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Pratiques de classes

Associer les élèves à l’élaboration de règles

Associer les élèves à l’élaboration de règles

extrait de la conférence de JF Vincent - OCCE Drôme

Texte paru dans la revue Animation & Education n° 148 (janvier/février 1999).

Associer les élèves à la définition et à l’écriture des règles de vie de la classe est devenu, depuis quelques années, une préoccupation de la plupart des enseignants, de la maternelle au lycée. Encore faut-il expliciter le projet éducatif !

La production de cet écrit tout à fait particulier pose cependant des problèmes tant dans son élaboration que dans sa forme, son contenu, voire son utilité :
- Les règles doivent-elles être écrites à la forme affirmative ou sous forme d’une litanie d’interdits ?
- Doit-on écrire les règles de la classe en termes de droits ou de devoirs ?
- Que faire quand les élèves ne respectent pas les règles qu’ils ont élaborées et qui sont affichées dans la classe ?

Dans la plupart des classes, l’enseignant élabore avec ses élèves, dès les premiers jours de l’année scolaire, les règles qui doivent permettre un bon déroulement du "jeu social" à l’intérieur de la classe.

Quels que soient la forme de l’écrit et le support utilisé pour rendre compte de cette réglementation, la démarche mise en place témoigne toujours de la volonté de l’enseignant d’associer les élèves à la définition des principes, droits, devoirs ou interdits qui vont s’imposer à eux durant l’année scolaire.

Si ce souci de faire participer les élèves est évidemment louable car il est la condition indispensable d’une éducation à une citoyenneté active et responsable, il n’en est malheureusement pas la condition suffisante pour plusieurs raisons qui tiennent, d’une part à la finalité de ces règles de vie (la raison pour lesquelles on les établit, le projet que l’on poursuit) et, d’autre part, au statut de l’élève qui les élabore (ses droits et ses devoirs dans la structure sociale qu’est la classe).

Ecrire des règles de vie définissant un objectif de vie sociale s’appuyant sur des valeurs de référence en réfléchissant au statut de l’élève.

La réflexion concernant l’objectif, les valeurs et le statut de l’individu est centrale quand on aborde le problème de l’élaboration des règles ou, sur un plan plus général, celui de l’élaboration de la loi.

L’école s’intéresse à la fois à l’élève en tant qu’individu confronté à la construction de ses apprentissages, de son identité, de la réalisation d’un projet personnel, et à l’élève en tant qu’être social évoluant à l’intérieur d’une structure sociale régie par des règles.

Or, la vie de cette structure sociale varie considérablement d’une classe à l’autre du fait de l’enseignant qui définit en fonction de sa personnalité, de ses options pédagogiques, de ses valeurs de référence, le cadre de vie de la classe : le statut des élèves, les droits, les devoirs, les interdits...

Tous ces éléments qui sont déterminants pour la vie de la classe caractérisent, en fait, que l’enseignant en ait conscience ou non, son projet éducatif.

Expliciter son projet éducatif

Avant de demander aux élèves d’élaborer des règles de vie, l’enseignant va devoir expliciter son projet éducatif, c’est-à-dire définir les droits, devoirs, statuts et responsabilités des uns et des autres à l’intérieur du groupe social, en fonc-tion d’un certain nombre de valeurs de référence. Les apprentissages se construiront-ils autour de la notion de responsabilité individuelle (à chacun selon son mérite et en fonction de ses efforts...), dans un climat de compétition va-lorisant les performances, sanctionnant les échecs car les unes et les autres sont dépendants du mérite de l’individu ?... (conception de l’éducation centrée sur les va-leurs d’égalité et de liberté : les hommes étant égaux en droits et libres de leurs actes, "ne connaissent d’autres motifs de préférence... que leurs vertus et leurs talents". Art. 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 26/08/1789).

Les apprentissages se construiront-ils, au contraire, autour des valeurs de fraternité, de solidarité, insistant sur l’idée que, dans la classe, la réussite de chacun est l’affaire de tous et que chaque élève est, d’une part, responsable en tant qu’individu, de ses actes propres, mais que, d’autre part, en tant que membre (citoyen) d’une structure sociale (la classe), il est également responsable des autres et qu’il ne peut se désintéresser de leur devenir ?... "Le but de la société est le bonheur commun" (art. 1 de la déclaration du 26/06/1793).

Il est bien clair que cette définition du projet social est de l’unique responsabilité de l’enseignant puisque, de fait, c’est lui qui détient le pouvoir (tous les pouvoirs, même celui d’en déléguer), qui détermine le statut des élèves, qui décide des droits des uns et des autres et qui doit, professionnellement, rendre compte de ses choix.

Si cet élément, indispensable à la vie de la classe, n’est pas explicite, les élèves vont devoir deviner, ou interpréter, ce qui plaît ou déplaît à l’enseignant, ce qu’il accepte ou, au contraire, ce qu’il trouve inadmissible, ce qu’il considère juste ou injuste, bien ou mal...

Or, élaborer des règles de vie dans la classe, c’est prendre des décisions, élaborer des contrats pour résoudre les problèmes que l’on rencontre dans la poursuite d’un objectif commun, ce n’est pas deviner, interpréter et reformuler des exigences d’adulte.

Du projet éducatif au projet de vie de la classe Pour que le projet de l’enseignant devienne le projet de la classe, il doit être présenté aux élèves dès le premier jour de la rentrée pour devenir "un sujet de réflexion de la classe".

Cette phase d’explicitation du projet collectif, au cours de laquelle on va présenter aux élèves l’objectif à atteindre, on va envisager avec eux les modalités de fonctionnement du groupe, les responsabilités des uns par rapport aux autres, les structures d’évaluation et de régulation du projet..., va permettre aux élèves de comprendre et de s’approprier le projet de l’adulte afin d’en faire "le projet de vie de la classe".

A l’issue de cette phase, certains enseignants symbolisent le projet sous forme d’une devise : "Un pour tous, tous pour un" D’autres s’appuient sur quel-ques mots-clés qui définissent le climat de la classe : "Ecoute / Respect / Solidarité / Entraide"

Dans les classes qui s’inspirent des mouvements d’éducation nouvelle, les enseignants mettent en place des modalités pédagogiques spécifiques de responsabilisation et de socialisation des élèves. Quelques modalités spécifiques de l’organisation coopérative ou participative
- Les structures d’expression et de régulation : le conseil de classe ;
- le conseil de délégués ;
- le "Quoi de neuf ?" ;
- le tableau d’affichage des critiques et des félicitations ;
- le bilan

- Les modalités pédagogiques :
- l’entraide, le tutorat ;
- l’apprentissage coopératif
- les contrats ;
- les ceintures de comportement ;
- les rôles...

Élaborer les règles de vie de la classe : l’articulation droits / devoirs

Cette étape d’explicitation du projet va permettre de définir le but et les modalités de fonctionnement de la structure sociale et, donc, de préciser les droits de l’individu et les devoirs de l’être social dans la réalisation du projet collectif : j’ai des devoirs en tant que membre d’une collectivité parce que j’ai des droits en tant qu’individu et je n’ai des droits que dans la mesure où j’ai des devoirs vis-à-vis des autres et que je les respecte.

Les règles de vie qui s’articulent autour des droits et devoirs définissent les règles du jeu social qui vont permettre la réalisation du projet collectif (tout comme dans un jeu de société, les règles du jeu définissent, par rapport à un but, ce qui est permis ou interdit).

C’est à partir de la définition des droits que les élèves vont définir ensemble les conditions d’application de ces droits, c’est-à-dire définir les devoirs : "J’ai le droit de me déplacer dans la classe mais je dois faire attention à ne pas déranger mes camarades". "J’ai le droit d’aller à la bibliothèque de la classe ; alors je dois respecter les livres ; je dois ranger les livres empruntés". Cette réciprocité des droits et des devoirs est très importante. Le règlement n’est plus alors une suite d’interdits ou d’obligations mais un écrit qui protège l’exercice des libertés.

Les sanctions et les réparations

Reconnaître aux élèves des droits, des libertés, des devoirs amène inévitablement à se poser la question des sanctions et des réparations.

Il convient, à ce sujet, de faire clairement la différence entre ce qui est de l’ordre du dommage causé à autrui de façon non intentionnelle, lors de l’exercice d’une liberté et qui va nécessiter un dédommagement, une réparation (responsabilité civile), de ce qui est de l’ordre de la transgression (volontaire ou non) d’une règle et qui va induire une sanction (responsabilité pénale).

Les réparations sont de deux ordres : elles peuvent être directes, en lien avec le dommage, ou indirectes, c’est-à-dire sans relation avec le dommage.

Exemples de réparations directes
- J’ai perdu le crayon que mon camarade m’avait prêté, je lui donne le mien.
- J’ai renversé un verre sur la table de mon voisin, je nettoie sa table.

Dans la société, la plupart des dédommagements indirects reposent sur l’argent : si un automobiliste écrase mon chien, son assurance me donnera une certaine somme d’argent (cet argent ne me rendra pas mon chien, mais la somme versée sera censée dédommager ma peine...).

A l’école, où il ne saurait être question d’envisager des dédommagements financiers, la principale et indispensable réparation indirecte constitue dans la présentation d’excuses qui témoignent du regret sincère du dommage causé. Il est évident que l’on peut associer les élèves à cette réflexion concernant les réparations.

Exemples de réparations
- Que faire quand on porte tort à quelqu’un sans l’avoir voulu ?
- Je lui demande de bien vouloir m’excuser.
- Je lui serre la main.
- Je lui fais un dessin ou je lui écris un mot.
- Je lui dis une gentillesse.

Concernant la participation des élèves à la définition et à l’application des sanctions et punitions, on peut observer deux attitudes contradictoires qui provoquent encore de très nombreux débats au sein des mouvements d’éducation nouvelle

- Les élèves, puisqu’ils sont responsables de la définition des règles, doivent-ils être associés à la définition et à l’application des sanctions en cas de non-respect ?

- les pouvoirs de "justice et de police" doivent-ils être délégués à l’enseignant ?

Ces deux approches ont l’une et l’autre une justification éducative. On peut, cependant, constater qu’il est très difficile à un groupe d’envisager et d’appliquer des sanctions en cas de non-respect d’une décision prise pourtant ensemble (le Conseil des maîtres envisage-t-il des sanctions en cas d’absence de mise en oeuvre d’une décision par l’un des enseignants ?...).

Les sanctions sont de deux ordres, punition et privation de l’exercice du droit, et doivent intégrer deux principes

- le respect des règles de droit (elles sont connues, identiques pour tous, non humiliantes...) ;

- la graduation

Quand un adulte commet une infraction au code de la route, il peut avoir une punition (retrait de points, amende) et/ou être privé du droit de conduire pour une durée de quelques semaines à plusieurs années.

A l’école, les sanctions doivent intégrer ces deux registres et être dosées en fonction de la gravité de la faute ou de sa répétition.

L’évolution des règles de vie Tout au long de l’année, en fonction des activités, des projets, les élèves vont acquérir de nouveaux droits, auront la possibilité d’exercer de nouvelles libertés qui nécessiteront la définition de nouvelles règles.

D’autre part, les décisions prises, à un moment donné, s’avéreront peut-être insatisfaisantes ou incomplètes quelques semaines plus tard, ce qui amènera la classe à redéfinir les règles précédentes.

L’évolution des règles de vie, leur modification, leur adaptation à de nouvelles données sont des éléments essentiels de la vie des règles dans la classe.

La structure sociale qu’est la classe étant en perpétuelle évolution, les principes qui régissent son fonctionnement ne peuvent demeurer figés.

Elaborer des règles de vie à partir d’un projet éducatif explicite, reconnaître aux élèves des droits pour les amener à en définir les conditions d’exercice, engager avec eux la réflexion concernant les sanctions et les réparations... c’est faire de la classe un lieu d’élaboration de la loi et non pas un lieu d’application des règlements, c’est s’engager dans une éducation réellement active à la citoyenneté.

Un questionnement continu du projet de vie Le projet de vie, les règles de vie sont des outils de référence. Ils sont régulièrement évalués, réactualisés de façon ponctuelle ou institutionnalisés au moyen des conseils ou autres structures d’expression : bilan, "Quoi de neuf ?"...

Pour en savoir plus, cliquez sur le lien ci-dessous :
- extrait de la conférence de JF Vincent - OCCE Drôme

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