Travailler la compréhension et l’expression avec des outils d’intelligence artificielle : accompagner des élèves allophones dans une séquence coopérative en français fondée sur un usage structuré et critique de l’IA – Omar KACED

  • Auteur : Omar Kaced – Lycée Blaise Pascal, Forbach – Académie de Nancy-Metz
  • Discipline : Français / FLS / FLSco
  • Niveau : UPE2A – Lycée – Élèves allophones (A2)
  • Durée : 4 séances – 12 étapes
  • Objet d’étude : S’informer, informer – Les circuits de l’information (Programme Bac Pro – BO spécial n°5 – 2019)

Résumé :

Ce projet TraAM propose une séquence en quatre séances autour d’un dialogue généré par une IA, afin de développer chez des élèves allophones de niveau A2 des compétences en compréhension, expression orale, et médiation. La séquence s’appuie sur l’objet d’étude « S’informer, informer – Les circuits de l’information », inscrit au programme de français de seconde Bac Pro (BO spécial n°5 du 11 avril 2019). Elle mobilise les compétences suivantes : identifier la fiabilité d’une information, reformuler les éléments essentiels d’un message oral ou écrit, produire un message adapté au destinataire, et utiliser les outils numériques pour s’informer et structurer un propos. Les élèves coopèrent en binôme pour interroger l’IA, structurer l’information, préparer une restitution orale à deux voix, et animer un échange en classe. La posture critique, l’usage raisonné du numérique et l’appropriation du lexique sont au cœur de la démarche, qui combine FLS, FLSco et inclusion progressive en classe ordinaire dans une dynamique d’intégration linguistique et scolaire.

 

Objectifs pédagogiques

  • Développer la compréhension orale et écrite, l’expression orale et le lexique
  • Renforcer la confiance et l’autonomie en s’appuyant sur l’IA
  • Introduire une posture critique sur la fiabilité de l’information
  • Favoriser la coopération et la médiation entre pairs
  • Construire une autonomie d’interaction avec des outils d’IA dans une dynamique coopérative
  • Apprendre à formuler des requêtes claires et adaptées à un objectif d’apprentissage

SÉANCE

OBJECTIF PRINCIPAL

OUTILS NUMÉRIQUES / IA MOBILISÉS

ACTIVITÉ CLÉ

Séance 1

 

Formuler une requête simple – vérifier la fiabilité

IA générative (texte)

Dialogue IA + posture critique

Séance 2

 

Lire, comprendre, enrichir le lexique

Synthèse vocale IA + IA générative

Lecture orale + test A2

Séance 3

 

Structurer l’oral et s’autoévaluer

Markmap + IA générative

Carte mentale + autoévaluation

Séance 4

 

Restituer et animer un échange

IA générative

Médiation + questions différenciées

Compétences travaillées

– CECRL : A1/A2 – Compréhension, Interaction, Médiation

– CRCN élève : Interagir / Créer des contenus / Adopter une posture critique

– CRCN-Édu enseignant : Concevoir des ressources / Engager les apprenants

 

Plus-value du numérique

– L’IA générative facilite l’accès à un contenu linguistique adapté et engageant

– L’usage du binôme et de la carte mentale soutient la structuration des idées

– L’autoévaluation guidée permet une progression réflexive

 

Transférabilité vers d’autres publics

Cette séquence peut être adaptée à d’autres profils d’élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP), en particulier pour développer la médiation, la reformulation et l’autonomie avec un appui numérique guidé. Elle est transposable en collège SEGPA, en ULIS ou en ateliers FLSco.

Contexte et objectifs de la séquence 

 

Ce projet a été mené dans un dispositif UPE2A en lycée, auprès d’élèves allophones de plus de 16 ans, dans le cadre des Travaux Académiques Mutualisés (TraAM). Il propose un parcours structuré pour accompagner des apprenants de niveau A2 dans le développement de leurs compétences en français langue seconde et en langue de scolarisation.

À partir d’un dialogue généré par une intelligence artificielle, les élèves sont amenés en binôme, à interroger, comprendre, structurer et restituer un contenu oral, en mobilisant des outils numériques et en sollicitant l’IA comme ressource d’apprentissage.

La séquence repose sur une progression en quatre temps : lecture guidée et vérification de l’information ; appropriation lexicale et compréhension partagée ; organisation des idées et médiation orale ; restitution et autoévaluation. Chaque phase articule des objectifs langagiers clairs à une démarche coopérative (binômes, interaction, outils réflexifs, valorisation des productions).

 

Observée le 31 mars 2025 dans le cadre de la Semaine académique de la persévérance scolaire, cette séquence visait à documenter comment l’usage raisonné de l’IA peut soutenir les apprentissages et favoriser l’implication d’élèves allophones. L’objectif était également d’identifier des leviers transférables vers d’autres élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP), notamment autour de la structuration, de l’autonomie et de la persévérance scolaire.

 

Déroulé de la séquence : étapes et apports pédagogiques

Séance 1 – Initier l’échange avec l’IA : amorce, compréhension, posture critique

Cette première séance du parcours TraAM vise à initier un dialogue entre les élèves et l’IA. Elle leur permet de formuler une première demande contextualisée, d’observer la capacité de l’IA à comprendre une requête imparfaite, puis d’apprendre à interroger la fiabilité de la réponse. L’objectif est double : introduire une première compétence de formulation guidée, et instaurer une posture critique fondée sur la vérification des sources. Cette séance pose les fondations de l’autonomie future dans la relation aux outils génératifs.

Étape 1 – Amorcer l’échange avec l’IA

Objectif : apprendre à orienter l’IA vers son répertoire d’entraînement pertinent en formulant une requête contenant des éléments explicites de contexte (niveau, discipline, objectif), afin d’augmenter la probabilité d’une réponse adaptée et de limiter les risques d’erreurs ou d’hallucinations. Cette compétence permet aux élèves de développer une stratégie de formulation guidée, sans avoir besoin de technicité avancée.

Cette première interaction valorise le droit à l’erreur. Les élèves prennent conscience que même une requête imparfaite peut être comprise, ce qui diminue l’inhibition linguistique. Cette étape ouvre un espace sécurisé d’expérimentation et d’initiative, fondamental dans une dynamique d’apprentissage autonome et progressive.

Étape 2 – Interroger la fiabilité de la réponse

 

Objectif : introduire une posture critique en incitant les élèves à questionner la fiabilité de l’information fournie par l’IA. Ils apprennent à demander d’où vient l’information, à identifier des sources officielles et à développer un premier réflexe de vérification.

Les élèves découvrent qu’ils peuvent questionner l’IA, notamment sur l’origine de ses affirmations. Ce moment marque une entrée concrète dans l’éducation aux médias et à l’information. Ils apprennent à repérer les imprécisions, formuler des contre-exemples, et comprendre que les réponses générées ne sont pas neutres. La posture critique s’installe ainsi comme compétence transversale durable.

Étape 3 – Demander un dialogue simple à l’IA

Objectif : apprendre à guider l’IA en définissant les paramètres de production (thème, type de texte, niveau de langue). Les élèves sont amenés à formuler collectivement une demande précise pour générer un dialogue adapté à leur niveau, en lien avec le programme : « S’informer, informer : les circuits de l’information »

Le dialogue généré respecte les consignes fixées par les élèves : deux personnages, lexique simple, thème informatif. Ce texte devient alors un support de travail pour la lecture partagée, la prononciation et le repérage lexical. Les élèves découvrent qu’ils peuvent piloter l’outil par la précision de leur demande, renforçant ainsi leur sentiment de maîtrise et d’engagement.

Séance 2 – Appropriation du dialogue : lecture, compréhension, vocabulaire

Dans la continuité de la première séance, cette deuxième étape du parcours TraAM vise à renforcer la compréhension du dialogue généré par l’IA. Les élèves sont amenés à s’approprier le contenu par la lecture expressive, à vérifier leur compréhension via un test de niveau A2, puis à enrichir leur vocabulaire grâce à une traduction contextualisée en langue maternelle. Chaque activité est conçue pour favoriser l’autonomie et encourager une posture active dans la relation au texte.

Étape 4 – Lire le dialogue à voix haute pour s’entraîner à la prononciation

Objectif : renforcer la confiance à l’oral, améliorer la prononciation, l’intonation et la fluidité. Les élèves travaillent en binôme et s’appuient sur une synthèse vocale IA comme modèle. L’enregistrement vocal, généré à partir du dialogue écrit, permet aux élèves de comparer leur diction et de s’ajuster. Cette étape développe l’attention portée à la prosodie du français et prépare la restitution orale.

L’activité valorise une pratique autonome de l’oral, soutenue par un modèle IA paramétrable. Les élèves peuvent s’exercer sans pression, ajuster leur diction en toute autonomie, et comparer leur production avec la version de référence. Elle contribue à réduire les appréhensions liées à la prise de parole, tout en développant la conscience phonologique dans un cadre rassurant. La posture bienveillante de l’enseignant est ici essentielle pour encourager l’engagement et la persévérance.

Étape 5 – Créer un test de compréhension niveau A2

Objectif : vérifier la compréhension globale du dialogue par un test de type QCM adapté au niveau A2 du CECRL. Les élèves formulent une requête collective à l’IA.

L’élaboration du test permet de passer d’un usage réceptif à une exploitation active de l’IA. En formulant collectivement une requête ciblée, les élèves découvrent qu’ils peuvent générer un outil d’évaluation pertinent. Le test est ensuite utilisé en binôme : les élèves discutent de leurs réponses, sollicitent des explications complémentaires, et justifient leurs choix à l’oral. Ce processus favorise la coopération, renforce la reformulation et installe une posture réflexive vis-à-vis des outils numériques et des contenus travaillés.

 

Étape 6 – Identifier et traduire les mots importants du dialogue

Objectif : enrichir le lexique et soutenir la compréhension par la traduction en langues maternelles. Les élèves demandent une liste de mots importants, traduits en ukrainien et en arabe syrien.

Le travail sur le lexique, enrichi par la traduction, facilite l’appropriation du contenu. En identifiant les mots clés du dialogue et en les associant à leur langue d’origine, les élèves consolident leur compréhension tout en valorisant leur plurilinguisme. Cette mobilisation des langues maternelles améliore la mémorisation, soutient la confiance et favorise l’inclusion dans une démarche d’ouverture linguistique.

Séance 3 – Structuration, évaluation et médiation orale avec l’IA

Cette troisième séance du parcours permet aux élèves de structurer les idées du dialogue à l’aide d’un outil visuel, de construire une grille d’autoévaluation simple et adaptée à leur niveau, et de se préparer à animer une interaction orale avec leurs camarades. Ces trois étapes renforcent l’autonomie, la capacité à organiser un contenu langagier et la posture réflexive dans une logique inclusive.

Étape 7 – Générer une carte mentale avec les idées importantes

Objectif : organiser visuellement les idées clés du dialogue pour en faciliter la mémorisation, la compréhension et la restitution. Les élèves découvrent une structure en trois branches thématiques, puis apprennent à éditer cette carte avec un outil numérique (Markmap).

La carte mentale permet aux élèves de représenter visuellement l’organisation du contenu, ce qui facilite la compréhension, la mémorisation et la restitution. En s’appuyant sur une structure thématique simple, les élèves développent leur capacité à hiérarchiser les idées. L’outil Markmap les initie à une manipulation intuitive des contenus numériques et constitue un support de parole réutilisable pour les restitutions à venir.

Étape 8 – Créer une grille pour s’autoévaluer

Objectif : permettre aux élèves de s’autoévaluer à la fin de leur activité orale. La grille est co-

construite avec le groupe classe et adaptée à leur niveau. Elle porte sur la prononciation, le lexique, la coopération et la compréhension.

 

La grille est complétée en binôme après la présentation orale. Elle permet aux élèves de verbaliser leurs réussites et de cibler les points à améliorer. L’enseignant accompagne ce moment réflexif pour valoriser les efforts et guider la progression.

La co-construction de la grille engage les élèves dans une compréhension active des critères de réussite. L’autoévaluation réalisée en binôme à l’issue de leur prise de parole les encourage à verbaliser leurs points forts et leurs axes de progrès. Ce moment, guidé par l’enseignant, favorise une posture réflexive, renforce la confiance et initie à l’autorégulation.

Étape 9 – Élaborer des questions pour les autres élèves (A1 et A2)

Objectif : permettre aux élèves de construire des questions adaptées aux niveaux A1 et A2 afin de favoriser l’interaction orale. Cette étape développe la capacité à différencier les formulations et à animer une médiation linguistique simple.

En sollicitant l’IA pour obtenir des questions différenciées à poser à leurs camarades, les élèves adoptent une posture active et valorisante. Ils apprennent à sélectionner, reformuler ou adapter ces questions selon les niveaux de leurs pairs (A1 ou A2). Ce travail développe des compétences de médiation, d’écoute et de clarification, tout en favorisant une dynamique d’échange horizontale et inclusive.

Séance 4 – Restitution orale, médiation et autoévaluation finale

Dans cette dernière séance, les élèves passent à l’oral pour restituer le dialogue (étape 10) travaillé tout au long du parcours. Réalisée en binôme, cette prise de parole s’appuie sur le support imprimé, la carte mentale projetée et les aides construites collectivement. Les élèves lisent à deux voix, s’entraident, soignent l’intonation et reformulent si besoin. Ce moment constitue un temps fort, à la fois valorisant et structurant, qui permet de prendre conscience des progrès accomplis.

À l’issue de la restitution, les élèves enchaînent avec une activité de médiation orale (étape 11). Chaque binôme pose à la classe les questions préparées lors de la séance précédente, différenciées selon les niveaux A1 et A2. Ce rôle d’animateur leur permet de relancer, de clarifier, et de faire circuler la parole, en mobilisant des compétences d’écoute et d’interaction rarement travaillées à ce niveau.

La séance se conclut par une autoévaluation orale (étape 12), réalisée à partir d’une grille co-construite projetée au tableau. Les binômes verbalisent ensemble les réussites et les points à améliorer, en s’appuyant sur des critères clairs : clarté, lexique, posture, gestion de l’échange. Ce temps réflexif installe une posture d’apprentissage active et prépare les élèves à des formes d’évaluation plus formelles.

 

Bilan et mise en perspective pédagogique

Ce parcours a été conçu pour répondre aux besoins spécifiques d’élèves allophones en français langue seconde et en langue de scolarisation. Il s’appuie sur une démarche structurée visant à développer la compréhension, la reformulation et l’expression orale à travers une activité contextualisée.

Le recours à des outils numériques — notamment l’IA générative — vient soutenir ces objectifs linguistiques, en apportant un appui à la structuration des apprentissages, à l’autonomie des élèves et à la coopération entre pairs.

Ce travail a permis de renforcer :

  • la confiance des élèves dans leurs capacités à s’exprimer à l’oral, dans un cadre bienveillant valorisant le droit à l’erreur ;
  • des compétences langagières différenciées (lexique, prosodie, interaction) ;
  • une posture réflexive, encouragée par l’autoévaluation et la co-construction d’outils simples ;
  • l’engagement coopératif par le travail en binôme et les rôles d’animation ;
  • une autonomie progressive, guidée par l’enseignant et facilitée par les outils numériques.

L’intelligence artificielle a été intégrée à chaque étape du parcours non comme finalité, mais comme ressource d’appui :

  • pour apprendre à formuler des requêtes compréhensibles ;
  • pour interroger la fiabilité des réponses ;
  • pour soutenir la production d’outils adaptés au niveau des élèves.

La démarche peut être transférée à d’autres contextes pédagogiques, quels que soient les publics ou les disciplines, dès lors qu’un travail de compréhension écrite, de compréhension orale ou de médiation linguistique est engagé. Elle s’adapte aussi bien à des objectifs en français langue seconde qu’à d’autres apprentissages disciplinaires nécessitant un accompagnement progressif et structuré.

En articulant apprentissages linguistiques, accompagnement humain et outils génératifs, ce projet contribue aussi à initier les élèves à un usage raisonné et critique de l’intelligence artificielle, dans le respect de leur rythme, de leurs besoins et de leurs intentions d’apprentissage.

Article rédigé par Omar Kaced – Lycée Blaise Pascal, Forbach – Académie de Nancy-Metz