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Pratiques de classes

Quelles sanctions possibles à l’école maternelle et élémentaire ?

note documentaire, Bruno Robbes

Les sanctions proposées par le texte de référence

Pour les écoles maternelles et élémentaires, le texte de référence est la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991, « Directives générales pour l’établissement du règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires » (Chapitre 3. Vie scolaire). À partir de cette circulaire, un règlement type départemental est élaboré par chaque inspecteur d’académie.

Que dit ce texte ?

Il affirme tout d’abord le principe de l’interdit de violence - quelle qu’en soit la forme - de l’enseignant envers l’élève mais aussi de l’enseignant envers la famille de l’élève : «  le maître s’interdit tout comportement, geste ou parole qui traduirait indifférence ou mépris à l’égard de l’élève ou de sa famille, ou qui serait susceptible de blesser la sensibilité des enfants ».

L’interdit de violence s’applique - en réciprocité - aux actes susceptibles d’être commis à l’encontre de l’enseignant, par l’élève comme par sa famille : « de même les élèves, comme leurs familles, doivent s’interdire tout comportement, geste ou parole qui porterait atteinte à la fonction ou à la personne du maître et au respect dû à leurs camarades ou aux familles de ceux-ci ».

Il recommande également de prévoir dans le règlement intérieur « des mesures d’encouragement au travail et des récompenses ». Par extension et par analogie avec les établissements du second degré, il est souhaitable que les sanctions figurent par écrit dans le règlement intérieur, après discussion en conseil des maîtres et dans le respect de la présente circulaire. Le règlement intérieur est ensuite approuvé par le conseil d’école. Ainsi, les sanctions prises en fonction des infractions commises sont-elles clairement énoncées, prévisibles car connues de tous, non soumises à l’arbitraire de l’adulte.

Le texte explicite ensuite les sanctions qui ne sont pas autorisées.

À l’école maternelle, « aucune sanction ne peut être infligée ». L’isolement « pendant (un) temps très court » et sous surveillance est possible. Dans les cas les plus graves, comme pour l’école élémentaire, l’équipe éducative est convoquée. « Une décision de retrait provisoire de l’école peut être prise par le directeur, après un entretien avec les parents et en accord avec l’inspecteur de l’Éducation nationale ». L’objectif reste la « réinsertion dans le milieu scolaire ».

À l’école élémentaire également, les sanctions non autorisées sont précisées.
« Le maître ou l’équipe pédagogique de cycle doit obtenir de chaque élève un travail à la mesure de ses capacités ». Cela signifie que l’on ne peut pas sanctionner un élève pour un travail non fait parce qu’il est trop difficile pour lui. Dans ce cas, des mesures appropriées peuvent être prises (soutien individualisé, entraide en classe, groupes de niveau, réseau d’aides spécialisées, rencontre avec la famille, aide aux devoirs, centre médico psycho-pédagogique…).

« Tout châtiment corporel est strictement interdit ». L’interdit de la violence physique exercée par l’enseignant est réaffirmé.

En « creux », les sanctions autorisées par le texte peuvent être déduites.
« Un élève ne peut être privé de la totalité de la récréation à titre de punition ». La privation partielle de récréation est donc possible. C’est l’idée d’une gradation des sanctions qui apparaît ici.

« Les manquements au règlement intérieur de l’école, et, en particulier, toute atteinte à l’intégrité physique ou morale des autres élèves ou des maîtres peuvent donner lieu à des réprimandes qui sont, le cas échéant, portées à la connaissance des familles ». La réprimande est une autre possibilité qui là encore, peut être graduée.

« Il est permis d’isoler de ses camarades, momentanément et sous surveillance, un enfant difficile ou dont le comportement peut être dangereux pour lui-même ou pour les autres ». Niveau supplémentaire dans la gradation de la sanction, un enfant difficile peut encore être isolé, mais la surveillance s’impose. L’isolement peut prendre différentes formes, de l’exclusion « bannissement » à la conception d’un projet d’accueil individualisé dans une autre classe, un autre lieu de l’école.

« Dans le cas de difficultés particulièrement graves affectant le comportement de l’élève dans son milieu scolaire », le texte exige que la « situation (soit) soumise à l’examen de l’équipe éducative ». Cette réunion comprend l’équipe enseignante, à laquelle se joignent obligatoirement le médecin scolaire et/ou un membre du réseau d’aides spécialisées.

Après une période d’un mois et s’il n’y a pas d’amélioration, l’inspecteur de l’Éducation nationale pourra décider d’un changement d’école. Les parents pourront faire appel de cette décision auprès de l’inspecteur d’académie : « s’il apparaît, après une période probatoire d’un mois, qu’aucune amélioration n’a pu être apportée au comportement de l’enfant, une décision de changement d’école pourra être prise par l’inspecteur de l’Éducation nationale, sur proposition du directeur et après avis du conseil d’école. La famille doit être consultée sur le choix de la nouvelle école. Elle peut faire appel de la décision de transfert devant l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale ».

Même s’il indique des pistes d’action possibles en terme de sanctions, ce texte relatif au premier degré peut sembler relativement limité, en comparaison des textes régissant le fonctionnement des punitions et des sanctions dans les établissements du second degré.

Pour étendre la gamme des sanctions possibles sans contrevenir aux objectifs éducatifs qui doivent rester les objectifs essentiels de l’école, une transposition partielle et réfléchie de certains fonctionnements des établissements du second degré peut s’envisager, particulièrement à l’école élémentaire. On pourrait notamment s’appuyer sur la distinction entre punitions scolaires et sanctions disciplinaires (fiche n° 2 du dossier d’accompagnement mentionné en note), sur le principe du contradictoire (fiche n° 3), sur l’individualisation et la proportionnalité de la sanction (fiche n° 4), sur les procédures conduisant à prononcer une sanction (fiche n° 5). Sont encore évoquées des questions telles l’amnistie, la réparation et l’exclusion (fiches n° 6, n° 7, n° 8).

Des exemples de sanctions possibles
En accompagnement des principes énoncés précédemment (justice, gradation des sanctions, proportionnalité entre l’infraction commise et la sanction prononcée…), il convient d’apporter encore quelques précisions lorsque l’enseignant met en œuvre des sanctions.

  • Ce qui relève de l’atteinte à la personne sous toutes ses formes doit être sanctionnée plus sévèrement que les incivilités, infractions d’une gravité moindre.
  • Les incidents qui se produisent dans la classe - dans la majeure partie des cas - doivent être traités par l’enseignant de la classe concernée. Ils relèvent des interdits fondateurs de toute vie sociale (lois) et des règles de vie de la classe.
  • Les incidents qui ont lieu dans l’école (couloirs, cour de récréation, sortie…) concernent l’ensemble des enseignants de l’école et le directeur, en particulier les témoins de l’incident (maîtres de service…). Ils relèvent du règlement intérieur de l’école, voire d’un traitement par des partenaires extérieurs à l’Education nationale (selon que l’incident s’est produit à la sortie de l’école et selon sa gravité, la police ou la gendarmerie peuvent être prévenues).
  • Si l’infraction s’est produite devant des adultes qui en ont été les témoins, la sanction peut être prononcée rapidement et est difficilement contestable. Dans le cas contraire, une discussion (voire une médiation) s’impose pour élucider les faits, avant que toute sanction ne soit prononcée. Rappelons qu’il est parfois salutaire qu’une discussion ou une décision de sanction soient différées.
  • Enfin, le système des sanctions en classe (figurant dans les règles ou les décisions de la classe) ou dans l’école (inscrit dans le règlement intérieur) doit être connu de tous. Rendu ainsi clair et prévisible, il évite au maximum que les sanctions prises ne soient soumises à l’arbitraire de l’adulte.

Devant les limites des textes, il est possible de faire preuve de créativité et d’imagination. Avant de faire l’inventaire de sanctions applicables, indiquons l’importance des paroles autour des sanctions prononcées, paroles porteuses de sens donc éducatives. Le principe suivant pourrait ainsi être énoncé : toute sanction prononcée à l’égard d’un élève doit être assortie d’une parole qui l’explique. Comme le rappelle Jean Le Gal, « une discipline éducative et coopérative a pour objectif de faire prendre conscience à l’enfant des conséquences de son acte et de lui permettre de mieux comprendre la nécessité des règles de la vie sociale. Le dialogue est alors nécessaire ». Pour Jacques Pain aussi, « c’est en fait à partir du moment où les personnes peuvent participer à la règle, faire des règles, vivre des règles, vivre dans la règle, et faire de ce qu’elles vivent une règle, proposée au collectif, et que le collectif évidemment sanctionne positivement, que la sanction apparaît dans toute sa positivité ». Les classes pratiquant la pédagogie institutionnelle disposent notamment du conseil, lieu qui fait émerger le sens, lieu aussi qui rend possible l’élaboration des règles et des sanctions par les élèves eux-mêmes ainsi que la mise en cause des comportements parfois transgressifs de l’enseignant.

Voici maintenant quelques exemples de sanctions applicables, dans la classe ou dans l’école :

  • Pour un travail non fait par ce qu’il n’a pas été compris ou parce qu’il est trop difficile, le sens de la « sanction » doit être cherchée du côté de l’aide et de l’exigence pédagogique. Celle-ci peut prendre des formes diverses : soutien individualisé par un enseignant, entraide entre élèves dans la classe, groupes de niveau, réseau d’aides spécialisées, rencontre avec la famille, aide aux devoirs, centre médico psycho-pédagogique… Ainsi, les problèmes relatifs au travail scolaire doivent-ils être distingués sans ambiguïté des difficultés de comportement.
  • Les réprimandes : elles doivent être graduées. Dans la classe, l’enseignant peut par exemple avertir une ou deux fois un élève avant de le sanctionner. L’important est que l’élève sache au bout de combien d’avertissements il sera sanctionné et que le maître fasse ce qu’il dit, c’est-à-dire qu’il sanctionne effectivement. Au niveau de l’école, la gradation peut porter sur la « fonction » de la personne qui adresse la réprimande : d’abord l’enseignant témoin de l’infraction, ensuite le directeur. Une commission restreinte composée de maîtres, voire d’élèves (sur le modèle des commissions « vie scolaire » des collèges ou des lycées) peut aussi adresser un rappel solennel au règlement intérieur. Enfin, une information peut être adressée aux parents.
  • Les exclusions, tout comme les réprimandes, peuvent être graduées. D’abord internes à la classe (privation temporaire ou pour une durée déterminée de participation à un moment de parole, à une activité à haute teneur de désir), elles peuvent également pour les cas les plus graves se faire dans une autre classe, dans un autre lieu de l’école. Dans ce cas, une discussion en conseil des maîtres est souhaitable, qui aboutit à la rédaction d’un projet simple d’accueil individualisé. Contractualisé entre l’élève, son enseignant et l’enseignant qui l’accueille, supervisé par le directeur, un tel projet prend en compte les contraintes (adaptées à ses possibilités en comportement) auxquelles l’élève doit se soumettre en même temps qu’il comptabilise les progrès même partiels qu’il réalise. Un bilan périodique est effectué afin de mesurer si les objectifs du contrat ont été atteints ou pas, ou bien encore comment ils doivent être modulés pour permettre à l’élève d’évoluer positivement vers un comportement adapté. Quant au changement d’école (voir ci-dessus), il doit rester l’exception et concerner les violences pénalement répréhensibles.
  • Les privations de droits : dans la classe comme dans l’école, il est possible de priver de façon partielle et/ou graduée un élève de l’exercice d’un droit, à condition que les élèves aient la possibilité d’exercer des droits à l’école : droit de circuler dans la classe, droit de circuler seul hors de la classe (l’élève ne peut sortir seul aux toilettes ; il doit donner la main à l’enseignant aux heures des sorties…), droit d’effectuer une responsabilité, droit à l’autonomie (l’élève ne peut seul ouvrir une porte, prendre un matériel collectif…), droit de prendre la parole, droit d’aller en récréation (privation partielle)… Même si elle n’est pas explicitement prévue par les textes, une courte retenue après les heures de classe – qui peut être différée dans le temps car elle nécessite que les parents soient préalablement prévenus – n’apparaît pas être une mesure impossible à envisager.
  • Les réparations : la réparation peut être symbolique (paroles d’excuse non culpabilisantes, poignée de main, paiement d’amendes dans les classes pratiquant la monnaie intérieure en pédagogie institutionnelle…). Elle peut aussi être bien réelle lorsque la préparation du préjudice subi est possible. Enfin, elle peut prendre la forme d’un travail d’intérêt général (tâche utile à l’école, à la classe : rangement, nettoyage…).

Pour conclure, nous dirons que les sanctions ne doivent pas être appliquées de façon « mécanique ». Les principes régissant le fonctionnement de la justice (sanction individuelle, contradictoire, gradation, proportionnalité) doivent permettre aux sanctions mises en place à l’école de conserver tout leur sens éducatif.

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Le Luyer (F.), Sauret (J.-J.), Conflits et sanctions, Paris, Magnard, 1997, p. 30.
Bulletin officiel spécial n° 8 du 13 juillet 2000.

Le Gal Jean, Coopérer pour développer la citoyenneté – La classe coopérative, Paris, Hatier, 1999, p. 69.

Pain Jacques, De la sanction à une éthique de l’institution, document ronéoté, mai 2000, p. 5

Dans certaines classes ou écoles, des permis de circuler ou des permis à points sont institués. Leur pratique est parfois anti-éducative. Pour être efficaces, il est impératif que ceux-ci comportent non seulement des devoirs mais également des droits. La possibilité de regagner des points doit également être prévue. Voir par exemple

Pochet Catherine, Oury Fernand, Qui c’est l’conseil ?, Paris, Maspéro, 1979, pp. 202-213 ;

Meirieu Philippe, Fernand Oury. Y a-t-il une autre loi possible dans la classe ?,
Mouans-Sartoux, PEMF, 2001, pp. 36-42

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