dictionnaire aurait pu être mise en valeur dans les évaluations (en chronométrant des recherches, le classement de mots par ordre alphabétique, la lecture d’articles).

Sur l’utilisation d’une langue soutenue à l’écrit :

Les élèves tardent à entrer dans la deuxième rédaction : le recours au lexique soutenu constitue une prise de risque pour les élèves. L’appui sur des aides comme le dictionnaire collaboratif et le CNRTL permet à une moitié de la classe d’accepter cette prise de risque. Les productions sont par ailleurs peu satisfaisantes : de nombreuses formulations incorrectes montrent les limites du seul recours au dictionnaire, et la nécessité d’un travail régulier, syntaxique et en contexte. L’oubli des règles d’insertion du dialogue dans le récit montre que l’effort lexical met les élèves en situation de double tâche, même les élèves plus à l’aise. Cette évaluation montre surtout que les outils numériques contribuent à sécuriser des élèves pour s’approprier, en autonomie, une langue inhabituelle. Dans cette perspective, il aurait été pertinent d’entrainer davantage les élèves à l’usage du correcteur orthographique.

Sur les démarches collaboratives :

Plusieurs phases du travail engagent une démarche collaborative, au moins parce que les salles informatique ne contiennent pas suffisamment de postes. Ces compétences sont évaluées : accepter de travailler en groupes mixtes, négocier un exemple, laisser chacun manipuler le clavier. Lors de la dernière phase collaborative, les élèves sont invités à choisir leur binôme ou à accepter un tirage au sort (choix de 10 élèves): les 6 élèves les plus en difficulté préfèrent choisir leur binôme, quand ceux qui semblent suffisamment sécurisés par les ressources numériques acceptent le tirage au sort.

Sur le plaisir, la curiosité et l’ambition des élèves :

Les 11 premiers élèves à répondre au sondage manifestent leur plaisir à réfléchir à la langue, aux effets du choix du lexique sur leur communication, et l’ambition de lire un texte comme Andromaque, dont un extrait a été lu en classe. Les réponses de 6 élèves relancés avec insistance modèrent l’autoévaluation en termes de progrès et d’ambition de la classe. Cet effet est accru dans les deux dernières réponses, celles des élèves en grande difficulté: il faut leur mettre un ordinateur ainsi que le lien d’accès à disposition. Leurs réponses manifestent une faible progression, et un faible sentiment de maitrise de l’outil numérique, comme du lexique.

Pour conclure,

Le projet a été nommé «Dictionnaire dynamique des relations sociales», car en réfléchissant à l’emploi de termes quotidiens, les élèves s’aperçoivent combien le choix des mots qu’ils utilisent influence la nature des relations qu’ils entretiennent avec d’autres.
Il n’est pas certain que les élèves ont davantage progressé, en maitrise de la langue, grâce aux seuls outils numériques. L’intérêt porté à leur culture et la dimension collaborative du projet contribuent à leur motivation. Et le dictionnaire aurait pu naitre au format papier uniquement. Il apparait cependant que les enseignements numériques favorisent l’engagement des élèves, en leur permettant d’accéder à une autonomie et à davantage de pertinence dans le choix de leurs ressources.
Pour finir… Andromaque les passionne.